Le ministre du Développement durable, de l'Environnement et des Parcs, Pierre Arcand, donne quatre mois au Bureau d'audiences publiques sur l'environnement (BAPE) pour lui faire rapport sur le «développement durable de l'industrie» des gaz de schiste au Québec.
Le message est clair aux opposants de cette filière: le ministre précise explicitement dans sa lettre adressée au président du BAPE, Pierre Renaud, la «volonté du gouvernement de mettre en valeur, dans le respect du développement durable, de l'environnement et des communautés concernées [sic] les hydrocarbures présents sur son territoire».
Même si les objectifs techniques du mandat sont tous définis en rapport avec les gaz de schiste, le ministre situe néanmoins ce mandat dans la logique de développement des «hydrocarbures» par le gouvernement Charest, ce qui implique que le cadre élaboré par la commission pourrait servir au développement de tous les hydrocarbures, un élargissement substantiel du mandat.
Enfin, selon le ministre Arcand, le BAPE ne se limitera pas à proposer des «orientations» et un «encadrement légal et réglementaire» de l'exploration et de l'exploitation des gaz de schiste. Il englobera toutes les facettes touchant les «infrastructures de collecte du gaz naturel», ce qui englobe les oléoducs présentement gérés par la Loi sur la qualité de l'environnement et le «développement de cette industrie», ainsi que sa «cohabitation harmonieuse» avec le milieu où elle mettra les pieds.
La commission du BAPE, décrète aussi le ministre Arcand, tiendra ses audiences dans trois régions précises, soit la Montérégie, le Centre-du-Québec et Chaudière-Appalaches.
Ce mandat très serré porte à croire que la commission pourrait ne pas pouvoir tenir d'audiences dans les grandes villes comme Montréal et Québec, où on ne veut pas offrir de tribune aux grands groupes environnementaux pour plutôt s'en tenir aux enjeux locaux.
Le ministre demande aussi au BAPE de lui faire des suggestions pour bonifier la loi promise pour 2011 par le gouvernement Charest sur l'exploitation des hydrocarbures au Québec, ce que le ministre Arcand définit comme «l'engagement de légiférer du gouvernement».
Or, selon plusieurs sources, ce vocable pourrait masquer un enjeu politique encore plus important que l'implantation des projets gaziers sur la rive sud du Saint-Laurent.
En effet, l'industrie du gaz a reçu de Québec une oreille compatissante depuis quelque temps sur ce qui pourrait devenir la plus grande ponction opérée dans la Loi sur la qualité de l'environnement (LQE) depuis son adoption en 1972.
En effet, des lobbyistes ont présentement le mandat de convaincre Québec d'enlever de la LQE dans la future loi le pouvoir d'autorisation des projets, présentement détenu par le ministre de l'Environnement, pour le transférer à une agence placée sous l'autorité du ministère des Ressources naturelles et de la Faune (MRNF), un ministère qui fait la promotion des gaz de schiste sur la même longueur d'onde que les industriels.
Cette agence, que les lobbyistes proposent de mousser sous le vocable «guichet unique», permettrait de régler les irritants environnementaux entre spécialistes des hydrocarbures. L'éventuelle exploration des fonds marins du Saint-Laurent serait elle aussi soustraite à l'examen des gestionnaires environnementaux.
Dans les années 1980, le MRNF a réussi à soustraire la fermeture des mines à l'autorité du ministère de l'Environnement pour régler ça entre gens du milieu. Le MRNF consulte régulièrement les gestionnaires de l'Environnement sur les modalités de fermeture, mais ne tient souvent pas compte de ses recommandations.
Quant au ministre Arcand, il demande aussi à la commission d'enquête du BAPE de «s'adjoindre des experts scientifiques qui évalueront tout enjeu relié au présent mandat». Mais le ministre ne précise pas ce qui adviendra si les experts en question exigent plus de temps pour aller au fond des choses, que lui-même n'en accorde au BAPE ou si le public pourra contre-expertiser ces experts et bénéficiera de ses avis avant de rédiger ses mémoires. Le ministre ne précise pas non plus si le BAPE pourra bénéficier des fonds du BAPE pour développer sa contre-expertise, comme c'est la règle dans d'autres organismes comme la Régie de l'énergie.
Pour un mandat de cette importance, le ministre Arcand limite à quatre mois le mandat du BAPE, lequel devra donc faire rapport le 4 février.
De son côté, le président du BAPE, Pierre Renaud, annonçait hier qu'il confiait la présidence de cette commission au professeur de sciences économiques de l'UQAM Pierre Fortin, qui sera secondé par les commissaires Michel Germain, Jacques Locat et Nicole Trudeau.
Le président du BAPE a aussi indiqué que les «modalités de l'enquête et de l'audience» seront annoncées dès qu'elles seront arrêtées. La documentation que les analystes du BAPE pourront réunir apparaîtra sur le site du BAPE, mais cet organisme ne précise pas si l'audience sera retransmise sur les chaînes communautaires ou sur la chaîne de l'Assemblée nationale, comme cela a été le cas dans le passé pour des audiences majeures. Le communiqué du BAPE ne précise pas non plus s'il y aura une audience préliminaire pour définir les enjeux que le public veut aborder et éclairée par des études avant d'en venir à l'étape des mémoires.
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