«Les jeux de coulisse de Madame»

Pauline Marois - le couronnement


Dans son article intitulé [«Pauline en cinq temps»->6779] (La Presse, 19 mai), la journaliste Katia Gagnon peint un portrait de Pauline Marois et revient sur l'affaire de lobbying impliquant le directeur général du Parti québécois. Elle affirme qu'elle a agi avec courage dans une affaire de lobbying qui «sentait mauvais».



Pauline Marois aurait eu à ce moment, selon la journaliste, le courage exceptionnel que personne d'autre n'avait eu dans le gouvernement et dans l'exécutif national du Parti québécois. C'est impressionnant.
Cependant, si votre journal souhaite revenir sur le sujet, vous me permettrez d'apporter un éclairage différent sur cet événement. Je ne souhaitais pas intervenir dans cette campagne pour faire des commentaires concernant Pauline Marois, mais vous m'y forcez en m'interpellant de nouveau, en citant mon nom et en l'associant, surtout, et encore, à quelque chose qui sent mauvais.
J'aimerais d'abord régler la question de l'odeur. Cette histoire qui sent mauvais, dit-on, fait référence au dossier du Regroupement des événements majeurs internationaux (REMI), qui avait obtenu un financement important du gouvernement du Québec sous la gouvernance et le patronage du ministre de l'Économie et des Finances de l'époque, Bernard Landry.
Des gens, bien intentionnés, ont suggéré bien des choses dans ce dossier afin de lui donner une certaine odeur, une odeur voulue.
Reprenons les faits: j'ai agi, dans ce dossier, comme conseiller stratégique et non comme lobbyiste. À l'époque, je venais de quitter le cabinet du vice-premier ministre et ministre de l'Économie et des Finances.
Je connaissais, évidemment, le problème de financement des festivals et des événements majeurs de Montréal. J'en avais souvent parlé avec Gilbert Rozon lors des rencontres que nous avions eues le plaisir d'avoir dans le cours des opérations de financement du festival Juste pour rire.
J'ai suggéré à Gilbert Rozon qu'il devait préparer un document qui présenterait au ministre, à la fois, le problème et la solution. Pour réaliser cette stratégie, je lui ai proposé mes services de conseiller en stratégie d'organisation. Je lui ai proposé un plan d'action. M. Rozon a réuni les principaux intervenants du milieu, ses amis et ses ennemis, pour une cause juste et nécessaire pour l'économie de Montréal et des principales régions du Québec.
J'ai été engagé comme consultant en stratégie et nous avons travaillé à ce dossier pendant plus de 18 mois sous la présidence de Me Pierre Marc Johnson. Lorsque la solution fut trouvée et le document rédigé, nous sommes allés la présenter au ministre de l'Économie et des Finances, responsable du tourisme. J'étais présent mais la délégation était présidée par Me Pierre Marc Johnson et il était accompagné des présidents et fondateurs des principaux festivals membres du regroupement.
Il y a eu beaucoup de travail de fait mais pas de lobbying de ma part. Il n'y a pas eu de pressions indues dans les vestibules, les couloirs ou les officines de ministres ou de fonctionnaires au profit de quelques uns et au détriment des autres. Ce dossier a été fait dans la transparence, l'honneur, l'éthique et l'intégrité de tous ceux qui y ont participé.
Oui, bien sûr, nous avons touché des honoraires de 200 000$. Il s'agissait d'honoraires normaux, concurrentiels avec le marché et tout à fait bien mérités. Pas illégal ni immoral.
Il n'y a rien qui ne sent pas bon dans ce dossier. Au contraire. Sauf si quelqu'un, par intérêt, y met de l'odeur nauséabonde.
Des mesquineries
Maintenant, traitons du courage exceptionnel de Mme Marois.
Il faut se rappeler de contexte de l'événement. Il s'est produit dans un contexte précis de guerre larvée que livrait l'entourage de Pauline Marois contre M. Landry et sa garde rapprochée. Je ne parle pas de Pauline Marois, bien sûr, mais de son entourage. Ils visaient, en même temps, Gilles Baril, Claude H. Roy, moi-même et, probablement, quelques autres.
Il faut mettre les événements en perspective pour bien les comprendre. Lorsque Gilles Baril a démissionné c'est parce que Pauline Marois lui faisait la vie dure depuis un bon moment. Cette démission faisait suite à une longue procession de mesquineries dont étaient victimes les «proches» de Bernard Landry. À titre d'exemple, nous devons nous rappeler que lorsque Pauline Marois a fait son premier budget, elle a donné des moyens budgétaires à tous les ministres qui étaient ses supporters et elle s'est délectée en regardant chacun des ministres identifiés au clan Landry en leur disant qu'ils n'auraient rien. Elle a dit à Gilles Baril, en tournant la tête, mon collègue fera tout son programme à même son enveloppe budgétaire actuelle. Elle a dit la même chose à Sylvain Simard.
Elle a également mentionné à Richard Legendre, nouveau député et ami de Gilles Baril, qu'elle ne pouvait lui donner les 25 millions qu'il demandait à titre de ministre du Tourisme alors qu'elle venait d'en donner largement plus à d'autres (c'est sans doute pour cette raison qu'il ne s'est pas présenté au cocktail qui a suivi le budget).
Et dans mon cas Alors dans mon cas, madame aurait agi avec courage au Conseil national de notre parti lorsque des médias avaient fait état, à la une du matin, d'un scandale impliquant le directeur général et ami du premier ministre?
Le courage, que d'autres n'ont pas eu, de régler un dossier où il y a eu de la magouille, de la malversation, de la fraude ou de l'abus de confiance ou de biens publics? Si cela avait été le cas, il y aurait eu des suites à ce dossier. Il n'y en a pas eu car il n'y avait rien à reprocher à qui que ce soit!
Le courage, c'est M. Landry qui l'a eu. Il a eu le fardeau de défendre un ami, à contre-courant de l'opinion du moment et contre la tendance de La Presse. Il a défendu, dans des circonstances difficiles, les principes de justice et d'équité de notre société de droit d'une manière responsable, digne de sa fonction, en ayant le fardeau, en plus, de se défendre de défendre un ami. Ce n'était pas facile.
M. Landry savait que je n'avais rien fait de répréhensible. Il l'a dit publiquement et il l'avait également mentionné à Pauline Marois. Il ne m'aurait pas défendu s'il avait eu quelque doute. Et je ne lui aurais pas demandé. M. Landry est un homme intègre qui défendrait même ses ennemis dans de telles conditions.
D'ailleurs, c'était également l'opinion des membres de l'exécutif national qui, après avoir reçus les explications et avoir fait des vérifications diligentes auprès de plusieurs sources, sont arrivés aux mêmes conclusions. Elle, madame, a plutôt choisi de profiter des circonstances.
J'ai quitté, ce jour-là, le Conseil national dans le cadre d'un procès sommaire, rappelons-le, parce qu'elle a défié, sans raison et sans motifs, l'exécutif national et son chef, le premier ministre. J'ai démissionné quelques jours plus tard parce que le premier ministre était coincé dans une guerre fratricide avec sa vice-première ministre qui ne voulait pas lâcher prise.
Mme Marois a eu de l'audace ce jour-là, pas du courage. Elle a décidé de profiter de la faiblesse momentanée du chef pour le défier et saper le pouvoir de son entourage. Elle a menacé le gouvernement par ambition personnelle et non pas par principes ou à cause de valeurs de justice et d'intégrité. C'était là son seul objectif: sa carrière.
Elle n'a jamais dévié de son objectif. Elle a mené une guerre larvée, et subtile, contre M. Landry jusqu'au congrès de juin où il a démissionné, épuisé des jeux de coulisses de madame et de ses fantassins. M. Landry n'aurait jamais fait cela à son premier ministre. Il est fidèle et solidaire en tout lieu. C'est un homme d'honneur dont la loyauté a été reconnue autant dans son discours, dans son attitude et, aussi, dans les épreuves où les passages à vides du gouvernement.
M. Landry nous disait toujours: «Je vais faire avec Pauline ce que Lucien a fait avec moi». Je lui répondais, inlassablement, en le mettant en garde, que Pauline ce n'était pas lui.
Elle s'est révélée à la hauteur de ce que je pensais. Elle a pris, lors du Conseil national, le chemin de la facilité. Elle a défié le premier ministre, l'exécutif national du parti et le gouvernement, sans raison d'État et, surtout, sans principe fondamental à défendre.
Elle l'a fait sur un jugement sommaire en profitant de la tendance du moment et de l'appui des médias. Oui, elle m'a «tué», comme l'a dit une source à Mme Gagnon.
Mais je n'étais qu'un «dommage collatéral». Elle m'a surtout tué par ambition, pour son obsession à devenir la première femme premier ministre du Québec. Je n'ai pas été la seule victime: Gilles Baril et Claude H. Roy, le directeur de cabinet du premier ministre, y sont passés également comme tous ceux qui entouraient l'homme à abattre: Bernard Landry.
Mais tout cela est de l'histoire. Un incident pour lequel il faudrait tourner la page, une fois pour toute.
***
Raymond Bréard
L'auteur a été directeur général du Parti québécois de mai 2001 à février 2002.

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