ÉDITORIAL - Si on ne peut qualifier d'échec le sommet de Rome, le résultat n'en est pas moins mi-figue, mi-raisin. Faute de consensus, le cessez-le-feu immédiat n'a pas été commandé. Par contre, il y a eu accord sur l'envoi d'une force internationale et l'organisation d'une conférence pour la paix au Proche-Orient à laquelle la Syrie et l'Iran participeront.
S'il fallait résumer en peu de mots les discussions qu'ont eues les ministres des Affaires étrangères de quatorze pays, le premier ministre libanais, le secrétaire de l'ONU, le représentant de l'Union européenne ainsi que le président de la Banque mondiale, peut-être pourrait-on avancer que celles-ci ont mis en relief des divergences constatées avant que tous ces acteurs n'atterrissent à Rome. À quelques détails près, certains importants, chacun est resté sur son quant-à-soi. Déclinons.
Le silence des armes n'a pas été imposé tout simplement parce que les États-Unis et la Grande-Bretagne ont maintenu la position adoptée depuis le début des hostilités: pas de cessez-le-feu aussi longtemps que les conditions d'une paix durable ne seront pas réunies. Pour les autres nations présentes à Rome, la chronologie des actes à accomplir était différente: Israël et le Hezbollah doivent observer une trêve. Après quoi une force internationale serait envoyée au Liban pour voir à l'application de la résolution 1559 de l'ONU, votée en septembre 2004, qui appelle notamment à la dissolution des missiles présents au Liban. Sur ce plan, le sommet de Rome s'est soldé par un échec.
Par contre, des concessions non négligeables ont été obtenues. Contrairement à ce que voulaient Israël, la Grande-Bretagne et les États-Unis, la force internationale appelée à occuper le sud du Liban portera le chapeau de l'ONU et non celui de l'OTAN. Ces trois pays cultivant la méfiance à l'égard de l'ONU, ils souhaitaient que la force en question soit placée sous le commandement de l'OTAN. Qu'on y songe: si l'on avait exaucé leur voeu, la force en question aurait été perçue par la rue arabe comme une autre offensive de l'Occident.
Qui plus est, les États-Unis détenant le pouvoir d'influence que l'on sait sur l'organisation atlantique, ils auraient eu tout le loisir de peser sur le cours des événements militaires, avec le soutien actif de la Grande-Bretagne. Dans cet aspect du dossier, la position de ces nations se conjuguait quelque peu avec l'irrespect. Car si celles-ci désiraient encadrer le tout avec l'OTAN, elles ont clairement indiqué qu'elles n'enverraient pas de leurs soldats dans les environs.
Toujours est-il que, dès aujourd'hui, le secrétaire de l'ONU, Kofi Annan, va s'atteler à la formation de cette force et en négocier le profil, le poids ainsi que les balises juridiques avec les pays qui ont exprimé le souhait d'y participer. À moins de revirements dans les prochains jours, il est quasi certain que ce contingent va s'articuler autour de certains membres de l'Union européenne, dont l'Espagne et bien sûr la France, et de pays arabes. Lesquels? L'Arabie Saoudite, l'Égypte et la Turquie.
Mine de rien, la présence de ces pays va nécessiter passablement de doigté. On ne le répétera jamais assez, ce trio est très majoritairement sunnite. Et alors? Le contingent étant appelé à appliquer la résolution 1559, c'est lui qui va hériter de la tâche consistant à désarmer le Hezbollah instrumentalisé par la puissance chiite qu'est l'Iran et soutenu par un pays, la Syrie, gouverné par les alaouites, qui sont, pour faire court, les cousins germains des chiites et non des sunnites.
Ainsi donc, des sunnites vont se trouver probablement dans l'obligation, d'ailleurs justifiée, de demander au Hezbollah de livrer leurs armes. C'est à se demander si cette opération n'est pas à l'image de la quadrature du cercle. Plus concrètement, des cafouillages sont prévisibles de ce côté-là. Peut-être est-ce pour cette raison, parmi d'autres bien sûr, que le sommet de Rome a conclu à la nécessité d'organiser une conférence pour la paix à laquelle l'Iran et la Syrie ont été conviés.
C'est à noter, voire à retenir, pour la deuxième fois en autant de mois l'Iran récolte un gain. Dans le cas du dossier nucléaire, plus précisément de la bombe iranienne, l'administration Bush a convenu de discuter directement avec les autorités iraniennes si ces dernières acquiescent à la proposition qui leur a été faite. Aujourd'hui, mais concernant le drame libanais, on leur fait une proposition analogue. Comme quoi le diable se cache bel et bien dans les détails.
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