Québec Circus de Christian Saint-Germain (extrait)

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« De son côté, le PQ n’avait proposé à l’électorat qu’un voyage dans le temps ; en descendant de la caravane de campagne conçue par un tatoueur sur le Gravol, plutôt que Cheech & Chong, Lisée, flanqué de Véronique Hivon (Notre-Dame-des-Sept-Douleurs), déclara qu’elle ressemblait à Jackie Kennedy. »


À paraître chez Liber en janvier 2019

Autorisation de publication accordée à L’Action nationale par l’auteur et l’éditeur.



Manon in the Sky



Manon Massé a demandé une voiture de fonction hybride. Le Journal de Montréal, 23 novembre 2018



Tournant du débat des chefs à TVA, Lisée se mit en frais de déculotter « Manon des sources1 ». Mal lui en prit, pareille audace remplit immédiatement l’auditoire de frayeur et au premier chef Pierre Bruneau conscient de l’inélégance d’un argument ad hominem. Entrant en compétition féroce avec l’association des pères Noël, y avait-il un chef dans la salade des « solidaires » voué à la gratuité universelle, à la dette écologique et autre faribole ? Était-ce ce Fantomas Chateauneuf2, l’ancien poinçonneur des lilas de la STM dissimulant, derrière le boniment écologique de QS, les chimères égalitaristes des Niveleurs ? En apostrophant Manon, Lisée cherchait à établir qu’elle n’avait aucune autorité sinon pour unique tâche de vulgariser des débats qui ne volaient déjà pas haut. Tentant de lui faire admettre qu’elle ne détenait pas de phallus malgré qu’elle se dressât rubiconde et turgescente devant le PQ, le lacanien Lisée se heurtait à un agencement collectif, à un archétype de l’inconscient matriarcal bigenré de la société québécoise.


Dans les débats, on ne savait pas par quel bout la prendre. L’ineptie passait aussitôt à Radio-Canada pour de la transparence et son incohérence, pour de l’inexpérience à LCN ; forme supérieure du renouveau charismatique au milieu des Ex, des Mordus ou des Jouteurs sortie du bac à compost des défaites électorales3. Comme Ginette Reno, qui n’était qu’une chanson, Manon n’était que sincérité, l’ingénue n’ayant jamais été corrompue par le pouvoir partisan ou la main de l’homme. Après le départ de l’ursuline Françoise David, QS avait recruté parmi les sœurs converses, les Vikings du Plateau et les brouteurs de luzerne. Feignant d’être ignorante des choses du matérialisme dialectique, bein crapaude, la Manon jouait les Marie-Chantal. Marx ? Connais pas. La plupart des électeurs entendaient d’ailleurs Marc. C’est qui ce Marc-là ? Avec Manon, on convenait que l’électorat était rendu ailleurs. S’identifiant à Ti-poil pour des raisons évidentes4, la papesse Jeanne n’était plus du côté de l’idéal du moi, mais de la thérapie de groupe. L’ancienne classe politique tremblait comme les nouveaux professeurs de français devant une dictée sans connexion à internet. C’était une cure de désintoxication des vieux partis : on était rendu à Portage. Du n’importe quoi, des bulles savonneuses soufflées à l’intention des enfants de tout âge. Après tout, « c’est le pain qui fait la sandwich », même les libéraux s’étaient proposé de « faciliter » la vie des familles de Hampstead, de Cote St. Luke et de Town of Mount Royal.


Portant la culotte à l’assemblée et le carnet de commandes du FRAPRU5, Manon incarnait la mère québécoise avec tous ses attributs divins. Le couple adamique qu’elle formait avec l’ange Gabriel rappelait que la société québécoise n’avait guère d’équivalent en Occident. C’est clair qu’on avait affaire à une formation de l’inconscient collectif dont la porte-parole ambitionnait de représenter le Québec moderne à l’étranger. Apothéose du matriarcat, les générations la diraient bienheureuse, l’« Ève future » d’un Québec décomplexé, la place Émilie-Gamelin remplaçant peu à peu les plaines d’Abraham. La scène de l’histoire se déplaçait en coulisse et vers les fosses bien que, advenant l’augmentation significative de la députation QS, Manon aurait sans doute été aussitôt tassée par de gentils garçons qui auraient ainsi privé l’électorat de Mère courage6. Plutôt qu’une plate-forme électorale, QS proposait une liste d’épicerie et une bonbonne de gaz hilarant déréalisant la question de l’indépendance aussi vite qu’il n’en faut pour lâcher des milliards de promesses à la tête du tiers des électeurs n’ayant jamais payé d’impôt. Le discours de l’assistance, de l’accompagnement, l’impérialisme gnangnan du travail social remplacerait la sollicitude authentique.


Les fées qui avaient eu soif hier avaient faim aujourd’hui. Au menu : un marxisme d’opérette en sauce, l’écologisme en salade et le cyclisme hivernal en galantine de Bixi. Résolues à fournir de nouveaux stéréotypes aux incertains de la césure et aux révoltés de l’arbitrarité du signifiant, les Yvettes faisaient place aux Yvonnes7. Plus important encore, Manon faisait rêver Stéphane Gendron. Les commentateurs médusés entrèrent tour à tour dans une phase de commisération devant la bûcheronne urbaine, la Proserpine écologique, la Marianne de l’assemblée constituante. S’imaginant faire ami-ami avec le Lumpenproletariat, cultivant dans les médias l’amour du pauvre des dames patronnesses et le misérabilisme de bon aloi, on faisait bein attention pour ne pas la snober. Réécrivant à l’envers Les petites filles modèles de la comtesse de Ségur, on acclamait Manon dans les médias avec autant de ferveur qu’on semblait n’avoir pu souffrir Martine.


Rendu encore plus drôle par l’aspiration entre la dinde et les atocas d’une bouffée de pot, QS allait bientôt égayer les clientèles captives du Bye-Bye 2018. De son côté, Télé-Québec ne se pouvait plus, Coûteux Bégin invitait déjà Vincent Marissal à Y a du monde à messe pour parler de son ancienne ligne éditoriale à La Presse et lui fourguer une pointe de sa tourtière à vingt-neuf piastres de chez IGA8.


Assénées à temps et à contretemps par Manon la composteuse, les thèses vides autour de la « dette » écologique ne comportaient qu’une minuscule antinomie : ce petit pépin s’appelait la République populaire de Chine, poisson-vidangeur de l’aquarium planétaire demeuré à l’ère industrielle et fournissant aux classes moyennes du Nord9 piles au lithium, émanations au charcoal et produits jetables en tout genre. Présentées par la gauche-creton comme les dernières créations du Village des valeurs, les exhortations à la contrition environnementale faisaient recette pour la collecte sélective des déchets bien que, malgré le florilège des discours écologistes, l’on continuât de rejeter des eaux usées dans le verre à dentier du banlieusard10. Prétendant faire contrepoids à l’empire du Milieu, on ne contrôlait pas les valves des so called gouvernements de proximité11. Cette contradiction pratique n’empêcherait pas fumistes et enfumeurs de s’en payer une tranche aux dépens des carpes pâmées. Ligotés sur les rails, ceux à qui s’adressait cet évangile regardaient passer le train des réformes sociales et des encadrements normatifs avec l’impavidité du mangeur de McNuggets.


À la prochaine campagne, QS proposerait la réduction du prix du cannabis et ferait la promesse que l’État et ses droguistes mettraient un terme aux ruptures de stock12. En clair, une meilleure « gestion de l’offre » dans l’hallucinogène récréatif et la fuite de la réalité13. Le lait bio, les tomates hydroponiques, c’était bien fini tout ça. Au prétexte que ça l’existait déjà, on banalisait l’usage des stupéfiants pour des générations entières et pour affronter les problèmes de la vie courante. Des populations de jeunes gens dépenaillés, en coton ouaté à capuchon sale, faisaient la file comme elles la faisaient déjà aux urgences ou dans les CLSC. Heureux de resserrer les rangs, l’amorti moyen affirmait participer à rien de moins qu’une journée historique ! De fait, on déménageait en plein centre-ville le dynamisme gaspésien avec un petit côté de réserve autochtone. Comme dans Le meilleur des mondes, l’État prenait les moyens pour que les citoyens retournent contre eux-mêmes les contradictions, les injustices et les inégalités sociales.


La baie des Puants dérivait dans le golfe du Saint-Laurent ; les Ski-Doos empesteraient le pot, les banques alimentaires, l’entrée des cliniques sans rendez-vous où l’on distribuait déjà le Fentanyl officiel. Tout en accélérant l’entreprise de décervelage et répandant sa délicate fragrance de mouffette cuite dans un pneu d’hiver, l’« herbe du diable » emplissait les consciences d’une fumée réputée guérir les troubles d’apprentissage et affermir le désir de réussite scolaire14. Boulette intergénérationnelle envoyée à la gueule de ce qui restait de jeunes, la lutte des classes se poursuivait par tout moyen. Mine dérivante des écoles privées vers les écoles publiques, le cannabis remplaçait la mort-aux-rats dans le bas de Noël des emballeurs et des commis15. La jeunesse d’Hochelaga-Maisonneuve avait enfin accès à la culture hydroponique. Du côté du collège Brébeuf et du The Study de Westmount, les honoraires des consultations en santé mentale passeraient par les déductions prévues aux fiducies familiales.


Le simplisme des promesses politiques confirmait l’affaiblissement des facultés de l’électeur : QS et la CAQ n’étaient pas un accident de l’histoire, comme se plaisait à le répéter le jeune vicaire de Manon, mais bien le couronnement pour des raisons distinctes de cinquante ans d’éducation gratuite. Désormais, les politiciens québécois ne viendraient plus des facultés de droit ou de médecine, mais directement des départements de travail social. Ça l’aiderait.


Malgré les ratés spectaculaires du système de santé, les solidaires ne désarmaient pas. C’était le manifeste du parti Rhinocéros sans l’humour16. À l’occasion d’un programme de soins dentaires universel, dans une proposition audacieuse, les Trois Accords souhaitaient rajouter un peu plus d’eau dans le gaz de l’État. À ce festival de la dépense incompressible, l’arracheur de dents et les autres pierres rejetées à l’admission par les facultés de médecine se paieraient la gueule des gobeurs. Après le programme Apollo québécois, le canal de Panama ! Traitement de canal pour tous ! Chicots chicots par-ci, tico tico par-là, comme le chantait Alys Roby. La grande famille des propriétaires de Mercedes-Benz et les rois de la « couronne nord » recolleraient des résines de surface aux six mois pour les changer aussitôt au gré d’une facturation évolutive respectueuse des échelles de tarifs nord-américains devant lesquelles de grands écarts de traitement seraient à leur tour prestement constatés. Projet plombé, l’initiative pour enrichir d’autres Crésus de banlieue ne s’arrêterait pas là. Comme pour des plaques de char au moment du remisage d’une minoune, déposées directement au comptoir de la SAAQ, on consignerait chacune des rangées de dents en plastique. Un second mandat de QS permettrait de racheter ponts, partiels, et râteliers et les remplacer par des implants vissés et de grosses dents d’aînés.


À QS, on privilégiait l’approche intimiste de la prothèse à celle urbaniste des ponts et chaussées reliant Montréal à ses dortoirs. Sur les conseils de Fernandel, l’un des seigneurs de guerre gonflés de son aréopage, la mèresse fit d’ailleurs installer un Check Point Charlie dans la montée Camillien-Houde comme à la belle époque des deux Allemagnes17. Le mont Royal se voyait déclaré « traverse à siffleux » de l’UNESCO et centre d’observation des sexualités statistiquement sous-représentées dans l’almanach du peuple Beauchemin. Comme le rappelait le stupéfiant Jolly Jumper au moment de sa victoire et à l’inauguration de son terrier municipal, il s’en fallut de peu pour que la remplaçante communautaire à Denis ne s’adresse à l’auditoire en mocassins ou ne se présente accompagnée d’un pitbull végétarien emprunté à la fourrière idéologique de QS.


Parfaitement accordée à sa clientèle de cyclistes composteurs, cette perspective se mariait à l’enflure doctrinaire du parti aux « drôles d’idées ». Il faudrait toutefois à Jimini Cricket plus d’une sauterie pour expliquer aux naufragés du circuit de l’autobus 11, autobus parcourant la montagne aussi régulièrement qu’un train dans les westerns spaghettis de Sergio Leone, qu’il fallait finir la ride en Bixi18. Ce n’était pas la moindre de ses contradictions. Bien que l’on rejetât encore des eaux usées directement dans le fleuve, les gardiens de la révolution écologiste n’expliquaient pas à l’usager des transports en stomp boat les motifs pour lesquels métros et autobus n’étaient toujours pas gratuits sur l’île de Gilligan. La Société de transport augmentait hypocritement chaque année les frais de passage sur ses billots de draveurs. On signait le pacte, on organisait des processions, on se déchirait le sac vert sur le dos, mais encore et toujours des tourniquets à Berri-La Salpêtrière. Une légion d’agents collecteurs parcourait les galeries souterraines pour dénicher le hobo ou faire cracher aux récalcitrants, un genou sur la nuque, leurs trois piastres et vingt-cinq. Les escaliers mécaniques se figeaient comme les chutes Montmorency en février, les interruptions de service prenaient le contrôle des agendas sans oublier la voix du métro rappelant de ne pas se prendre la craque de fesse dans les portes coulissantes19.


La mairesse se rendait aux chambres de commerce déclamer des âneries apprises par cœur sur le néolibéralisme, la circulation des personnes n’en était pas plus fluide. Il fallait financer les augmentations des communicateurs d’arrondissement, des anciens journalistes et la flopée de beaux parleurs qui n’ajoutaient guère de plus-value au déplacement des classes laborieuses20. Le cadre prospérait, l’usager ramait. Aux guidons, citoyens !


L’obsession politique pour le pédalier et la randonnée pédestre dénotait une sensibilité fine à l’égard des populations vieillissantes et à mobilité réduite ; elle s’adressait aux éternels permanents des sociétés d’État et à tous ceux dont l’emploi ne s’embarrassait d’aucun souci des usagers. Se suivant à la file indienne, le contingent de quinquagénaires, de gratteux à tête en laine d’acier était beau à voir arriver à l’ouvrage pour une autre grosse journée de la fonction publique. On débarquait de son bicycle à la canicule et au diable le hygiaphone !


Vélo, changement de sexe, collecte sélective des déchets constituaient la trinité économique d’une religion où la grande Mère primordiale et ses sœurs avaient engendré Michel Tremblay dans une partie de canasta. Sous la férule d’un État accompagnateur, le monde se transformerait sans violence par l’effacement au calendrier liturgique du Black Friday, du Cyber Monday, du Boxing Day et du Noël du campeur. En plus des bouches, on nationaliserait aussi l’insémination artificielle, les piercings et les réassignations militantes. L’échangeur Turcot serait laissé en plan. Une purge linguistique s’en venait aussi sûrement que le mal de ventre par des fonctionnaires plus empressés à noircir du papier qu’à superviser la réfection des conduites d’eau. Les susceptibilités étaient à fleur de peau, la cohabitation normée. L’État deviendrait le théâtre expérimental du refus de quelque interpellation que ce soit ; ni père, ni mère, parent I et II, ni il ou elle, un faiseur d’anges dans nos campagnes, une réingénierie complète des désignations autoritaires par des interjections : euh, que cé, que celle… Comme la ministre de la Justice Sonia Lebel dans l’un de ses interrogatoires célèbres, on claquerait des doigts en l’air en salle d’attente pour attirer l’attention des porteurs de numéro. À qui dois-je faire le chèque ?


Pour adhérer à un parti politique, le Québécois moderne ne cherchait plus tant des « programmes » électoraux que des « plans de traitement ». QS l’avait compris et mijotait pour un autre tantôt l’éradication des fongus du gros orteil. Dans le beau rêve babouviste21 de la « petite fille de Windsor », chaque citoyen serait tout à la fois, mais tour à tour, l’employé de l’État et sa principale victime. On irait « au fur la mesure », en commençant par la santé dentaire. Repartant nu-bouche, mais avec un numéro de dossier et trente-deux rendez-vous pour les prochains Nouvel An chinois on sourirait bientôt à la vie. Avec Legault, on se donne le go, avec QS, plus question de faire la baboune ! On avait affaire à des indépendentistes et à des spécialistes de l’orthodontie discursive. Après les dents, la langue pâteuse des « vieux mononcles cochons22 » serait plongée dans le vinaigre des théoriciens de cours du sweare. On préférait l’haleine saphique des cunnilinguistes à celle chargée de becs à pincettes du patriarcat millénaire. L’époque de la pénétration était bel et bien derrière nous.


Au moment d’être assermentés23, les députés QS allèrent se cacher dans une garde-robe de l’Assemblée nationale. Trouvant humiliant24 de devoir reconnaître le monarque étranger, ils n’eurent pour seul courage que d’avancer en catimini leur petite paluche dans le salon brun de la honte. On n’avait pas affaire au Black Panther, à Tommie Smith, à John Carlos pendant les Olympiques de 1968. L’occasion était ratée pour un parti qui mettait la collecte sélective des déchets sur le même pied que l’indépendance nationale d’un peuple à qui l’on ne rappelait jamais qu’il constituait le dernier colonisé de l’histoire. Provoquant une crise constitutionnelle et de légitimité démocratique, l’échauffourée aurait relégué à l’arrière-plan l’entrée en scène de Legault et de ses chaudrons. Il aurait mieux valu profiter de l’occasion pour convaincre ceux qui prétendaient qu’il ne fallait pas faire tout un plat d’une question de décorum qu’il était temps de lâcher le morceau et de se débarrasser du lieutenant-gouverneur aussi pittoresque que l’Union Jack ou les chanceliers de l’université McGill.


Le résultat électoral du 1er octobre marquait non pas le triomphe d’idées justes ni la conclusion de la fine analyse d’un contexte biopolitique, mais une vague détachée d’un océan lunaire, de la mer de la Tranquillité. Le Parti libéral s’étant épuisé en asphaltage et en collecte de sang en faveur des médecins, après quinze ans d’une chimiothérapie aussi coûteuse qu’inutile, le temps était venu de changer de perruque. Les Québécois ne s’en formalisaient guère, ils remplaceraient King Couillard au regard absent par un innocent aux mains pleines. Les observateurs qui regardaient le premier ministre sortant en larmes au bras de Suzanne et reprenant ses remontrances sur les libertés individuelles pour son électorat de colonisés notèrent qu’ils ne l’avaient pas vu aussi ému depuis l’arrestation d’Arthur Porter. On ne retiendrait de lui que son appui indéfectible à la ventouse Gaétan Barrette pendant un braquage salarial qu’on ne réussirait pas à rattraper25.


De son côté, le PQ n’avait proposé à l’électorat qu’un voyage dans le temps ; en descendant de la caravane de campagne conçue par un tatoueur sur le Gravol, plutôt que Cheech & Chong, Lisée, flanqué de Véronique Hivon (Notre-Dame-des-Sept-Douleurs), déclara qu’elle ressemblait à Jackie Kennedy. À ce train, Saskia Thuot avait des airs de Marilyn Monroe et Anaïs Favron ceux d’Anne Hathaway. Les mains dans le Paris pâté, le JFK de Rosemont lançait une véritable « petite révolution des lunchs » à l’école primaire26. Bien qu’un peu éloigné des enjeux de la sécession, de la république ou de l’hymne national, il se trouvait encore des têtes blanches égarées dans des meetings du PQ pour venir jaser du Pays et de plancher pelvien. Le parti s’étant posé comme une guimauve fondue à l’extrême centre de l’échiquier identitaire et agissant comme un assouplissant à lessive dans ce qui restait de l’étoffe du pays, quelles qu’aient pu être les questions d’actualité, sa capacité mobilisatrice voisinait celle des syndicats d’universitaires.


Ayant modelé l’ensemble de ses stratégies politiques sur les intrigues théâtrales de Marcel Gamache, la troupe de saltimbanques termina sa descente aux enfers en ayant finalement recours à l’humour fin de Claude Blanchard, un fédéraliste convaincu de l’époque de Gérard Vermette et des Habits St-Eustache. Ce n’était pas dans les circonstances un si mauvais choix lorsque l’on considère qu’Elisabeth Kübler-Ross n’eût jamais eu le temps de remettre à son éditeur son recueil des meilleures blagues de blondes ni sa collection de modèles d’origamis pour parkinsoniens.






1 Lisant l’avenir comme pas un, il rappelait « que le premier test de leadership est de savoir comment on réagit pendant les grands débats » (Vincent Marissal, « La machine Lisée », La Presse +, 1er novembre 2014).


2 Yannick Donahue, « “Je ne suis pas le chef de Québec solidaire” dit Gaétan Châteauneuf », ici.radio-canada.ca, 21 septembre 2018.


3 Plus comique encore qu’à l’occasion de ses analyses de la politique québécoise, Radio-Canada se surpassait lors des campagnes de mi-mandat aux élections américaines. Pour commenter le déroulement d’une partie de baseball, des Parisiens du VIe arrondissement ne pourraient mieux faire. Rafael Jacob avait l’air de descendre d’une auto-patrouille pour fourrer un ticket dans un windshield et Cuccioletta d’enseigner le français à Jean Chrétien.


4 Martin Croteau, « Lisée comprend l’indignation des proches de René Lévesque face à QS », La Presse.ca, 28 septembre 2018.


5 Front d’action populaire en réaménagement urbain.


6 Advenant l’augmentation du nombre des circonscriptions ravies aux anciennes formations politiques, la « respectabilité » gagnerait aussi vite QS qu’elle avait converti le PQ en Union nationale convulsive.


7 Comme le fait observer le philosophe Slavoj Zizek : « L’affirmation critique selon laquelle l’idéologie patriarcale continue d’être l’idéologie dominante d’aujourd’hui EST l’idéologie dominante d’aujourd’hui » (L’actualité du manifeste du parti communiste, Paris, Fayard, 2018, p. 29).


8 Au registre des écorcheurs de tympans, Christian Bégin ne manquait pas de recevoir la palme de l’enchifrené avec son lirage pseudo-communautaire et son maniérisme larmoyant : « C’est difficile d’être un homme québécois », « Il va encore faire froid cet hiver », « C’est dur le froid ici, hein ? », « On voudrait être ailleurs ». Snif, snif… Dans le genre des voix grimées pour la télé, il n’y eut d’aussi faux que la diction affectée du poète Michel Garneau et le rire exagérément populiste de Michel Chartrand. À Télé-Québec, on passait ensuite du débat d’idées au volet culturel avec des ingrédients locaux et un chœur gospel qui répétait en écho le nom de famille de l’invité : Couillard-Couillard, Therrien-Therrien, Hachey-Hachey. Involontairement vexatoire, c’était très concept ! À grand renfort de « vous savez que le monde vous aime beaucoup », Mitsou expliquait sa grande transition existentielle de shampouineuse à celle de femme d’affaires.


9 En réconciliant l’économie de marché et le salut des écosystèmes, il faudrait que les fâmeuses classes moyennes « conscientisées » fassent leur part en pâtissant des transports en commun de la bien nommée mairesse Plante. Régulièrement en retard, les autobus traversaient deux à la fois aux feux de circulation, n’attendaient aucun passager descendant de l’autre côté d’une rue ou encore le projetaient dans des départs canons ou des freinages brusques comme une balle de gin ou l’une des boules chanceuses de Loto-Québec que la regrettée Magdalena présentait aux parieurs libidineux de fin de soirée. Il ne fallait surtout pas confondre le 6 et le 9. Les seniors qui n’avaient pu trouver de Bixi à enfourcher avaient intérêt à trouver l’Absorbine junior en retournant à leur casemate.


10 Thomas Gerbet, « Longueuil va déverser des eaux usées dans le fleuve durant huit jours », ici.radio-canada.ca, 31 octobre 2018.


11 Patrick Sanfaçon, « Valérie Plante saute dans le fleuve à l’occasion du Grand Splash », La Presse.ca, 3 juillet 2018.


12 Les syndicats menaient déjà une guerre du remorquage pour s’arracher les cotisations des petits marchands de bonheur social. Inspiré par l’excellence morale, le président de la CSN en appelait, comme à son habitude, à l’importante responsabilité pédagogique des vendeurs de tisanes et de sarments. Voir Lia Lévesque, « Société québécoise du cannabis : les syndicats s’arrachent les travailleurs », Le Soleil, 8 novembre 2018.


13 Avec sa publicité et par ses boutiques, le gouvernement avait provoqué un engouement nouveau pour la substance en plus d’ajouter des points de vente à ceux que détenait déjà le monde interlope. Ce gâchis expérimental faisait du Canada un chef de file dans les techniques de trépanation chimique et les méthodes artisanales de réduction des têtes jivaros.


14 L’éducation était une priorité immédiatement après la santé, les places en CHSLD, les ponts, le transport en commun, Bombardier, la rémunération des médecins, l’importation du fromage transpacifique, la lutte contre le zona et la pneumonie à pneumocoque de même que la mammite chez la Holstein.


15 « Quand la corruption n’est pas dans les mœurs, on peut y remédier par de sages lois ; mais quand un faux esprit philosophique l’a naturalisée dans la morale et la législation, le mal est incurable, parce qu’il est dans le remède même » (Jean-Étienne-Marie Portalis, De l’usage et de l’abus de l’esprit philosophique durant le XVIIIe siècle, Paris, Dalloz, 2007, p. 404).


16 L’autodérision pouvait faire basculer à tout moment la magie militante bien que Catherine Dorion, qui comparait le troisième lien à une « ligne de coke », s’était cisaillé le toupet rappelant la jeunesse heureuse de la Poune, rue Craig.


17 Sarah Sanchez, « Les voitures ne peuvent plus traverser le mont Royal par la voie Camillien-Houde », ici.radio-canada.ca, 2 juin 2018.


18 « Jiminy Cricket est un personnage de fiction qui apparaît la première fois dans le dessin animé de Walt Disney Pinocchio, sorti en 1940. C’est un grillon habillé en costume et représentant la bonne conscience de Pinocchio » (« Jiminy Cricket », Wikipédia).


19 Capsule sonore d’absurdité chimiquement pure, la voix de comédienne ajoutait au théâtre de la dérision : si vous aviez affaire dans le Village, le métro Beaudry se refaisait une beauté. Voir Grenier aux nouvelles, « La voix officielle du métro depuis 15 ans en a marre », 23 octobre 2018.


20 « Tear down this tourniquet », comme le disait le président Reagan à Gorbatchev. Évidente, l’opération budgétaire n’en était pas simple pour autant. Les despotes éclairés qui avaient consenti au fil du temps des conditions de travail imbattables aux syndiqués des transports en commun se retrouveraient avec un couteau sous la gorge dans leur piège à cônes. Celui qui avait le meilleur salaire à bord du tombereau restait le chauffeur.


21 Gracchus Babeuf, Textes choisis, édités par Claude Mazauric, Paris, Éditions sociales, 1965.


22 Simon Boivin, « Un discours de “vieux mononcle cochon”, dit Massé », Le Soleil, 9 février 2017.


23 Les entrepreneurs de la CAQ butaient un après l’autre sur les mots « j’exercerais », présage accablant d’une impuissance qui n’avait pas résisté aux avancées de la pensée positive et à la formation par correspondance des prochains titulaires de portefeuilles. Le mot « exercer » paraissait aussi difficile à prononcer que de siffloter pour Roger Whittaker « Mon pays bleu » avec des biscuits soda dans la bouche.


24 Le Vanzetti de QS, Sol Zanetti affirmait : « Je trouve que c’est humiliant faire ça » (Geneviève Lajoie, « Québec solidaire veut abolir le serment d’allégeance à la reine », Le Journal de Québec, 16 octobre 2018).


25 « Les médecins spécialistes rassurés par le changement de ton de Legault », ici.radio-canada.ca, 3 octobre 2018.


26 « Le PQ promet “une petite révolution des lunchs” dans les écoles primaires », La Presse.ca, 22 août 2018. Sans oublier la promesse de diminution du prix des permis de pêche pour toute la jeunesse. Voir Stéphanie Martin, « Le PQ veut encourager la pêche et la chasse chez les jeunes », Huffington Post, 4 septembre 2018.