Canada-Québec: surtout ne pas taxer les GAFAM

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Les oligarques californiens sont plus puissants que les États


Est-il normal que des transnationales ne paient pas d’impôts?  


Les GAFAM milliardaires américaines (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) réalisent chaque année des milliards de dollars en profits au Canada, au Québec, en Europe, en Amérique latine et ailleurs sans payer d’impôts sur leurs immenses revenus, ou si peu. Elles les détournent dans les paradis fiscaux au vu et au su de nos gouvernements démocratiques au service du peuple. En théorie, s’entend. Où sont l’équité et la justice fiscales, dans tout ça? Cela ne fait que contribuer à la concentration de la richesse entre pays et individus, ainsi que multiplier les odieuses inégalités économiques. Pourquoi nos gouvernements tolèrent-ils ces aberrations? Parce qu’ils ne veulent surtout pas irriter et contrarier Donald Trump, «leur allié», qui leur interdit d’imposer ces compagnies américaines, sous peine de représailles. Avec des alliés comme les États-Unis, on n’a pas besoin d’ennemis, que disait le poète prolétarien anonyme. Ils ne veulent pas non plus froisser le 1%.  


Trudeau va taxer, puis change d’idée: du déjà-vu  


Croire que nos gouvernements vont, par simple souci d’équité fiscale, taxer les GAFAM, c’est comme croire au père Noël. Durant la dernière campagne électorale, Justin Trudeau et son nouveau ministre vedette du Patrimoine, le seul et unique Steven Guilbeault, ont promis d’imposer les GAFAM s’ils étaient réélus, et vous les avez crus, comme à l’habitude. Encore plus lorsque vous avez lu ces bonnes nouvelles. Enfin un gouvernement fédéral courageux, qui a des couilles: «Fiscalité. Ottawa va enfin taxer rapidement les géants du web» et: «Gouvernement fédéral. Guilbeault veut taxer les géants du web aussitôt que possible». «Aussitôt que possible» dans le sens de «on verra», et «rapidement» dans le sens de «dans la semaine des quatre jeudis».  


Zut, deux jours après l’avoir promis, Trudeau a viré son capot de bord: «Taxation des GAFA: Trudeau veut attendre l’OCDE». Pas pressé de taxer les géants du web, finalement.  


Comme il est moins pressé de mettre fin à l’évasion fiscale dans les paradis fiscaux, même qu’il les maintient (par exemple à la Barbade), ou de s’engager vraiment dans la lutte contre le réchauffement climatique, afin de ne pas se mettre à dos les maîtres du monde, qui sont...? Si vous avez répondu «la population», vous vous trompez.   


Il faut arrêter de rire du monde  


Nous dire en pleine face, sans l’ombre d’un rire, qu’il va attendre – comme le pragmatique François Legault, d’ailleurs – les conclusions et les recommandations de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) quant à la façon de taxer les GAFAM à l’échelle internationale, relève de la pure hypocrisie. Comment voulez-vous que les 135 pays membres de l’OCDE s’entendent, alors que plusieurs d’entre eux sont des paradis fiscaux notoires, comme l’Irlande, le Luxembourg, les Pays-Bas et d’autres? Vous croyez vraiment que ces paradis fiscaux, qui ne prélèvent aucun impôt, ou si peu, vont se faire hara-kiri et se mettre, comme ça, à lever des impôts qui vont faire fuir les GAFAM et d’autres transnationales ayant élu domicile chez eux? Pas besoin d’aller loin pour vous convaincre: «Les négociations en péril à l’OCDE».  


À cette réunion de l’OCDE, les «États-Unis [comme toujours] ont provoqué le désaccord des autres pays négociateurs en menaçant [encore une fois] de représailles ceux qui adopteront des taxes contre leurs géants du numérique». Alors, je vous demande de me dire qui va payer et qui nos gouvernements vont taxer en lieu et place des GAFAM américaines? Les États-Unis, un allié, ai-je bien compris?  


Même au niveau européen, on ne s’entend pas sur la divulgation des impôts payés par les transnationales. On parle ici de simple publication des chiffres et non de l’établissement obligatoire d’un impôt à payer: «Union européenne. Pas d’accord sur la transparence fiscale des multinationales». Il faut que tout reste opaque. La discrétion s’impose.   


Idem pour la CAQ et François Legault, le maître du pragmatisme ambulant  


On dirait que monsieur Legault fait exprès: «François Legault appelle à la prudence [décodé, ça veut dire ne pas les taxer] concernant la taxation des GAFA» et (celle-là, c’est ma meilleure): «Legault prend garde d’effaroucher Google et cie . Taxer les GAFAM en l’absence d’entente internationale [il n’y en aura jamais, d’entente] serait risqué, dit-il», car il ne veut pas réveiller le monstre qu’est Trump.   


L’an passé, le ministre caquiste des Finances, Éric Girard, avait eu les mêmes appréhensions que son boss: «Pas de nouvelle taxe pour les géants du web. Éric Girard juge que les mesures actuelles suffisent» (Le Journal de Montréal, 17 décembre 2018). Comment monsieur Girard ose-t-il parler de nouvel impôt payé par les GAFAM (et non de la TVQ payée par les consommateurs), alors qu’il n’y en a pas? De quelles «mesures actuelles» parle-t-il? Il faudrait m’expliquer. 




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