Les associations étudiantes dans la mire

Crise sociale - JJC le gouvernement par le chaos


Monsieur Jean Charest, Premier Ministre et Ministre de la Jeunesse,
Pour la première fois en cinq ans d’implication, je dois, pour le bien des étudiants et de l’association que je représente, renoncer à exercer mes droits.
Depuis l’automne, pour manifester notre opposition politique à la hausse des droits de scolarité de 1625 $, les membres de mon association étudiante et moi avons participé à de grandes marches pacifiques. Nous avons organisé un panel et un symposium sur la gouvernance universitaire. Nous avons rédigé des documents d’analyse et de réflexion. Pour ce faire, nous avons tenu cinq jours de grève.
Les étudiants n’ont pas été pénalisés par les enseignants qui ont eu l’éthique de ne pas s’interposer dans notre différend avec l’État. Cette opposition, vous en conviendrez, est politique, philosophique et, j’insiste, pacifique.
Mais vendredi dernier, les choses ont changé. Les libertés d’expression, de conscience et d’association nous ont été retirées. Une invitation à manifester, même si cet événement est organisé par une autre association, est devenue, aux yeux des représentants de notre État, une incitation à la violence ; une pénalité de 125 000 $ pour l’association elle-même, en plus du retrait de l’équivalent d’un trimestre de cotisation étudiante. Autrement dit, l’exercice des droits fondamentaux d’expression et d’association garantis par nos chartes menace l’existence même de mon association étudiante.
Voilà la mesure du cynisme tordu et légaliste que vous prônez : le droit d’expression menace le droit d’association ! Si je m’oppose à cette loi au nom de mes droits et de ceux des gens que je représente, le gouvernement promet de sévir contre moi, mais aussi contre ces gens dont je proclame les droits. Qu’est-ce que vous m’imposez, sinon le silence, sinon la peur ?
Si on coupait les vivres à l’Association étudiante de l’École nationale d’administration publique (ENAP), les bourses pour le soutien à la réussite et pour les stages non rémunérés, les services d’intégration des étudiants internationaux, de même que la représentation des étudiants au sein des instances de l’Université, seraient mis à mal, voire abolis. La loi 78 atteste le bris du contrat social et intergénérationnel et impose une rupture avec l’héritage social et démocratique du peuple québécois.
Mais ce n’est pas tout. La ministre de l’Éducation peut dorénavant révoquer le droit d’association, de manifestation, la liberté d’expression et retirer les cotisations étudiantes. Cette loi menace aussi la liberté universitaire des professeurs et des chargés de cours, qui doivent dispenser leurs cours sans égard au climat d’enseignement. Et finalement, l’administration de l’université a une obligation de délation auprès de la ministre.
Nettement, vous confondez casseurs et opposants politiques. Vous confondez parties prenantes et groupes d’intérêt. […] Vous retirez mes droits et me menacez de tuer mon association étudiante, qui a toujours agi légalement, pacifiquement et de manière légitime, en conformité avec les lois qui nous régissent. Vous donnez là une bien curieuse leçon de démocratie.
Dans les faits, votre gouvernement a retiré leur droit de parole aux étudiants depuis déjà longtemps. Maintenant, votre loi le confirme : les associations étudiantes doivent se terrer. Dans les prochaines heures, je communiquerai avec les étudiants de l’ENAP. Je leur indiquerai que les droits à la liberté d’expression et d’association leur ont été révoqués et qu’appeler à manifester sera considéré comme une incitation à la violence.
Ils comprendront qu’ils sont traités comme des terroristes, leurs professeurs et chargés de cours comme des magnétophones et les administrateurs de leur maison d’enseignement comme des délateurs.
Je vous écris donc, Monsieur le Premier Ministre et Ministre de la Jeunesse, pour vous signaler que je reste en poste même si la loi 78 porte atteinte à mes droits fondamentaux. Que vous le vouliez ou non, bientôt, je vais retrouver mon droit de cité, et le mouvement étudiant aussi. […]
Notre résistance à l’annonce de la hausse a toujours pris la forme d’une invitation au dialogue et au débat. Votre radicalisme ne démontre que votre soif de pouvoir et votre peur de le perdre. Avant que le Québec ne bascule dans une véritable à une chasse aux sorcières, peut-être serait-il temps de céder la place ? Faudra-t-il qu’il y ait 3000, 5000, 10 000 arrestations, ou encore, qu’il y ait mort d’homme, avant que vous ne reculiez ? […]
***
Anaïs Valiquette L’Heureux - Vice-présidente aux affaires externes de l’Association étudiante de l’ENAP et membre du ca de la FEUQ

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Anaïs Valiquette L'Heureux1 article

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Vice-présidente aux affaires externes Association étudiante ENAP et membre du ca de la FEUQ





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