Les banques et les paradis fiscaux

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Un grand ménage s'impose





Maintenant que la grève du Syndicat des étudiant(e)s employé(e)s à l'UQAM vient de terminer, mon assistant de recherche Frédéric peut revenir au boulot.


Il vient de publier une note socio-économique sur les banques et leur utilisation des paradis fiscaux au Laboratoire socio-économique de l'UQAM dont je suis le directeur. Je lui laisse donc la parole.


Texte de Frédéric Rogenmoser, M.Sc (comptabilité), doctorant en administration et chercheur au laboratoire d'études socio-économique


Le Laboratoire d'études socio-économiques de l'UQAM vient de publier une note socio-économique sur les banques et leur utilisation des paradis fiscaux titrée Analyse socio-économique et fiscale des six grandes banques. Période de 16 ans : de 2000 à 2015. Un cas d’évitement et d'évasion fiscale. Dans cette note socio-économique, nous avons analysé la situation économique et fiscale des six grandes banques canadiennes, soit la Banque Royale du Canada (RBC), la Banque Toronto-Dominion (TD), la Banque Scotia (Scotia), la Banque de Montréal (BMO), la Banque Nationale (BN) et la Banque Canadienne Impériale de commerce (CIBC). Nous avions auparavant fait des études similaires et nous voulions en faire une mise à jour par des données plus récentes. On a utilisé les rapports financiers des banques durant 16 années entre 2000 et 2015. On se base donc sur des données fiables et on ne fait pas d'extrapolation.


Les six grandes banques canadiennes engrangent des bénéfices records, ce qui est déjà très documenté. On sait que leurs profits records se font grâce aux frais bancaires souvent scandaleux et aux intérêts astronomiques payés par des clients de la classe moyenne. Pourtant, les banques sont souvent déçues par leurs profits. En effet, Le Devoir du 3 décembre 2014 titrait : «Un profit décevant de 1,11 milliard $ BMO a augmenté son dividende malgré sa contreperformance ».


L'étude démontre que ces six grandes banques ont vu leurs profits passer de 9,3 milliards $ en 2000 à 34,9 milliards $ en 2015, ce qui représente une augmentation de 275% alors que le coût de la vie n’a augmenté que de 31% au cours la même période. Durant la crise de 2008, le bénéfice net total des six grandes banques a été de 12,3 milliards $. Les actionnaires ont reçu presque 183,1 milliards $ versés en dividende ou rachat d’action entre 2000 et 2015 selon les données trouvées dans les états financiers des six grandes banques canadiennes. Sans compter que les actifs totaux sont passés de 1385 milliards $ à 4356 milliards $ entre 2000 et 2015. Ils sont donc extrêmement loin du seuil de pauvreté.


On pourrait penser qu'avec leurs profits, ça signifierait des recettes fiscales énormes. On vivrait dans un enfer fiscal comme aiment bien le crier nos universitaires, chroniqueurs et le patronat. Enfer, pour qui? Dans le cas des banques, l'enfer ressemble plutôt à un paradis. Selon nos données prises dans les rapports annuels des six grandes banques, le taux effectif de la charge d’impôt des banques, qui était de 32,4% en 2000, a diminué de 12%, pour se situer à 18,4% en 2015. Beaucoup vont pointer les taxes indirectes (taxes à la consommation, cotisation patronale du Régime des rentes du Québec, etc.) payées par les entreprises, mais, pourtant, on a aussi remarqué la même tendance avec les taxes indirectes dont le taux effectif est passé de 16,9% à 11,1% durant la période (comprise entre 2000 et 2014). Les taxes indirectes incluent des taxes à la consommation payées par leurs clients. Si on exclut les taxes à la consommation, le taux effectif payé des taxes indirectes est passé de 11,6% en 2000 à 6,9% en 2014. Par ces résultats, on peut conclure que les six grandes banques canadiennes ont payé peu d'impôt même si on y ajoute les taxes indirectes. Après ça, on nous dit que les impôts ne cessent d'augmenter. Il augmente sûrement pour la classe moyenne, mais si vous êtes riche ne vous inquiétez pas, vous ne paierez pas beaucoup d'impôt.


C'est qui est le plus troublant de l'étude concerne l'utilisation des paradis fiscaux de banques qui possèdent des filiales partout dans des régions réputées d'avoir plus d'entreprises que d'habitants. Bizarrement, ces régions n’imposent pas ou très peu les entreprises. Les six grandes banques ont pu éviter de payer 21,8 milliards $ entre 2000 et 2015 grâce à l’utilisation de paradis fiscaux et ont ainsi évité de payer 17,4 milliards $ avec l’usage d’autres méthodes d’évitement fiscal comme les taxes sur le capital ou les bénéfices non imposés. Les six grandes banques ont donc pu être généreuses envers leurs propriétaires, en partie grâce à l’aide des paradis fiscaux et d'avantages fiscaux ici même au Canada. Toutefois, les revenus fiscaux n’ont pas été au rendez-vous malgré le profit élevé des six grandes banques canadiennes et semblent avoir plutôt profité aux actionnaires.


Certains économistes clament que la taxation fait fuir les entreprises. Comme si les banques pouvaient tout simplement quitter un pays. Le 20 novembre 2006, Business Week avait déclaré : «Tax rates are just one out of many factors that matter for global competition. There'sonly weak evidence that tax cuts have big impacts on growth». Traduit en français :«Les taux d'imposition ne sont que l'un des nombreux facteurs qui comptent pour la concurrence mondiale. Il y a peu de preuves que les baisses d'impôts ont de grandes répercussions sur la croissance».


À la fin de l'étude, on offre plusieurs recommandations. D'abord, il serait temps d'imposer beaucoup plus les banques. Elles devraient obligatoirement se limiter à déposer l'argent des individus et entreprises et leur prêter de l'argent. Leur nationalisation devrait être considérée et même fortement suggérée, comme il se fait dans d’autres pays. Taxer les transactions financières est aussi envisageable.


Pour lire la note, c'est ici.


 




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