One nation, one pipeline

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On ne doit pas laisser Ottawa polluer nos cours d'eau








Pendant que la province de Québec tourne chaque jour davantage à la bourgade asphyxiante, le plus meilleur pays du monde avance ses pions. Occupés à débattre des vertus des patates en poudre pour la gastronomie dans les centres d’accueil et à méditer les propos du savant docteur sur la conformité du lavage à la débarbouillette aux plus hauts standards de la médecine version libérale, les Québécois continuent de se faire enfirouaper dans l’indigence intellectuelle de la régression provinciale. Le projet de pipeline devient de moins en moins une hypothèse. Le Canada s’organise.



Et il s’organise comme il l’a toujours fait : en comptant sur une élite d’intermédiaires disposés à livrer la province à bon marché. C’est ainsi que dans la torpeur de l’été nous avons appris que l’Office national de l’énergie a pris ses aises avec la vérité et qu’il a dû reconnaitre avoir discuté pétrole avec Jean Charest, ce grand ami du Québec. C’est ainsi que nous avons eu droit également aux premières manœuvres des Québécois de service que TransCanada PipeLines a mobilisé pour prendre les devants de la parade de relations publiques. Et c’est sans compter les notables de chambres de commerce et autres grands thuriféraires du pragmatisme d’affaires qui pontifient sur les retombées économiques. Le pipeline va finir par devenir une vraie réponse aux besoins du Québec…


L’offensive idéologique va s’intensifier. Avec l’arrivée de Rachel Notley à la tête du gouvernement albertain, le projet de pipeline d’Énergie Est a changé de registre. Pour reprendre une image qui a déjà fait son effet en nos chaumières, la dame de l’Ouest a choisi de « faire du judo » avec les oppositions. Elle a entrepris de verdir le désastre avec un Plan qui manipule des données complexes pour mieux minimiser l’impact global sur le climat de l’augmentation qu’elle souhaite et approuve des volumes d’extraction du pétrole sale. Et elle a du succès. Ottawa s’arrange bien d’une version de gauche bénie par quelques grandes fondations et des groupes écologistes « raisonnables ». L’épithète « responsable » est désormais indissociable des déclarations sur le processus d’évaluation environnementale, des discours de Mr. Selfie lui-même et de sa ministre.


Dans une entrevue accordée à un magazine canadian pour consommation provinciale, la madame Notley n’a pas manqué de propos lénifiants pour faire semblant de prendre les choses au sérieux en ce qui concerne les résistances québécoises. Elle est ouverte au dialogue, elle reconnait que l’Alberta a sa part à faire dans la lutte aux changements climatiques, bref, elle est toute vertu. Mais c’est pour mieux affirmer que l’Alberta doit continuer de viser à exploiter plus et que pour le faire avec de meilleurs profits il faut des pipelines pour exporter. Tout cela avec le sourire et une courtoisie exquise. La politesse canadian a tout de même des limites : « Il faut fonctionner comme un pays, une nation, si on veut avoir du succès » (L’Actualité, septembre 2016 p. 15)


Que les Québécois se le tiennent pour dit : il y a une nation au Canada et l’intérêt national doit primer sur les humeurs régionales. Le projet Énergie Est est un projet de nation building pour mieux consolider l’économie extractiviste canadian. Peu importe que ce modèle économique sape les bases économiques du Québec, qu’il le déporte à la marge de ce qui constitue son meilleur atout dans la transition écologique mondiale – le fait que près de la moitié de l’énergie qu’il produit et consomme soit renouvelable – que le projet de pipeline menace l’eau de la vallée du Saint-Laurent, etc. Rachel Notley ferme toutes les portes. Y compris celles que pourraient pointer les pragmatiques prêts à consentir au risque moyennant des redevances compensatoires : « Il faut éviter de multiplier les barrières et les obstacles entre les provinces ». Le modèle classique canadian va néanmoins continuer de s’appliquer et « [les] entreprises proposent des avantages financiers aux municipalités traversées par un oléoduc », comme dans toute bonne gestion coloniale paternaliste.


Énergie Est est un rendez-vous pour le Québec. Un rendez-vous national aussi bien qu’écologique et économique. Le fédéralisme pétrolifère qu’il sert et incarne va tenir la province dans un étau. Soumis aux pressions du grand capital pétrolier et assujetti à un régime politique qui considère d’ores et déjà comme un particularisme inoffensif, le Québec est appelé à subir les conséquences les plus néfastes des choix « nationaux » faits au nom d’une communauté de destin qui lui est imposée au nom de la grandeur d’un pays qui l’oblitère. Après la négation culturelle et l’enfermement électoral qui l’ont minorisé à jamais dans le régime, le projet Énergie Est vise à dépouiller le peuple québécois de tout contrôle et pouvoir sur son territoire. Aux yeux d’Ottawa et du capital pétrolier, nous ne sommes que des locataires tolérés dans la maison que nous occupons.


À l’heure où les débats font rage à propos de la loi sur les hydrocarbures (loi 106), il ne faut pas négliger de faire tous les liens. Il ne suffira pas de dénoncer le caractère brouillon et laxiste du projet Arcand. Il faut bien comprendre que ses imprécisions ne servent qu’à masquer le consentement déjà implicitement donné par le gouvernement Couillard au projet d’Énergie Est et son adhésion inconditionnelle au fédéralisme pétrolifère. Pas étonnant que Rachel Notley déclare que : « C’est facile de travailler avec le premier ministre Philippe Couillard ».


Pendant qu’à Québec on se chamaille pour savoir à combien de mètres des habitations il faut laisser besogner les foreuses, à Calgary comme à Ottawa c’est tout le territoire du Québec qu’on s’affaire à soustraire au pouvoir de notre peuple et de son Assemblée nationale.


Un p’tit débat sur l’aide médicale à mourir avec ça ?





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Robert Laplante173 articles

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Robert Laplante est un sociologue et un journaliste québécois. Il est le directeur de la revue nationaliste [L'Action nationale->http://fr.wikipedia.org/wiki/L%27Action_nationale]. Il dirige aussi l'Institut de recherche en économie contemporaine.

Patriote de l'année 2008 - [Allocution de Robert Laplante->http://www.action-nationale.qc.ca/index.php?option=com_content&task=view&id=752&Itemid=182]





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