Les administrateurs du réseau de l’UQ ne mordent jamais la main qui les nourrit

Chronique de Louis Lapointe

« Ce n’est pas que les droits de scolarité constituent un obstacle plus psychologique que financier, mais, contrairement à d’autres frais tels que le logement et le transport, ils constituent un symbole, et leur effet dissuasif peut être plus important que la somme réelle qu’ils représentent », fait remarquer l’UQ, citant une étude de 2007. L’UQ veut davantage de moyens pour favoriser l’accessibilité de ses établissements Le Devoir, le 2 décembre 2013.


Cette étude de 2007 que cite une nouvelle étude de 2013 existait donc lors des événements du printemps 2012. Pourtant, tous les recteurs du réseau de l’Université du Québec, appuyé en cela par les membres leurs conseils d’administration, avaient préféré, à l’époque, garder le silence, laissant délibérément nos enfants à la merci des forces de l’ordre dans les rues du Québec.
Or, dans la même édition du Devoir, Lise Bissonnette, présidente du conseil d’administration de l’UQAM depuis le printemps dernier, nous apprend que les pratiques du conseil qu’elle préside ont changé depuis la crise de l’îlot Voyageur.
Comment alors expliquer le silence de ses prédécesseurs au conseil d’administration de l’UQAM à l’aune de cette nouvelle étude du réseau de l’UQ?
La réponse est toute simple : étant nommés par le gouvernement du Québec, les recteurs et membres des conseils d’administration du réseau de l’UQ ne mordent jamais la main qui les nourrit.
Voilà pourquoi, sous le régime libéral, les recteurs avaient complètement oublié que les étudiants de premières générations existaient, alors, qu’à l’instar du nouveau gouvernement, ils les redécouvrent à nouveau comme nous l’apprenons dans le Devoir de ce matin.
«Dans son plaidoyer, l’UQ démontre qu’il faut particulièrement s’attarder aux étudiants de première génération (dont les parents n’ont pas fréquenté l’université, ni même le cégep dans certains cas) qui sont sous-représentés à l’université. « Plusieurs études …] ont montré que le capital scolaire des parents est plus déterminant que le revenu familial pour expliquer les différences d’accès aux études universitaires. » Le ministre de l’Enseignement supérieur, Pierre Duchesne, a lui aussi dit à maintes reprises qu’il fallait leur accorder une attention particulière.» [L’UQ veut davantage de moyens pour favoriser l’accessibilité de ses établissements. Le Devoir, le 2 décembre 2013.


Qui est coupable de préjudice majeur et de charlatanisme intellectuel, Mme Bissonnette?
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Sur le même sujet:

La stratégie de la bêtise ou quand les recteurs se taisent contre l’intérêt public.
Il ressort clairement du présent conflit que les recteurs ont convenu d’un pacte de non-agression avec le gouvernement. Les universités appuient la hausse des droits de scolarité parce que le gouvernement a accepté d’augmenter leur financement. Si elles manquent à leur contrat, le gouvernement pourrait remettre en question leur financement global en leur faisant assumer tout gel partiel ou total des droits de scolarité provoqué par le désir d’une des leurs de vouloir amorcer le dialogue avec les étudiants.

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L’étrange et inquiétant silence des recteurs et gouverneurs du réseau de l’Université du Québec
Ce silence des gouverneurs et des présidents de conseil d’administration du réseau de l’Université du Québec est inquiétant et n’est certainement pas étranger au fait que le gouvernement libéral de Jean Charest ait nommé tous les membres des conseils d’administration de ces universités depuis son élection en avril 2003.
Cette belle unanimité des universités du Québec ne s’appuie donc sur aucune logique pédagogique, elle est purement politique, sinon comment expliquer l’incompréhensible silence des recteurs du réseau de l’Université du Québec ? Ceux qui ont la responsabilité de transmettre cet héritage aux générations à venir !

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Quand succès scolaire et gratuité universitaire vont de pair
Les statistiques du ministère de l’Éducation indiquent clairement depuis des années que lorsque les taux de réussite augmentent dans un ordre d’enseignement, le taux de passage à l’ordre d’enseignement suivant augmente également si l’accès aux études existe pour les étudiants dans un rayon de 25 km de leur lieu de résidence.
C’est la raison pour laquelle, historiquement, les hauts fonctionnaires du ministère de l’Éducation et les gouverneurs du réseau de l’Université du Québec ont toujours défendu l’idée que les trois moteurs du succès scolaire étaient la réussite, l’accessibilité - la présence de cégeps et d’universités sur l’ensemble du territoire québécois - et des droits de scolarité bas.
En fait, la réussite, l’accessibilité et la gratuité sont des facteurs concomitants du succès scolaire. L’absence d’un seul de ces facteurs peut causer l’échec des deux autres. Lorsqu’on nous propose d’augmenter considérablement les droits de scolarité à l’ordre universitaire, on met donc inévitablement en péril l’accessibilité et la réussite d’une importante proportion de la population.

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Quelle crise des universités ?
Ainsi, avec l’aide de leurs professeurs, les universités ont elles-mêmes créé les outils de leur propre malheur. Aujourd’hui, elles récoltent tout simplement ce qu’elles ont semé dans leurs écoles de gestion, où il est enseigné depuis des années que le secteur public doit être géré comme le secteur privé afin d’accroître sa productivité et que les problèmes de financement sont subordonnés au choix du type de gouvernance que l’on veut pour nos établissements publics.


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L’Ilot Voyageur - La responsabilité
Lorsqu’il a pris les rênes de l’UQAM, Roch Denis n’était pas un administrateur chevronné et, comme bien des anciens présidents de syndicat le font souvent, il a eu le malheur de croire que les liens d’amitié développés avec ses anciens compagnons d’armes pouvaient être garants de la confiance à témoigner à ses principaux collaborateurs.
En confiant à ses amis et à ses anciens camarades syndicaux les postes les plus stratégiques de son administration universitaire, Roch Denis n’a pas tenu compte du fait que la plus haute compétence doit être le premier critère de sélection dans le choix de ses principaux collaborateurs lorsqu’on veut atteindre les sommets dans son domaine. L’administration universitaire n’est pas une succession de droit divin entre professeurs

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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1 commentaire

  • Chrystian Lauzon Répondre

    3 décembre 2013

    Monsieur Lapointe,
    Vous dites « ne mordent jamais la main qui les nourrit » : bien relative cette vérité si vous la déplacez de l’UQ et en fonction du débat sur la Charte des valeurs.
    Car les universités dont les crocs et la grogne sortent pour s’élèver actuellement contre la charte québécoise des valeurs, à n’en point douter, proviennent d'institutions du savoir fortement subventionnées par l’État.
    Une vengeance des recteurs et leurs hautes monarchiques assemblées corporatistes à l’endroit d’un gouvernement Marois péquiste associé au Printemps érable?
    Invoquer l’immunité totale face à l’État sur la base de « la nature et la mission mêmes de l’université » (Luce Samoisette, rectrice de l’Université de Sherbrooke) ou «un espace de liberté et d’échange d’idées » (Suzanne Fortier, principale de l’Université McGill), voilà qui est pour le moins pervers et subversif, sinon une vision hypocritement humaniste et « abusive du sens démocratique », quand on sait l’extravagance monétaire de ces hauts dirigeants à limousine et voyages d’affaires systémiques, et la croissance exigée par eux d’une marchandisation du savoir mondialisante et multiculturalisante à outrance. Aux seules fins de compétitions interinstitutionnelles lucratives.
    Une dépolitisation et indépendance face à l’État portées en flambeau idéaliste par devant et un asservissement aveugle aux milieux financiers et affairistes par derrière.
    La charte des « valeurs » aura vraiment été l’occasion de saisir la profonde insignifiance intellectuelle des milieux les plus élevés du savoir, obsédés par des pouvoirs mercantilistes. Nos universités « modernes » : temples marchands et Veau d’or, les religions de l’ultralibéralisme bien promues au plan des universités de l’Émirité. Valeurs de dévaluation accélérées de l'humain par l'humain.
    De là, ces sorties de psys et autre spécialistes d’instituts angloallophones fortement médiatisés, aux études bidons et biaisés.
    Et les aires de prières aménagées dans ces lieux du libre penser, sont-ce des signes discrets ou ostentatoires d’une immunité intérieure ou extérieure face à l’influence religieuse, fondamentaliste et grégaire à la fois?
    Ces logiques, jeux de ludicité intellectuels, pas de lucidité, à la Taylor sénilisant, à plusieurs vitesses variables, mènent à tous les excès, sauf à une prétendue, voire prétentieuse, neutralité universitaire.
    Ce n'est pas la main de l'État qu'ils hésitent ou évitent de mordre, les fonds publics valent moins que ceux qui se cachent derrière eux. Le pécule avant le PQ, l'empire monétaire avant celui du sens.
    Chrystian Lauzon