Maria Mourani tourne le dos à la souveraineté

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Mauvaise analyse de la situation politique et opportunisme à courte vue

Maria Mourani avait entrouvert une porte en quittant le Bloc québécois en septembre. Elle l’a claquée derrière elle mercredi en officialisant sa rupture avec la cause souverainiste. Une décision attribuée à un front indépendantiste qu’elle ne reconnaît plus depuis l’épisode de la charte des valeurs. Mais qu’on explique davantage, dans les rangs bloquistes, par des intérêts personnels, l’accusant d’être avant tout « carriériste plutôt que souverainiste ou fédéraliste ».
Dans une lettre publiée mercredi, Mme Mourani conclut sa réflexion des derniers mois : le Canada « protège mieux l’identité québécoise de toutes les citoyennes et de tous les citoyens du Québec. Je ne suis plus indépendantiste ».

« On a déjà un pays : ça s’appelle le Canada ! » scande maintenant Mme Mourani, en entrevue avec Le Devoir. Et à ses désormais rivaux indépendantistes qui dénoncent sa décision, elle rétorque : « Ça fait des années que je milite dans ce mouvement-là et je me rends compte que c’est fini. On ne “ fit” plus ensemble. La façon dont ils veulent faire la politique, dont ils définissent l’identité, je ne suis même pas là-dedans ! »

Tirant à boulets rouges sur le Parti québécois — dans sa lettre titrée « Pour protéger nos foyers et nos droits », une référence à l’hymne national canadien —, l’ex-bloquiste accuse la formation de Pauline Marois de vouloir « faire des élections sur le dos des croyants ». « Qui l’eût cru ! Le navire amiral de la souveraineté n’a plus rien à voir avec ce que j’ai connu. » Le PQ veut imposer, selon elle, sa charte et a refusé ce faisant d’écouter ses anciens premiers ministres qui s’y sont comme elle opposés.

Mme Mourani est désormais d’avis que la Charte canadienne des droits et libertés « nous protège en tant que Québécois […] de partis populistes, de ce genre de façon de faire de la politique ». Car elle s’inquiète de voir la Charte québécoise des droits et libertés pouvoir être modifiée, voire abolie, par une majorité simple.

Au Bloc québécois, on rétorque qu’elle « devra assumer les conséquences » d’une « décision incompréhensible à nos yeux ». Quant à l’utilité de la Charte canadienne, les quatre députés bloquistes répliquent, par voix de communiqué, que le Bloc « est aux premières loges pour constater à quel point la Charte canadienne, qui a été imposée contre son gré au Québec, est un obstacle à la protection de l’identité québécoise ».

« Elle vient dire qu’Ottawa a le respect des minorités en donnant l’exemple de la Charte, et le Québec n’a jamais signé cette Constitution ! […] C’est pas rigoureux, c’est le moins qu’on puisse dire », a à son tour reproché son ancien chef Gilles Duceppe. Celui-ci se souvient d’une députée « intelligente » avec « beaucoup de talent, pas beaucoup de jugement ». « L’abandon des principes, ça la dérangeait pas beaucoup », a fait valoir au Devoir M. Duceppe en se rappelant un changement de cap de Mme Mourani qui affirmait à l’époque s’inquiéter du vote de ses électeurs sur un enjeu.

Changement d’allégeance ?

Dès l’expulsion de Mme Mourani du Bloc en septembre, ses anciens camarades confiaient, en coulisse, qu’elle se cherchait une porte de sortie après avoir réalisé qu’en vertu du redécoupage de la carte électorale elle allait « se faire laver ». « Ce qu’elle veut, c’est regagner l’élection », a réitéré une source mercredi.

Les bloquistes prédisent que Mme Mourani se magasinera, dans les mois qui viennent, une place chez les libéraux — qui selon la nouvelle carte l’emporteraient dans sa circonscription d’Ahuntsic — ou encore chez les néodémocrates.

« C’est complètement faux », a répliqué Mme Mourani en dénonçant que c’est « ce genre de discours qui fait que je quitte. […] T’es pas avec moi, t’es contre moi. »

D’ici 2015, elle prévoit rester députée indépendante. « Je n’ai aucun plan. Je n’ai pas fait de magasinage, sauf celui de Noël », assure-t-elle, en disant que personne ne l’a non plus approchée. Et dans deux ans ? « Vous voulez que je prenne une boule de cristal et que je vous dise qu’est-ce je vais être en 2015 ? J’en sais rien, moi. » Au Parti libéral comme au NPD, on dit que la porte serait ouverte si elle veut briguer une investiture.

Dans la famille bloquiste, on refuse de s’inquiéter de cette sortie, une source estimant même que c’est « un mal pour un bien ». Avec le départ de Daniel Paillé à la direction du parti, lundi, et la décision de Mme Mourani, « le Bloc n’avait jamais connu de meilleure semaine » puisque tout le monde parle du parti réduit à quatre élus aux élections de 2011. Dans les médias, « on a des ténors qui prennent la parole, qui réaffirment un peu la raison d’être, la pertinence » du Bloc, des gens — comme Bernard Landry ou Pauline Marois — qui « n’avaient pas pris la parole sur le Bloc québécois depuis la défaite pratiquement », explique cette source.

Mme Mourani, elle, dit n’avoir « même pas pensé » à la pertinence du Bloc à Ottawa. « Ce sera aux Québécois de décider. »

Le président de la Société Saint-Jean-Baptiste estime quant à lui que l’ancienne députée bloquiste fait preuve d’incohérence. « Elle semble avoir changé d’opinion. Est-ce que c’est par opportunisme ? On ne le sait pas », a affirmé Mario Beaulieu. Il regrette l’absence de consultation des électeurs qui lui ont accordé un mandat sous une bannière indépendantiste.

Ironiquement, Maria Mourani a obtenu en 2012 le titre de Patriote de l’année de la part de la Société Saint-Jean-Baptiste. « Elle a mérité son prix pour ses actions passées, mais de prétendre que la Charte canadienne protège l’identité québécoise, on aimerait bien savoir où et comment », a dit M. Beaulieu.

Avec La Presse canadienne


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