La grenouille et le boeuf version Coderre

Montréal et sa légion d'honneur

Chronique de Jean-Pierre Bonhomme

Les États, pour cimenter l’identité nationale, créent parfois des Ordres nationaux pour tenir les nations en ligne et en attente. C’est ce que fit Napoléon, en créant la Légion d’honneur, elle qui mit toutes les élites francaises en attente des médailles et de la Gloire. Ces États établissent ainsi un des cadres mythologiques qui les légitime. Ce n’est pas un objectif que tous les méritants poursuivent : on peut être un excellent physicien nucléaire dont l’âme est en paix sans appartenir à un Ordre national! La nature humaine étant ce qu’elle est, par contre, d’autres arborent fièrement leurs rosettes pour montrer leur appartenance à une tribu : canadienne ou québécoise. Les Britanniques sont experts en la matière, eux qui ont créé l’Ordre de la Jarretière, et toute la monarchie qui va avec. À chacun ses désirs!

Hier, dans la vallée laurentienne, le maire d’une administration municipale, M. Denis Coderre, dont la tribu a des liens avec le territoire de l’Outaouais, a annoncé la création d’un Ordre de Montréal. C’est une nouveauté en matière de reconnaissance nationale. C’est la première fois, en fait, que, dans le monde, une municipalité se donne la peine de créer un Ordre pour s’identifier comme une collectivité nationale indépendante des États desquels elles relèvent. Les administrations municipales donnent bien des Prix, ici ou là, qui pour honorer un ingénieur du traitement des eaux, qui pour avoir dessiné un bel hôtel de la ville. Ca va; mais une Légion d’honneur? Nous n’en connaissons pas!

Dans le cas particulier du Québec, où Montréal se trouve, et où vit une nation qui a peine à déployer ses ailes, l’arrivée d’un nouvel « Ordre » ne peut avoir pour but que d’affaiblir la valeur symbolique de l’Ordre national de l’État. Du reste, le maire Coderre ne reconnait pas le fait que les administrations municipales d’ici se trouvent sous la juridiction EXCLUSIVE de la province. Tous les étudiants en Droit savent que les municipalités ne sont pas des États, eux qui étudient la constitution du pays. Ici, le maire de la métropole change ladite constitution de son chef, part négocier les paramètres de l’économie mondiale avec la Chine, dans on ne sait quel avion; s’en va discuter de l’économie du Canada directement avec les ministres fédéraux, qui n’ont aucune juridiction sur la ville. Et le ministre des Affaires municipales du Québec, lui qui est responsable, est quasi obligé de cogner à la porte de l’ « État de Montréal » pour se faire recevoir; il a l’air d’un serviteur!

L’auteur de ces lignes n’est pas loin de penser qu’il y a là un mélange des genres et que cela est problématique au regard de l’identité nationale québécoise. Un «Ordre » nouveau ne fera rien pour renforcer l’identité nationale des citoyens de la Nouvelle-France; il diluera la cohésion de la collectivité et il dirigera le peuple vers son statut éventuel d’ethnie folklorique dont la présence dans le monde disparaîtra pour de bon. Sans compter que les frais d’un « nouvel Ordre » ne sont pas négligeables. L’Angleterre ne peut se payer qu’une seule monarchie et la France une seule Légion.

Le maire de Montréal est en train de faire par la porte d’en arrière ce qu’il ne peut faire par la porte d’en avant. Ce n’est pas honorable. Nous nous permettons de penser que nos « libérales » élites imposeront, sur cette question, un lourd silence; comme tant d’autres auparavant. Il n’empêche que c’est le symbolisme des choses et les mythologies qui font vivre les États. Est-il encore possible que les nôtres vivront et l’État avec? Si c’est encore possible il faudra bien mettre de l’ordre dans les juridictions de la fédération.


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1 commentaire

  • Ouhgo (Hugues) St-Pierre Répondre

    3 décembre 2015

    Monsieur Bonhomme, vous êtes comme moi d'une autre époque: vous savez écrire (problématique étant un adjectif et non un nom) et vous référez à la Nouvelle-France (un nostalgique de France). Ce qui ne vous enlève aucune pertinence: l'opportuniste d'une municipalité de la vallée laurentienne se prépare à parler de partition si jamais la Nation vote pour déployer ses ailes. Quelqu'un nous a prévenus qui si nous avons trouvé Harper coriace envers la Nation, just watch Justin, dont l'oreille reçoit tous les jours les désirs de notre Liberal au rouge de plus en plus apparent par le col de chemise. L'omnimaire a toujours au proche son marteau piqueur pour construire l'autoroute reliant Montréal à l'Outaouais ontarien, sous le couvert des angriphones balisant déjà la voie par Vaudreuil bon accueil.
    La duplicité de l'homme est apparue quand les journalistes l'ont surpris "la main sur la clanche de la toilette" (vu, pris). Tout homme d'État se serait assuré de nettoyer ses eaux usées avant de les balancer aux autres municipalités de l'État qui l'entoure. Et il ne s'enfargerait pas dans sa hiérarchie en apostrophant la police qui veut l'empêcher de nuire au peuple: "Toé, touche moé pas, tu travailles pour moé!"