(Québec) Il y avait longtemps qu'on n'avait pas vu les libéraux dans un tel pétrin. Le Fonds d'intervention économique et régional (FIER) du Saguenay?Lac-Saint-Jean a investi des millions de dollars dans des entreprises de la grande région de Montréal, où deux libéraux notoires ont des intérêts importants. Plus encore, ces deux libéraux, Pietro Perrino et Valier Boivin, siègent au conseil d'administration du FIER concerné.
Il y a des semaines que le Parti québécois cherchait à coincer le gouvernement sur une question d'éthique ou d'intégrité. Mercredi, le ministre des Finances et du Développement régional, Raymond Bachand, a été déculotté par ces révélations. Il a dû admettre qu'il ignorait tout de l'affaire.
Il est trop tôt pour porter un jugement sur cette situation, mais elle ne pouvait tomber à un pire moment pour le gouvernement. Jusqu'à maintenant, Jean Charest renvoyait dans le camp péquiste toutes les accusations de conflits d'intérêts, en rappelant que Claude Blanchet, le conjoint de Pauline Marois, dirigeait la Société générale de financement pendant qu'elle était ministre des Finances. Il l'a fait mercredi encore à la période de questions en déclarant que Mme Marois était «la dernière personne qui devrait donner des leçons de ce type-là».
Ces répliques de Jean Charest faisaient rire les libéraux et rager les péquistes, mais commençaient à ressembler à de l'intimidation gouvernementale du genre «Écoeure pas si tu ne veux pas qu'on t'écoeure...»
C'était sous-estimer le PQ, dont les services de recherches sont beaucoup plus aguerris que ne l'étaient ceux de l'Action démocratique du Québec. Mercredi, François Legault a sorti l'artillerie lourde : comment expliquer que des fonds publics destinés aux régions soient administrés par des gens de Montréal associés au parti au pouvoir? Et comment expliquer que ces fonds soient dirigés vers des compagnies où ces mêmes personnes ont des intérêts? Voilà le genre de bourbier dont le gouvernement aura toutes les peines du monde à sortir, surtout dans le contexte malsain des révélations scandaleuses qui ternissent l'administration de Montréal.
Les deuxièmes mandats des gouvernements sont souvent entachés d'histoires douteuses de cette nature. Le gouvernement Charest s'est traîné les pieds depuis 2003 sur sa promesse d'instaurer un code d'éthique et de créer un poste de commissaire à l'éthique. Il récolte aujourd'hui ce qu'il a semé. Ainsi, on a appris mardi que le premier ministre avait modifié ses directives au cabinet afin de permettre à un ministre d'avoir des intérêts dans une entreprise qui obtient des contrats du gouvernement. Le leader parlementaire des libéraux, Jacques Dupuis, a expliqué le changement en déclarant qu'il avait fallu ajuster les directives pour satisfaire «quelques cas particuliers».
Indépendamment du mérite de la chose, c'est une explication qui passe mal venant d'un ancien ministre de la Justice. Est-ce qu'on modifie le Code de la route pour satisfaire quelques cas particuliers d'ivresse au volant? Je sais bien que ce n'est pas ce qu'a voulu dire M. Dupuis, mais c'est l'impression que ça donne.
Bref, le gouvernement Charest est dans l'embarras sur plusieurs dossiers d'éthique et il n'a pas de commissaire indépendant à qui confier ces questions pour rassurer le public et faire patienter l'opposition.
Les libéraux sont peut-être en remontée dans les sondages, mais leur progrès n'ira pas loin s'ils sont incapables de prendre l'initiative en matière d'intégrité et d'éthique. Après six ans de pouvoir, Jean Charest doit cesser de faire le procès des gouvernements péquistes et donner l'exemple au lieu de faire la morale.
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