Des tests toxicologiques réalisés par un groupe environnemental laissent entendre que le déversement de pétrole survenu à Lac-Mégantic a eu de sérieux impacts sur la qualité de l'eau et des sols du secteur touché.
Selon le rapport d'analyse, dont La Presse Canadienne a obtenu copie, le facteur de dépassement des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) cancérigènes est de 394 444 fois supérieur à la norme jugée acceptable par le ministère du Développement durable, de l'Environnement, de la Faune et des Parcs (MDDEFP) pour les eaux de surface.
Quant à la concentration d'arsenic détectée à la surface de l'eau, elle dépasse de 28 fois la norme jugée acceptable par Québec, estime la Société pour vaincre la pollution (SVP), qui a réalisé cette étude avec la collaboration de Greenpeace.
«Il est évident que s'il y a des substances cancérigènes au fond de la rivière Chaudière, lors de la débâcle ou lors des ''coups d'eau'', ça risque de faire remonter cette contamination de fond, qui va contaminer la rivière Chaudière vers l'aval», a exposé Daniel Green, de la SVP.
Les berges de la rivière Chaudière ont aussi écopé. La flore analysée sur plusieurs kilomètres a démontré «un taux extrêmement élevé d'hydrocarbures pétroliers», selon le groupe environnemental.
«Essentiellement, on est à 180 fois la norme qui définit un terrain contaminé en vertu du règlement sur (la protection et) la réhabilitation des terrains du Québec. On a créé des terrains contaminés sur les deux berges de la rivière Chaudière à la suite de ce déversement», s'est désolé M. Green.
La SVP reconnaît qu'«en raison de ses moyens limités», il lui a été impossible d'effectuer l'ensemble des analyses chimiques requises pour identifier le spectre des toxiques.
Et justement, le côté «artisanal» de cette collecte de données mine la valeur scientifique de ces résultats, estime Gregory Patience, professeur titulaire au Département de génie chimique de l'École Polytechnique.
«Ce qu'ils ont écrit est assez inquiétant, mais prématuré. Ce n'est pas complet, et le rapport est alarmiste», a-t-il suggéré mardi à l'autre bout du fil.
Le chercheur relève notamment qu'en raison de leur masse volumique supérieure à celle de l'eau, le pyrène et le chrysène - produits chimiques de la famille des HAP cancérigènes - détectés dans les eaux de surface auraient dû couler au fond de la rivière Chaudière, ce qui le laisse perplexe.
Si elle juge que les résultats de ses analyses tiennent la route, la SVP regrette tout de même de n'avoir pas eu accès à certains endroits au moment de procéder à ses tests - et pour cela, elle pointe du doigt l'entreprise privée chargée du nettoyage et de la décontamination, SIMEC, qu'elle accuse d'avoir tenté de lui barrer la route.
En entrevue avec La Presse Canadienne, la compagnie a cependant réfuté cette allégation.
«Nous, on n'a pas eu affaire avec des groupes comme (la SVP). Ce n'est définitivement pas nous qui leur avons empêché l'accès», a affirmé lundi un porte-parole de l'entreprise.
Reste que la SVP juge que la population de Lac-Mégantic et de la région est en droit d'être informée des contrecoups écologiques du déversement. Elle reproche d'ailleurs à Québec de garder confidentiels les résultats de ses analyses, accusant le MDDEFP de perpétuer une «culture du secret».
Greenpeace n'a pas été plus tendre à l'endroit du ministère. Selon l'organisme, les responsables ont sous-estimé l'importance des conséquences environnementales de la catastrophe.
«J'ai été surpris de les voir minimiser l'ampleur du déversement», a lancé Keith Stewart, coordonnateur de la campagne Climat-Énergie de Greenpeace.
«C'est l'un des plus importants déversements dans l'histoire canadienne. Il faudra un effort considérable pour décontaminer tous ces endroits», a-t-il précisé en entrevue téléphonique il y a quelques jours.
Le bureau du ministre de l'Environnement, Yves-François Blanchet, a refusé les multiples demandes d'entrevue logées depuis près de deux semaines par La Presse Canadienne.
D'après les plus récentes estimations du MDDEFP, qui datent du 4 août, 7,2 millions de litres de pétrole brut léger se sont déversés dans l'environnement à la suite du déraillement mortel de Lac-Mégantic, qui a fait 47 victimes.
Les opérations de décontamination - qui pourraient s'échelonner sur des années et coûter des centaines de millions de dollars selon Daniel Gardner, professeur de droit spécialisé en responsabillité civile - ne se sont pas encore mises en branle comme tel.
«Au moment où on se parle, on ne parle pas de décontamination. Le mandat qui a été donné à Pomerleau, c'est un mandat de nettoyage et de caractérisation du site», a spécifié mardi matin la mairesse de Lac-Mégantic, Colette Roy-Laroche.
«Quant à la décontamination de l'ensemble du territoire sinistré, c'est une opération qui sera faite suite aux résultats de la caractérisation», a ajouté la première magistrate en point de presse.
L'entièreté de la facture de l'opération nettoyage a été refilée aux contribuables - du moins, pour l'instant. La compagnie Montreal, Maine and Atlantic (MMA), propriétaire du convoi qui a explosé en plein coeur du centre-ville de Lac-Mégantic, se dit de toute façon incapable de l'éponger.
Dans les documents déposés en Cour supérieure la semaine dernière, l'entreprise américaine a expliqué qu'elle faisait face à un nombre croissant de poursuites, de mises en demeure et des coûts de nettoyage. Ceux-ci, prévoit-elle, dépasseront les 200 millions $. MMA dispose d'une couverture d'assurances de 25 millions $ et d'actifs de 18 millions $.
À la suite du dépôt de cette requête, le gouvernement du Québec a finalement reconnu que ce sont bel et bien les contribuables québécois qui assumeraient la part du lion des coûts en matière de nettoyage, de décontamination et de reconstruction.
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