VIE PRIVÉE

Plaidoyer pour une surveillance surveillée

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Vous avez dit vie privée ?

Après une décennie d’élargissement des outils policiers de lutte contre le terrorisme, l’heure est à la consolidation des garde-fous citoyens. Les 13 commissaires à la protection de la vie privée du Canada adressent à Ottawa un mémoire commun dans lequel ils l’invitent à « tirer des leçons » des révélations d’Edward Snowden et de la surveillance récente de journalistes québécois.

Ottawa mène cet automne un examen du cadre de sécurité nationale au pays. Si la consultation se penche évidemment sur le controversé projet de loi antiterroriste C-51 adopté par les conservateurs, elle ne s’y limite pas non plus. Le livre vert qui guide les débats fait état de diverses demandes d’élargissement de pouvoirs d’enquête. C’est dans ce contexte que le commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Daniel Therrien, a présenté mardi un mémoire cosigné par ses 12 homologues provinciaux et territoriaux.

Le principe de base qui guide M. Therrien est simple : « Le gouvernement ne devrait proposer, et le Parlement approuver, l’octroi de nouveaux pouvoirs à l’État que s’il est prouvé qu’ils sont nécessaires et proportionnés — et non simplement [parce qu’ils seraient] pratiques », a-t-il expliqué en conférence de presse. M. Therrien estime que les seuils de preuve exigés pour obtenir des mandats d’écoute ou de collecte d’informations sont déjà suffisamment bas et n’ont pas besoin d’être abaissés encore davantage.

Des métadonnées inquiétantes

Les métadonnées préoccupent particulièrement les commissaires. Selon eux, trop de gens — dont les juges qui autorisent leur collecte — pensent encore que celles-ci sont inoffensives parce qu’elles ne révèlent pas le contenu d’une conversation ou d’un courriel, les comparant à « l’information figurant sur une enveloppe ou dans un annuaire téléphonique ». Or, il n’en est rien, assurent-ils. Ils citent même l’agence de renseignement britannique qui considère les métadonnées comme plus utiles que le contenu des conversations.

Les commissaires refusent que les policiers puissent, comme il est suggéré dans le livre vert, obtenir le droit de recueillir ces métadonnées simplement sur autorisation d’un supérieur ou d’un procureur. Les commissaires demandent au contraire que les juge restent non seulement impliqués dans ces autorisations, mais qu’ils puissent imposer des conditions.

« Ce que les incidents entourant la surveillance des journalistes nous révèlent, c’est que d’avoir l’indépendance que donnent les juges est un élément important, mais n’est pas suffisant, a soutenu M. Therrien. Ce serait à notre avis aussi important de mieux encadrer les conditions en vertu desquelles les juges se prononcent. »

Les commissaires suggèrent que les juges puissent limiter la durée de conservation des données récoltées. Les juges pourraient aussi exiger que toutes les informations interceptées à propos d’un autre citoyen sans reproche — qui a simplement eu le malheur d’entrer en contact avec une personne étant l’objet d’une enquête, comme ce fut le cas du journaliste Patrick Lagacé — soient « détruites sans délai ».

« Pensez à la perception que nous avions des pays de l’Europe de l’Est qui conservaient des dossiers au sujet de citoyens ordinaires très longtemps parce que cela pourrait être utile à des fins de renseignement,lance M. Therrien. Je ne compare par le SCRS aux services de renseignement de ces pays pendant la guerre froide, mais de manière objective, on parle de la conservation de très grandes quantités d’informations à propos de citoyens ordinaires afin de détecter des terroristes. Je ne pense pas que c’est le genre de société dans laquelle on veut vivre. »

Plus de dents pour les chiens de garde

Les commissaires suggèrent aussi que les juges n’autorisent l’accès policier aux métadonnées que pour « les crimes graves », ou alors « en dernier recours » lorsque les policiers ont « épuisé toutes les autres méthodes d’enquête ».
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