Il y a eu Monsieur, surnom donné à Jacques Parizeau. Il pourrait maintenant y avoir Madame. Elle a été attachée politique et attachée de presse de ministres, elle a été châtelaine du 1080 des Braves, rebaptisée par dérision L'Élysette; elle a même sa cuvée, du même nom, produite avec les raisins du vignoble de son mari.
Lisette Lapointe, l'épouse de l'ex-premier ministre Jacques Parizeau, sera candidate du Parti québécois dans Crémazie, un comté où son mari a été défait en 1973. Celui-ci avait alors comme collaboratrice Carole Devault, une informatrice de la police qui, sous le nom de code de «Poupette» a infiltré le FLQ pendant la crise d'octobre de 1970. Mme Devault s'est ouverte de son amour alors pour Jacques Parizeau dans une autobiographie.
Le choix de Crémazie a donc un côté symbolique d'une double vengeance pour Mme Lapointe. Mais elle devra ferrailler dur pour faire son entrée à l'Assemblée nationale. Crémazie est un comté baromètre, qui a voté NON aux référendums de 1980 et de 1995 et que libéraux et péquistes se sont échangés depuis 1976, le plus souvent avec de faibles majorités. En 2003, la libérale Michèle Lanquin-Éthier l'a emporté avec 44 % des votes contre 40 % pour le péquiste Hugues Carrier. En 1998, Manon Blanchet, du PQ, avait gagné de peu avec 45,3 % des votes contre 44,3 % pour le libéral Roch Carrier. Et en 1994, Jean Campeau, ex-président de la Caisse de dépôt et de placement et ami de Parizeau, qui allait devenir son ministre des Finances, avait obtenu 46,7 % des votes et le libéral Michel Décary, inconnu au bataillon, un honorable 44,3 %. L'actuelle députée Michèle Lanquin-Éthier est toutefois bien implantée dans son milieu mais elle ne résisterait probablement pas à un coup de vent péquiste dans ce comté changeant.
Lisette Lapointe a toujours eu de la «drive». Elle aurait sans doute pu exiger d'André Boisclair un comté sûr, comme Marie Malavoy à qui on a donné Taillon, l'ancien comté de René Lévesque et de Pauline Marois. Elle tentera plutôt de gagner vraiment son siège à l'Assemblée nationale. Si elle l'emporte et si le PQ devait former le prochain gouvernement, ce fait d'armes s'ajoutera à son statut d'épouse de Jacques Parizeau pour la rendre incontournable dans la formation du conseil des ministres.
Et c'est alors que les problèmes commenceront pour André Boisclair!
D'abord, Lisette Lapointe ne tolérera pas beaucoup de tergiversations sur la démarche d'accession à la souveraineté. André Boisclair s'est engagé à tenir un référendum le plus tôt possible durant son mandat après une victoire électorale, comme Jacques Parizeau en 1994, et elle le surveillera étroitement pour qu'il respecte sa promesse aux militants péquistes.
Mme Lapointe a aussi travaillé de près avec l'ancien ministre d'État au Développement social, Pierre Marois, dans le gouvernement de René Lévesque. Elle est identifiée au courant le plus social-démocrate du PQ alors qu'André Boisclair serait plus modéré à ce niveau aussi.
Sur le plan personnel, Lisette Lapointe avait la réputation d'être une femme intrigante lorsqu'elle était attachée politique, qui savait par exemple utiliser les médias, en coulant des informations ou en «brieffant» des journalistes, pour faire avancer les positions de son patron, y compris contre des collègues du conseil des ministres.
Madame a aussi un caractère bien trempé et elle prend beaucoup de place. Dès le soir de la victoire de Monsieur, en 1994, elle est passée devant lui au Capitole de Québec, au grand dam de tous les péquistes et à la stupéfaction des représentants des médias. Elle a exercé ensuite une influence connue et documentée sur le premier ministre, qui allait de sa tenue à des choix politiques importants. Des ministres et conseillers politiques en sont restés amers. L'une des plus importantes décisions de la vie de Jacques Parizeau lui a pourtant échappé, celle de démissionner après ses propos controversés le soir du référendum de 1995 sur «l'argent et le vote ethnique» pour expliquer la défaite du OUI. La première dame du Québec était opposée à cet abandon hâtif du prestigieux poste de chef du gouvernement. Elle serait très heureuse de retrouver une limousine avec chauffeur à sa porte.
Lisette Lapointe possède certes aujourd'hui un bagage politique peu comparable, acquis dans les coulisses du pouvoir. Mais elle n'est pas pour autant un «gros canon» de première ligne d'une équipe du tonnerre qu'André Boisclair a clamé vouloir constituer. Elle n'a notamment pas d'expérience de gestion pour prétendre à un important ministère.
Elle est cependant une militante, titre de gloire au PQ, connue et admirée de tous les membres du parti, avec qui elle a fraternisé depuis sa fondation presque. Elle peut avoir un charisme dévastateur lorsqu'elle joue la carte de la séduction des personnes ou d'un public. La femme abrasive est alors vive et pétillante. Elle est bonne communicatrice et elle possède beaucoup de bagout. Et elle est aussi «ratoureuse», ou manipulatrice, qu'une Louise Harel.
Lorsqu'elle utilisera ces talents contre André Boisclair, le gendre sourira pas mal moins que cette semaine de l'avoir dans sa cuisine.
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1 commentaire
Archives de Vigile Répondre
29 septembre 2006M. Samson
Je me demande ce que Mme Lapointe vous a fait, pour que vous la détestiez autant!
Peut-être nous éclairerez-vous dans un prochain article?