Le vrai Bellemare?

Si les gens croient Me Bellemare, ce n'est pas parce qu'il est crédible, mais bien davantage parce que le premier ministre ne l'est plus.

Alain Dubuc, le petit démolisseur



Le sondage Angus Reid-La Presse révélait hier que 59% des Québécois croyaient les allégations de Marc Bellemare et qu'à peine 14% croyaient plutôt la version de Jean Charest. Ces chiffres dévastateurs en disent long sur la crise de confiance qui ébranle ce gouvernement.
Si les gens croient Me Bellemare, ce n'est pas parce qu'il est crédible, mais bien davantage parce que le premier ministre ne l'est plus. Il me semble qu'il faudrait se pencher un peu plus sur la crédibilité de celui par qui le scandale est arrivé, et dont les affirmations nous valent une commission d'enquête. Bien des éléments devraient nous inciter à la prudence: sa feuille de route, les inexactitudes dans les révélations qu'il distille au compte-gouttes. Mais aussi ses motivations. Pourquoi cette sortie, maintenant? Que cherche M. Bellemare: la vérité, la notoriété, la vengeance?
Il est difficile de comprendre Marc Bellemare sans le resituer dans son contexte, la culture politique propre à la ville de Québec. Il a certes été membre du gouvernement Charest pendant un an, en 2003, mais il s'est acquitté de sa charge de ministre de la Justice et de Procureur général comme un politicien local, par exemple en intervenant de façon très inappropriée dans un processus judiciaire au moment du scandale de la prostitution juvénile qui avait fortement ébranlé Québec. Par la suite, il s'est présenté deux fois à la mairie de Québec, en 2005 et en 2007.
Dans cette carrière, il a déployé des traits de caractère que l'on retrouve souvent dans la vie politique de la Capitale, des réflexes populistes, l'extrême personnalisation des débats, une sensibilité immodérée à la culture radiophonique locale. Par son narcissisme, par ses réflexes de justicier, il est en quelque sorte l'héritier spirituel d'un collègue célèbre, Guy Bertrand.
Cette carrière a été une succession d'échecs. Sa démission du cabinet Charest a été accueillie avec soulagement par un gouvernement qui se débarrassait d'un «loose cannon». Son expérience municipale n'a pas été plus heureuse. En 2005, il s'est fait laver par Andrée Boucher, avec 10,5% des voix, et en 2007, avec à peine 3,8% des voix, il s'est littéralement fait écraser par Régis Labeaume. Il n'est pas téméraire de conclure que la vie politique ait pu l'aigrir et lui donner le goût de régler des comptes.
Il peut difficilement être motivé par son indignation à l'égard des forces de l'argent. Sa campagne pour la mairie, en 2005, se distinguait justement par son faste, et par son refus dévoiler l'identité de ses donateurs. Pour coiffer le tout, Le Soleil révélait hier qu'il avait alors fait appel, avec un succès relatif, aux mêmes collecteurs de fonds libéraux qu'il dénonce maintenant!
Jusqu'ici, il s'est montré bien imprécis pour un amoureux de la vérité. Notamment sur le processus de nomination des juges. Au Québec, la sélection des juges est rigoureuse: un comité indépendant dresse une liste de candidats ayant les compétences nécessaires. Ce n'est pas parfait: il y a du jeu politique, car le gouvernement peut choisir parmi ces candidats. Mais ça n'a rien à voir avec le trafic d'influence. La façon dont M. Bellemare a décrit la chose fait en sorte que M. et Mme Tout-le-monde ont compris, à tort, que des entrepreneurs en construction peuvent décider qui sera juge au Québec. C'est faux. L'empressement avec lequel Jean Charest a déclenché une commission d'enquête indique d'ailleurs qu'il se sait en terrain solide.
Cela ne change rien au fond du débat, l'importance de faire la lumière sur le monde merveilleux de la construction. Mais ce dont on peut être à peu près certain, c'est que les révélations éventuelles de M. Bellemare ne seront pas d'une grande utilité dans cette nécessaire recherche de la vérité.


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