Le gouvernement libéral se refuse à ajouter une disposition au projet de loi 62 afin d’interdire le port du tchador aux employés de l’État, de crainte qu’elle ne réussisse pas le test des tribunaux.
Une interdiction du port du tchador serait à coup sûr « illégale », a fait valoir le premier ministre Philippe Couillard, lors de la présentation de son bilan de la session parlementaire vendredi.
Le tchador n’en est pas moinsun symbole d’oppression de la femme, à l’instar de la burqa et du niqab, a-t-il convenu 48 heures après le dévoilement du projet de loi sur la neutralité religieuse de l’État et les demandes d’accommodements religieux.
Mais le chef du gouvernement exclut la possibilité de recourir à la clause dérogatoire, ce qui lui aurait permis d’adopter un projet de loi dérogeant à certains articles de la Charte canadienne des droits et libertés. « Nous n’emprunterons jamais cette voie », a-t-il affirmé sans ambages.
M. Couillard met au défi les partis d’opposition de rédiger, durant la relâche estivale des travaux parlementaires, un article de loi interdisant le port du tchador, qui serait inaltérable par les tribunaux. « Je les avertis tout de suite : “ le tchador est interdit ”, ça ne marche pas, sur le plan légal », a-t-il lancé.
Le chef de l’opposition officielle, Pierre Karl Péladeau, n’avait pas de libellé à proposer sur-le-champ au premier ministre libéral. « Ce sont des questions extrêmement délicates, qui requièrent des analyses approfondies », a-t-il soutenu.
M. Péladeau a jugé curieux de voir le premier ministre qualifier avec une incroyable assurance que toute interdiction du tchador est condamnée à être invalidé par les tribunaux. « Je ne savais pas que le premier ministre était un avocat spécialisé en droit constitutionnel », a déclaré le chef péquiste, se disant convaincu que les constitutionnalistes ne sont pas unanimes sur le sujet.
De son côté, M. Couillard a reproché au Parti québécois d’avoir déposé un certain nombre de projets de loi anticonstitutionnels à l’Assemblée nationale, dont la charte de la laïcité (projet de loi 60) à l’automne 2013. « L’un des premiers devoirs d’un gouvernement est de déposer des projets de loi qui respectent les lois actuelles et les chartes », a-t-il insisté.
La porte-parole de Québec solidaire, Françoise David, espère que la population québécoise « ne rejouera pas dans ce film-là ». La charte des valeurs québécoises du gouvernement Marois a suscité un « débat qui a été assez terrible », « émotivement très dur », tout particulièrement pour les femmes de confession musulmane, a-t-elle souligné.
La députée de Gouin veut voir l’Assemblée nationale être à l’automne le théâtre d’un« débat serein » permettant aux élus d’« aller au fond des choses ». « Voulons-nous, ou non, un État laïc ? Moi, je pense que c’est oui, au Québec », a fait valoir Mme David. « Je voudrais que le mot [" laïcité "] apparaisse, d’ailleurs [dans le projet de loi 62]. Si le gouvernement ose le faire, je pense qu’on pourra avoir un débat intéressant et intelligent. Si le gouvernement se refuse à tout compromis, là, ça va être vraiment difficile. »
Philippe Couillard a « montré son malaise face à l’identité québécoise », se refusant de se porter « à la défense des valeurs québécoises », a affirmé le chef caquiste, François Legault. Il prie M. Couillard d’adhérer au « consensus Bouchard-Taylor ».
Pays du Québec
La session parlementaire a vu raviver le débat sur la neutralité de l’État, mais également celui sur l’indépendance du Québec.
La course à la direction du PQ a propulsé le projet de pays du Québec à l’avant-scène politique de la session parlementaire, au grand désarroi de la Coalition avenir Québec.
« Évidemment, ça a polarisé encore une fois le débat au Québec entre ceux qui sont “ pour ” puis ceux qui sont “ contre ” la souveraineté du Québec. Puis, ça a eu un impact », a indiqué M. Legault, toujours sonné par la gifle de la défaite électorale dans la circonscription de Chauveau.
L’élu « nationaliste » se dit néanmoins « convaincu plus que jamais » que les Québécois choisiront « une troisième voie » pour « faire avancer le Québec ». « Si je n’avais pas d’espoir, je ne serais plus ici », a-t-il confié, ajoutant vouloir rester en poste après les élections générales de 2018.
Le thème de l’indépendance risque toutefois de hanter les caquistes d’ici le prochain rendez-vous électoral. D’ailleurs, l’Institut de recherche scientifique et appliquée sur l’indépendance du Québec ouvrira ses portes « le plus rapidement possible », a promis M. Péladeau vendredi.
FIN DE SESSION PARLEMENTAIRE
Laissez un commentaire Votre adresse courriel ne sera pas publiée.
Veuillez vous connecter afin de laisser un commentaire.
Aucun commentaire trouvé