PARIS | Des milliers de policiers ont défilé mercredi à Paris pour une «marche de la colère» sur fond de malaise de l’institution, de hausse des suicides et de réforme des retraites.
Le cortège, qui est parti de la place de la Bastille aux alentours de 13 h 30 (heure locale) dans une ambiance bon enfant, doit rejoindre la place de la République, au centre de la capitale. Selon les organisations syndicales, qui ont réussi l’union sacrée tous corps grades confondus, 22 000 personnes participaient à la mobilisation.
«Il y a un ras-le-bol profond», a fait valoir David Le Bars, secrétaire général d’un syndicat de commissaires. «Tous les syndicats ont conscience que la police est malade.»
De mémoire de syndicalistes policiers, on n’avait pas vu un tel appel unitaire depuis 2001. À l’époque, la mobilisation avait été provoquée par le meurtre de deux policiers en région parisienne par un braqueur récidiviste.
Le précédent mouvement remonte à 2016, avec notamment de spectaculaires manifestations de nuit sur la prestigieuse avenue des Champs-Elysées, à Paris.
Cette fois, pas de fait divers sanglant agissant comme élément déclencheur, mais une usure opérationnelle liée au mouvement social des «gilets jaunes», entrés en fronde contre la politique sociale et fiscale du gouvernement depuis près d’un an, et un bond des suicides au sein de la police, un mal endémique dans l’institution.
«Nous sommes venus ici pour nous battre pour nos conditions de travail, et surtout pour rendre hommage à nos collègues qui ont mis fin à leurs jours», a déclaré dans le cortège Damien, 24 ans, policier à Paris.
Les manifestations des «gilets jaunes», qui ont parfois dégénéré en violents affrontements et en scènes d’émeutes, ont ranimé les polémiques sur le maintien de l’ordre, alimentées par les images de manifestants blessés - près de 2500, parfois grièvement (24 éborgnés et cinq ayant eu la main arrachée selon le journaliste indépendant David Dufresne, un spécialiste de la question).
«Il y a aujourd’hui des éléments qui s’ajoutent les uns aux autres même s’ils ne sont pas de même nature: après la vague d’attentats terroristes, les forces de l’ordre ont dû faire face avec les gilets jaunes à une mobilisation dans la durée, avec des conditions d’intervention très difficiles. Il y a également la question des suicides qui ressurgit, mais aussi les relations détériorées avec la population», a expliqué Jacques Maillard, qui codirige un centre de recherches sur le droit et les institutions pénales.
Les policiers sont aussi inquiets des projets de réforme des retraites, craignant une remise en cause de leur avantageux système de bonifications.