Le vieux cauchemar

Recomposition politique au Québec - 2011



Depuis des années, le PQ est hanté par l'idée d'avoir été le parti d'une seule génération. Cette obsession a failli causer sa perte en poussant les militants à se jeter de façon totalement irrationnelle dans les bras d'André Boisclair.
Après la frousse causée par la dégelée du printemps 2007, la défaite honorable de décembre 2008 avait fait pousser un soupir de soulagement, mais le vieux cauchemar n'est jamais bien loin.
Pour un souverainiste, il est sans doute rassurant de voir dans le soudain engouement pour le NPD une sorte de lubie, qui s'expliquerait par la légèreté de l'électeur québécois, ou encore le résultat d'une manipulation par les médias, qui auraient créé volontairement ou non un effet d'entraînement en montant les sondages en épingle. Heureusement, une fois la poussière retombée, la vue de tous ces «poteaux» élus à la va-vite devrait permettre un retour au bon sens.
Certains ont néanmoins été frappés par la jeunesse de nombreux élus du NPD et des partisans de Jack Layton. Soit, à 19 ans, il est peut-être un peu tôt pour être député, mais il demeure que l'avenir appartient aux jeunes.
En comparaison, le SOS lancé à Jacques Parizeau et à Gérald Larose a fait paraître le Bloc québécois comme une légion d'anciens combattants qui n'avaient toujours pas digéré leurs défaites d'il y a trente ans.
Lundi, le Bloc a recueilli 23 % des voix, soit exactement le même pourcentage que le PQ avait obtenu à sa première tentative en 1970, mais la différence est saisissante. À l'époque, le PQ était largement le parti de la génération montante. C'est lui qui avait fait élire le plus jeune député de l'histoire dans la personne de Claude Charron.
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Pauline Marois a refusé de voir dans l'effondrement du Bloc le rejet d'un projet qui serait maintenant perçu comme dépassé. «Les Québécois ont voulu s'offrir un changement», a-t-elle dit. Soit, mais quel changement au juste?
S'il s'agissait simplement d'envoyer de nouveaux visages à la Chambre des communes, ce n'est pas la fin du monde, même si la brutalité avec laquelle le Bloc en a été expulsé avait quelque chose d'ingrat. Le Bloc avait certainement son utilité, ne serait-ce qu'en empêchant les partis fédéralistes d'occuper le terrain, mais sa présence à Ottawa pouvait aussi contribuer à rendre le fédéralisme plus acceptable.
En revanche, si l'engouement pour le NPD signifie que les Québécois entendent maintenant accorder la priorité au débat entre la gauche et la droite plutôt qu'à la question nationale, même si l'appui à la souveraineté se maintient autour de 40 % dans les sondages, le PQ et le mouvement souverainiste en général se retrouveront en sérieuse difficulté.
Même si la «gouvernance souverainiste» proposée par Mme Marois en laisse plusieurs sceptiques, la question identitaire et, conséquemment, l'avenir politique du Québec demeurent au coeur du programme du PQ. Sans cela, il perd toute pertinence.
Depuis qu'elle en a pris la direction, Mme Marois a fait de grands efforts pour préserver tant bien que mal la coalition souverainiste, en faisant tantôt un geste vers la gauche, tantôt vers la droite.
Si le débat politique se redéfinissait en termes gauche-droite, les éléments les plus progressistes, qui hésitent présentement à diviser le camp souverainiste, seraient tentés de se joindre à Québec solidaire, tandis que les plus conservateurs pourraient aller grossir les rangs de l'ADQ ou d'un nouveau parti de centre droit.
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Paradoxalement, le PLQ serait presque aussi désorienté par la disparition des repères traditionnels. Le premier ministre Charest s'est réjoui de voir que les Québécois avaient décidé de se réinvestir dans les affaires canadiennes en votant aussi massivement pour un parti fédéraliste, mais il a ajouté du même souffle que la souveraineté demeure le choix légitime d'un nombre important de Québécois et que le débat va se poursuivre au Québec.
M. Charest est le premier à savoir que la population est très insatisfaite de son gouvernement et qu'il serait suicidaire d'axer la prochaine campagne sur son bilan. Il ne manque aucune occasion de dénoncer le «radicalisme» du PQ et son désir de replonger le Québec dans les affres référendaires. Il ne faudrait surtout pas que les électeurs se désintéressent de ces vieux épouvantails.
Il y en a toutefois un qui serait ravi de voir la population changer de priorité. François Legault a précisément fait le pari qu'elle souhaite mettre la question nationale de côté pour pouvoir se concentrer sur les «vrais problèmes».
Qui plus est, le NPD vient de démontrer de façon spectaculaire qu'un parti politique peut très bien balayer le Québec sans disposer d'une grosse organisation ni d'une impressionnante brochette de vedettes.
Une fois au pouvoir, M. Legault réaliserait sans doute très rapidement que presque tous les dossiers comportent une dimension constitutionnelle, mais Jack Layton a également fait la preuve qu'on peut gagner une élection en évitant la question et que les électeurs sont même reconnaissants qu'on leur parle d'autre chose.


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