Pour l'abolition pure et simple des escouades anti-émeute

Un tel geste s'imposerait dans un futur Québec souverain

Tribune libre

Par André Parizeau (*)
« Qui nous protège de la police ?». Les étudiants et les étudiantes en grève à travers le Québec sont de plus en plus nombreux à poser cette question et les événements des dernières semaines leur donnent raison. Ils ne sont pas les seuls, en même temps, à devoir faire face à la répression policière. Les travailleurs et les travailleuses d’Aveos, de même que les Innus sur la Côte Nord ont tous eu eux aussi à faire face aux matraques des escouades anti-émeute au cours des dernières semaines.
Tout cela soulève en même temps des débats de fonds quant au rôle que nos gouvernements devraient avoir, lorsque surgissent des conflits sociaux, ainsi que sur la manière dont les forces de police devraient agir.
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À chaque fois que l’anti-émeute fut utilisée au cours des dernières semaines, c’est parce qu’il y avait un groupe de gens qui bloquait une route, une artère, ou encore un pont. Ou mieux encore (ou pire encore, c’est selon), ils bloquaient le paysage devant l’Assemblée nationale, et avaient de surcroît eu l’audace de lancer des balles de neige (car il y avait encore de la neige le 1er mars dernier, à Québec) à des policiers casqués, munis de vestes anti-balles et protégés en plus par des boucliers… Parfois, ils ne faisaient carrément rien de spécial.
Qu’importe. Jean Charest, ainsi que ses ministres Robert Dutil, responsable de la sécurité publique, et Line Beauchamp, responsable du ministère de l’Éducation, s’insurgent. Les gestes posés par ces gens, de dire hier le ministre Dutil, seraient non seulement illégaux (ah ! Oui ?), mais aussi « dangereux et intolérable dans une société démocratique ».
« Les étudiants qui revendiquent la gratuité de leurs études universitaires doivent réaliser qu’ils sont en train d’écœurer les travailleurs à qui ils veulent refiler toute la facture », de prétende de son côté madame Line Beauchamp. Comme si ces étudiants qui revendiquent l’arrêt des hausses des frais de scolarité, n’étaient pas eux-mêmes les fils et les filles, dans une large majorité, de ces mêmes travailleurs et travailleuses, et comme si, en bout de ligne ces hausses de frais de scolarité n’étaient une autre attaque de front contre l’ensemble des travailleurs et des travailleuses, puisque ces hausses appauvrissement nécessairement tous ces gens, tous en affaiblissement les chances de tous ces jeunes d’améliorer leur sort dans les années à venir.
Comme bien d’autres, j’aurais envie de dire à tous ces politiciens complètement déconnectés ceci : « vous trouvez que notre système d’éducation coûte cher ? Mais combien pensez-vous maintenant que pourrait coûter le fait de généraliser l’ignorance? »
Ce qui est le plus ridicule avec de telles déclarations de la part de ministres libéraux réside dans le fait que jamais les étudiants, les travailleurs et les travailleuses d’Aveos, ou encore les Innus de la Côte-Nord, n’avaient véritablement mis en danger ni leur propre sécurité, ni celles des autres en danger. On ne peut en dire autant de tous les ministres dans le cabinet Charest. À bien y penser, c’est eux qui devraient être mis à l’amende. C’est aussi eux qui, à la limite, devraient être arrêtées pour atteinte majeure au bien commun et à l’avenir de tout le Québec, car c’est aussi eux qui menacent le plus notre démocratie.
Des images qui parlent d'elles-mêmes :
Cliquez sur cette photo pour visionner une vidéo produite par le réseau LCN et portant sur la confrontation entre les travailleurs et les travailleuses d'Aveos et les policiers de l'anti-émeute, mardi le 22 mars dernier.
La manifestation d’aujourd’hui, 22 mars, de part le nombre des participants, donne une réponse éclatante à toutes les stupidités que peuvent dire depuis un certain temps les libéraux pour essayer de sauver la face et justifier leur refus de négocier avec les étudiants.
Selon les organisateurs de cette manifestation, ils étaient au moins 200 000. C'était donc la plus grosse manifestation jamais tenue, depuis le début des années 2000, alors que jusqu'à 300 000 personnes étaient descendues dans les rues de Montréal pour dénoncer la 1ere guerre en Irak.
Il étaient au moins 200 000 et ils donnaient ensemble un exemple de joie de vivre, en même temps qu'un modèle de discipline puisqu'aucun incident ne fut rapporté. Les forces de police n'étaient jamais loin, mais pas une fois ils ne sont finalement intervenue. Heureusement. De toute manière, et vue le nombre des manifestants, il n'aurait pas fallu qu'ils interviennent...
Pendant des heures, tout le centre-ville fut bloquée par cette marée humaine. Plutôt le mâtin, des étudiants avaient également réussi à bloquer pendant un certain temps une des entrées au port de Montréal, tout en réussissant, jusqu'à ce qu'ils puissent effectivement se regrouper devant cette entrée, à déjouer la surveillance des policiers.
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Le fait que ce gouvernement tend de plus en plus à se réfugier derrière une utilisation de plus en plus à outrance des différentes escouades anti-émeute mérite en même temps une réflexion plus large sur le rôle des forces policières, et plus particulièrement sur l’utilité ou non de conserver ces fameuses escouades anti-émeute.
Le Québec n’a pas toujours eu des escouades anti-émeute. Remarquez qu’il y avait un temps où les policiers de la Sûreté du Québec (SQ) – ils s’appelaient alors la Police Provinciale (PP); c’était à l’époque de Maurice Duplessis – intervenaient un peu partout, comme le font aujourd’hui ces escouades anti-émeute, brisaient des grèves, et réprimaient les manifestations, et allaient même jusqu’à tirer sur le monde ordinaire.
Avec les années, les activités des différents corps policiers se sont jusqu’à un certain point « civilisés », en même temps que les différents paliers de gouvernements décidaient également d’augmenter de manière quasi non-stop leurs budgets. Globalement, et de manière collective, soit au travers de nos impôts, on dépense une quantité impressionnante d’argent, soit disant pour mieux nous protéger. Sauf que ces mêmes corps policiers demeurent en même temps un des pires cas d’antidémocratisme, dans la mesure où ces mêmes corps policiers continuent encore à demeurer complètement étanches à tout effort pour obtenir plus de transparence dans leurs opérations.
Chaque fois qu’il y a bavure de la part des forces policières – et elles tendent à être de plus en plus nombreuses --, les enquêtes continuent encore à être données à d’autres corps policiers, ce qui est une véritable aberration. Il n’y a pas moyens non plus d’obtenir que les autorisés policières, lesquelles ont pourtant beaucoup de pouvoirs, en plus de disposer de budgets énormes, puissent devenir redevables devant les autorités politiques, au niveau du palier de gouvernement concerné.
Il y a aussi le fait qu’il existe, au sein de ces mêmes forces policières, tous un pan d’activités, autour desquelles, il est strictement impossible de savoir quoique se soit, soit disant parce que cela pourrait mettre en péril ce qu’ils appellent eux-mêmes « la sécurité d’État ».
Au sein même de la SQ, il existe ainsi un département ultra secret, formé aux lendemains des événements du 11 septembre 2001, qui serait chargée de protéger certains hauts dignitaires politiques, dont le premier ministre, qui serait également chargé de protéger un certain nombre d’informateurs et autres agents infiltrés (pas moyen de savoir où?), et qui aurait également comme mandat de surveiller tout ce qui pourrait mettre en danger la « sécurité de l’État », sans autre définition de ce que cela pourrait signifier.
Je le sais car je fus moi-même impliqué dans une cause impliquant la Commission d’accès à l’information et cette fameuse agence. Une personne, qui avait fait une demande d’emploi à la SQ, et que je connais bien, s’était vu refuser l’emploi suite à une intervention de cette agence, sur la base que son embauche aurait pu représenter une « menace à la sécurité d’État ». J’étais dans la salle d’audience, lorsque la cause fut entendue par une juge, pour savoir sur quelles bases l’emploi avait finalement été refusé à cette personne et si oui ou non les informations ayant servi à la prise de cette décision pouvaient être rendues publiques à la première personnée concernée, ou si même cela pouvait une fois encore nuire à cette fameuse "sécurité de l'État". Non seulement, il ne fut pas possible d’obtenir gain de cause (parce que cela aurait une fois de plus pu mettre « la sécurité d’État » en danger), mais il ne fut même pas possible de savoir l’épaisseur du dossier qui avait amené à une telle décision. Soit disant que cette information, en apparence anodine, pouvait elle aussi mettre la sécurité d’État en danger !!! C’est tout dire …
On notera au passage que ce département pour la défense de la sécurité d'État fut créé alors que c'était un gouvernement péquiste qui était au pouvoir et que le premier ministre était alors Bernard Landry.
Ou bien ce gouvernement de l'époque était au courant de la mise sur pied de ce département et cela soulève alors la question de savoir quelles étaient alors les intentions de ce gouvernement lorsque celui-ci donna son aval, étant donné que le PQ a toujours prétendu agir différemment que les libéraux ?
Ou bien ce gouvernement n'était pas au courant et cela soulève alors une autre question : qui contrôle vraiment la SQ ?
Il existe littéralement des milliers de cas et d’histoires démontrant le fait que les forces policières sont loin d’être, dans notre société, aussi neutres que certains voudraient nous le faire croire. Ce que vivent aujourd’hui les étudiants, ce qu’on vécu il y a quelques jours aussi les travailleurs et les travailleuses d’Aveos, ou encore les Innus sur la Côte-Nord ne sont en définitive que la pointe d’un problème beaucoup plus large.
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Les forces policières sont la partie la plus visible (avec l’armée) de l’appareil répressif. Tout État, quel qu’il soit, aura toujours comme fonction d’assurer un minimum d’ordre, ce qui inclut d’avoir à user, au besoin, de méthodes « plus coercitives ».
Autre vidéo portant cette fois sur le rôle de l'anti-émeute pour démenteler un blocus qui avait été installé sur la route 138 par les Innus pour protester contre le non respect, par le gouvernement et l'Hydro-Québec, des revendications de ceux-ci.
Quand nous avons, comme c’est aujourd’hui le cas, un appareil d’État qui est foncièrement et avant tout au service de la bourgeoisie, c'est-à-dire des plus riches et des plus influents dans notre société, les forces policières ont alors et forcément comme rôle, en surplus d’assurer le bon fonctionnement de la circulation, et d’attraper les bandits et les truands, de s’assurer également que les intérêts de cette même classe sociale – la bourgeoisie --, soient bien protégés, même et y compris quand ces gens brisent eux-mêmes la loi.
Cela peut paraître absurde et illogique, d’autant que ces bourgeois ne forment qu’une petite minorité de gens et que ce qu’ils font a souvent pour effet de mettre un grand nombre de gens dans la … merde, comme c’est le cas avec les travailleurs et les travailleuses d’Aveos, pour ne nommer qu’eux. Que les décisions de Jean Charest et de son gouvernement minent littéralement l’avenir de millions de personnes n’a finalement pas plus d’importance. Ce qui compte d’abord et avant tout c’est de défendre ceux qui sont au pouvoir, qu’ils soient élus à l’Assemblée nationale, ou qu’ils soient au contraire ceux et celles qui tirent plutôt les ficelles à partir des couloirs feutrés des grands édifices à bureau et des salles de conseils d’administration des grandes entreprises.
Si demain mâtin, tout cela devait changer et qu’on puisse alors compter sur un gouvernement plus populaire – admettons une seconde qu’on puisse un jour faire élire une majorité de députés indépendantistes et de gauche, une telle option pourrait alors devenir possible – nous aurions alors toujours besoin d’un appareil d.’État avec des forces policières, des cours de justice, et des prisons. Il y a un certain nombre de choses qui devraient cependant changer, parce qu’il y aurait en même temps un changement majeur qui se seraient produit. Nous aurions en effet un gouvernement qui serait désormais au service de la majorité (les 99%), et non plus d’une infime minorité (soient les 1%).
Concrètement, selon nous, au Parti communiste du Québec (PCQ), cela devrait notamment dire qu’on abolirait purement et simplement, et entre autres choses, toutes les escouades anti-émeute.
Mardi dernier, alors que les membres de l’exécutif central du PCQ se réunissaient, comme c’est normalement le cas à toutes les semaines, nous avons discuté de tous les événements récents sur la scène québécoise et la revendication en faveur de l’abolition de ces fameuses escouades est rapidement venu sur le tapis et a fait assez facilement consensus.
Déjà, dans un communiqué émis par un de nos deux portes parole, Gabriel Proulx, ce dernier en avait fait référence. Nous pensons qu’une telle revendication pourrait aider à mieux illustrer en quoi un futur gouvernement indépendantiste et de gauche pourrait se distinguer de tous les autres gouvernements avant lui.
Une telle revendication figurera donc au nombre des suggestions qui seront soumis à la discussion des membres du PCQ, lors de notre prochain congrès, de manière à ce qu’une telle revendication puisse conséquemment être intégrée à notre programme, dans le cadre de nos discussions plus larges à venir et devant porter sur les meilleurs moyens d’améliorer notre système de justice.
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L’existence même de ces fameuses escouades repose sur un principe voulant qu’il puisse être utile de restreindre le droit de grève, le droit de piqueter, ou de manifester sur la seule base d’un vocable assez flou et qu’on appelle généralement la « raison d’État ».
Parfois, on parle aussi de l’importance de protéger le droit à la « propriété privée ».
Plus récemment, nos politiciens au pouvoir ont commencé à faire référence à ce qu'ils appellent le droit de « pouvoir circuler en voiture sans se faire importuner par des manifestants ». Est-ce une nouvelle découverte de messieurs et mesdames du Parti libéral; chose certaine, je ne connais pas un seul pays qui aurait dans sa constitution un tel droit de reconnu; aucun pays ne reconnaît non plus le fait qu'on puisse limiter le droit de manifester soit disant pour ne pas brimer un tel autre droit...
Ce qui a de pire dans tout cela, ce n'est pas juste le fait que nos politiciens au pouvoir seraient prêts à restreindre (dans les faits, ils le font déjà) ainsi l'exercice de droits qui devraient pourtant être sacrés dans toute société démocratique qui se respecte, mais c’est aussi le fait que cela sous-entend du même coup que les droits démocratiques de chacun, de même que les droits collectifs de tous, seraient de fait assujettis à d’autres droits jugés supérieurs à tous les autres.
Tout cela nous ramène à un autre débat tout aussi important et portant cette fois sur la question de savoir si tous les droits, dans notre société, devraient être ou non sur le même pieds. À l'époque des grandes discussions sur les accomodements raisonnables, la question avait brièvement été abordées sur la scène publique, sans qu'on ne puisse cependant vraiment tirer un trait sur ce débat.
Sauf que ce débat peut aussi prendre une tournure beaucoup plus large. Pour notre part, nous ne pensons pas qu'il faille tout mettre sur un même pied. Ce serait faire preuve d'une vision un peu trop iddlylique de ce qui se passe vraiment dans la société et le fait de penser comme cela pourrait rapidemment nous amener vers un cul de sac, ou, pire encore, vers une situation totalement chaotique.
S’il est vrai que tous les droits ne sont pas à mettre sur le même pied, nous nous objectons catégoriquement au fait que le droit à la propriété privé des uns puissent servir de prétexte aux bourgeois pour faire n’importe quoi, y compris de congédier ou de fermer une entreprise, pour la relocaliser ailleurs simplement parce que cela serait plus rentable. Nous nous objectons également au fait qu’un gouvernement puisse invoquer ce droit pour finalement dire, comme le fait actuellement le gouvernement Harper dans le dossier d’Aveos, qu’ils ne peuvent rien faire puisqu’il s’agit d’une décision prise par une société privée, ayant le droit de disposer comme elle le veut de ses biens et avoirs, puisqu’il s’agit au fonds de biens et d’avoirs privés.
Nous nous objectons également tous aussi catégoriquement au fait qu’un gouvernement, quel qu’il soit, puisse éventuellement décider de passer outre à ses propres lois, et/ou décider de mesures exceptionnelles, en prétextant la « raison d’État ».
Nous revendiquons du même le droit, dans un futur Québec indépendant et socialiste, d’établir les droits à une vie décente, à la santé, à l’éducation, à des emplois de qualité, ainsi qu’à une retraite décente, de même que les droits à la libre expression, et à la libre association, ainsi qu’au droit de grève, et le droit de pouvoir vivre dans notre langue, pour ne mentionner que ces quelques droits, sont des droits pas mal plus importants que le droit à la « propriété privée » et/ou la « raison d’État ».
C’est cette même « raison d’État » qui permit à l’ancien premier ministre canadien, Pierre-Elliot Trudeau, d’imposer à l’ensemble du Québec, en 1970, la fameuse loi des mesures de guerre (laquelle existe toujours au meilleur de ma connaissance), qui firent en sorte que plus de 500 personnes furent internés sans véritable raison, et qui fit aussi en sorte de suspendre pendant une période relativement longue l’ensemble des droits civiques de chaque Québécois et chaque Québécoise.
J’imagine que c’est aussi cette même « raison d’État » qui fit en sorte qu’un ordre fut donné, mardi le 20 mars, à l’escouade anti-émeute de la police de Montréal de libérer les entrées des bureaux d’Air Canada, dans l’Ouest de la ville. À noter : l’ordre était rédigé uniquement en anglais, ce qui rendait automatiquement une telle décision comme étant illégale, mais cela n’a pas empêchée ensuite l’anti-émeute de fesser dans le tas, en tapant sur les têtes des travailleurs et des travailleuses d’Aveos. La « raison d’État » l’emportait…
Il faut pourtant rappeler le fait que les documents unilingues, en anglais seulement, en provenance des cours de justice et/ou des forces policières, sont considérées depuis déjà plusieurs années au Canada, comme étant nuls et illégaux. La Cour suprême du Canada s’était penchée, il y a plusieurs années, sur cette question, à la suite d’une plainte d’une personne francophone, vivant au Manitoba, et qui avait alors reçu une contravention rédigée uniquement en anglais. La contravention fut ultimement déclarée comme étant illégale sur cette seule base.
Les travailleurs d’Aveos avaient raison de refuser d’obtempérer devant l’ordre d’évacuation donnée par l’anti-émeute. Ils étaient légalement et moralement dans leur droit. Tout comme les Innus étaient aussi dans leur droit de bloquer la route 138 puisqu’ils défendaient ainsi leurs droits ancestraux. Même chose pour les étudiants qui, par leurs gestes, défendent non seulement leur propres roits à une éducation gratuite, mais aussi ce même droit pour les générations futures.
Il est assez ironique de voir comment une personne comme Martin Luther King, qui est surtout connu pour avoir toute sa vie durant défendu le droit des gens de se lever contre l’injustice et d’user des méthodes de désobéissance civile, être aujourd’hui reconnu aux États-Unis comme un héros, y compris par le gouvernement américain, qui a décrété qu’il y aurait désormais, à chaque année, une journée de commémoration de Martin Luther King (je crois même qu’ils ont là-bas maintenant un congé férié ce jour-là), pendant qu’ici, nos autorités politiques fustigent ceux et celles qui osent justement poser de tels gestes.
On a souvent l’habitude de dire que la société québécoise est plus évoluée que celle de nos voisins du Sud. On cite alors, n exemple, tous nos acquis sociaux, le fait que notre législation soit nettement plus avancée, d’un point de vue social, que ce qui existe du côté des États-Unis. Il semble en même temps que les mentalités, du côté des ministres dans le gouvernement Charest, de même qu’à Ottawa, soient en même temps, ainsi qu’à certains égards, plus en retard que ce qui existe de l’autre côté de la frontière.
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Les escouades anti-émeute ont été mises en place, au Québec, dans la foulée des grandes luttes sociales des années 60 et 70. Elles servent uniquement à réprimer des actions entreprises dans le cadre de mouvements populaires. Vous ne verrez jamais ces policiers – ces grosses brutes, diront certains – sortir de leurs casernes pour faire la circulation ou donner des tickets pour excès de vitesse, ou encore pour maintenir l’ordre et la bonne marche d’événements ou fêtes populaires. Jamais ! Ils ne sont pas là pour vous aider à festoyer. Oh que non ! Ils ne sortent qu’en cas de manifestations, grèves ou autres événements du genre.
Chose certaine, ils n'ont pas le temps de chômer par les temps qui courrent, à cause de la remontée des luttes.
À la limite, on peut concevoir qu’un État puisse prévoir avoir des équipes capables d’intervenir, en cas d’événements comme ce fut le cas récemment, à Toulouse, en France. OK. Mais pas des escouades anti-émeute ! Un gouvernement, plus populaire, n’aurait pas besoin d’envoyer des escouades anti-émeute contre le même monde qui aurait contribué à le faire élire.
Même si les choses pourraient éventuellement se corser, même si des gens devaient même décider de descendre dans la rue pour contester certaines décisions d’un gouvernement de gauche (ce qui continuerait à être le droit de tous), alors un tel gouvernement aurait la responsabilité de trouver d’autres moyens pour régler la situation. Ce serait son devoir de trouver des solutions autres que par la matraque et les arrestations.
Nous savons tous et toutes comment, dans le passé, dans les pays socialistes, de nombreux excès ont finis par se produire là aussi, à ce niveau. Cela démontre en même temps à quel point l’être humain peut, chaque fois qu’il se retrouve dans une position de pouvoir, finir par aller à l’encontre de ce pourquoi il s’était battu jusqu’alors. Cela peut se produire, aussi bien avec des gouvernements de droite que de gauche. Cela nous rappelle du même coup l’importance qu’il y aurait à bien circonscrire les limites de jusqu’où l’action gouvernementale peut aller.
Une telle approche continuerait aussi d’être cohérente avec ce qui existe déjà dans notre programme politique, au PCQ, et qui affirme noir sur blanc qu’une éventuelle nouvelle constitution pour un Québec indépendant devrait inclure une clause interdisant au gouvernement de passer des lois spéciales visant à surseoir aux droits et libertés de tous et chacun, qu’il s’agisse de droits individuels ou collectifs, comme le droit de grève.
C’est tout à la fois très clair et très fort, en même temps que nécessaire. Cela correspondrait en même temps à l’objectif fondamental que devrait avoir n’importe quel gouvernement de gauche, soit de toujours agir en fonction d’abord des intérêts de la majorité.
Une telle mesure, consistant à abolir toutes ces fameuses escouades, seraient un autre pas important dans ce sens et pourraient aussi s'ajouter à plusieurs autres mesures visant à rendre en même temps l’ensemble des services de police beaucoup plus transparents, au niveau de leurs opérations, en même temps que de faire en sorte que ces même corps de police deviennent véritablement redevables devant les différents paliers de gouvernements concernés.
Cela s’ajouterait également aux mesures déjà incluses dans notre programme et qui parlent d’étendre les règles de la démocratie, jusqu’à et y compris à l’intérieur des lieux de travail, sur une échelle encore jamais vue parce que le socialisme devrait d’abord et avant tout représenter une extension formidable de la démocratie, à défaut de quoi cela ne correspondrait pas vraiment à ce que les fondateurs du mouvement socialiste avaient eux-mêmes aspirés en créant ce mouvement. Je fais ici référence à des gens comme Karl Marx.
(*) André Parizeau est le chef du Parti communiste du Québec (PCQ); ce texte est également disponible sur le site du PCQ au www.pcq.qc.ca.

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Chef du Parti communiste du Québec (PCQ), membre fondateur de Québec solidaire, membre du Bloc québécois, et membre de la Société Saint-Jean Baptiste de Montréal (SSJBM)





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1 commentaire

  • Archives de Vigile Répondre

    23 mars 2012

    Avec respect, je ne pense pas que les communistes, dont la doctrine repose sur la dictature du prolétariat, la centralisation de l'État et sa bureaucratisation, aient des leçons à donner en matière de sécurité de l'État. En effet, leur histoire est jonchée de cadavres dans le placard.
    Une Chambre citoyenne dont les membres seraient tirés au sort avec des mandats courts et non renouvelables pourrait constituer un rempart très efficace de surveillance et de contrôle de tous les organes de sécurité de l'État.
    Des clauses de protection des droits de la personne dans une constitution d'un Québec souverain et indépendant pourraient aussi faire le travail contre les abus policiers.
    Pierre Cloutier