Pour une réforme du ministère des Relations internationales

2005


Depuis un discours à l'École nationale d'administration publique, le 25 février 2004, le premier ministre Jean Charest a réitéré la volonté de pousser plus loin la doctrine Gérin-Lajoie en affirmant que "ce qui est de compétence québécoise chez nous est de compétence québécoise partout". Le gouvernement du Québec demande depuis d'être présent à la table de négociation d'accords de libre-échange et au sein d'organisations internationales lorsque les sujets qui y sont traités affectent les champs de compétence du Québec. Même si cette proposition est souhaitable et qu'elle fait consensus au Québec, il faut se questionner afin savoir si le ministère des Relations internationales, sous sa forme actuelle, est capable de remplir une telle mission.
Ce que propose le premier ministre implique que le ministère des Relations internationales (MRI) ait la capacité de coordonner et d'imposer ses orientations en matière de relations internationales à l'ensemble de la machine gouvernementale. Or, même si le MRI assure un suivi des activités de certaines organisations internationales et de traités de libre-échange, on doit cependant noter que, pour la plus importante, l'OMC, c'est le ministère du Développement économique et régional et de la Recherche qui en est responsable. Ce dernier est également responsable du commerce international et des questions de libéralisation des échanges.
Le MRI contourné
De plus, dans de nombreux cas, et cette pratique se généralise, les ministères contournent le MRI lorsque vient le temps d'aborder des questions internationales et de déterminer la position du gouvernement fédéral dans les champs de compétence des provinces. Dans le domaine de l'éducation, qui est à l'origine de l'essor québécois en matière de relations internationales dans les années 60, la participation des provinces à des organisations gouvernementales internationales à vocation universelle comme l'ONU, l'UNESCO, l'OEA ou l'OCDE se fait par le truchement du gouvernement fédéral qui est le seul à pouvoir parler au nom du pays, et ce, même dans les champs de compétence des provinces.
Depuis 1967, un organisme de coopération interprovinciale dans le domaine de l'éducation a été mis sur pied. Il s'agit du Conseil des ministres de l'éducation du Canada (CMEC) dont le rôle est de coordonner les échanges entre provinces, de faire la gestion de certains programmes conjoints mais également, de plus en plus, d'établir la position du gouvernement canadien lors de rencontres internationales qui portent sur les questions d'éducation. Les décisions au sein du CMEC se prennent par consensus ce qui, dans les faits, se traduit par une forme de veto pour l'ensemble des provinces.
En effet, depuis 1977, le ministère des Affaires étrangères du Canada a conclu avec le CMEC une entente qui prévoit que lors de tout événement international qui traite de questions liées à l'éducation, le CMEC recommandera la composition de la délégation canadienne et désignera le chef de mission. Cette entente a été acceptée par toutes les provinces incluant le Québec. C'est cette entente qui régit depuis les relations internationales du Canada en matière d'éducation.
Cette organisation interprovinciale assume également un rôle de secrétariat permanent sur ce sujet et s'assure d'établir des contacts réguliers avec les organisations internationales. Elle est l'interlocutrice unique en la matière et assure la coordination des enquêtes comme celle dirigée par l'OCDE.
Comme on le constate, le MRI est totalement contourné par ce système intergouvernemental de représentation des intérêts internationaux des provinces. Cet exemple peut également être étendu aux questions de santé, de transport, de sécurité et de libéralisation des échanges. Dans tous ces cas, le MRI n'arrive plus réellement à coordonner les efforts du gouvernement du Québec. En somme, le MRI n'est pas en mesure de défendre convenablement les intérêts du Québec dans les organisations internationales où sont discutés des sujets qui affectent pourtant sa souveraineté interne.
Fusion
Afin de renforcer le MRI, il serait utile qu'il refusionne avec le secrétariat aux Affaires intergouvernementales canadiennes. Cela permettrait à ce nouveau ministère de centraliser l'ensemble des questions internationales du Québec et ainsi de déterminer une politique internationale plus cohérente que ce soit directement ou par les mécanismes intergouvernementaux. Puisque le MRI souhaite renouer avec la politique "d'affaires internationales" et donner un sens plus économique à sa mission, un peu comme à l'époque de John Ciaccia, il serait également souhaitable que ce nouveau ministère intègre les questions de commerce international afin de lui donner plus de ressources et un seuil critique. Il est vrai que cette réforme structurelle du ministère des Relations internationales est importante, mais c'est le prix à payer pour avoir une plus grande cohérence gouvernementale en matière de politique internationale.
Stéphane Paquin, Ph.D. Professeur associé au département d'histoire de l'UQAM et adjoint au titulaire de la chaire Hector-Fabre d'histoire du Québec


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