Québec permet le mariage sans les obligations

Il n’y a pas nécessairement de conséquences juridiques à un mariage religieux, dit la procureure générale

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Le gouvernement Couillard sabote les institutions !

S’unir devant Dieu ne veut pas nécessairement dire être mariés aux yeux de l’État : c’est du moins l’interprétation étonnante que Québec a faite de son droit de la famille dans une cause récente qui sera portée en appel ce lundi. L’affaire sidère celui que le gouvernement a chargé de la réforme du Code de la famille.

« On n’a jamais interprété le droit comme ça au Québec, jamais ! s’exclame Alain Roy, président du Comité consultatif sur le droit de la famille. C’est un jugement très étonnant, mais encore plus quand on pense qu’il donne raison à un argumentaire plaidé par la procureure générale. »

Près d’un mois après un jugement rendu par la juge de la Cour supérieure Christiane Alary, le professeur de droit à l’Université de Montréal n’en revient toujours pas : l’État a plaidé avec succès le fait que les « ministres du culte peuvent célébrer des mariages à portée uniquement religieuse ».

L’avocate du plaignant dans ce dossier, Marie-Laurence Brunet, reste elle aussi très surprise de la position adoptée par Québec. « La jurisprudence ne semble pas soutenir cette prétention-là, confiait-elle dimanche. Il a toujours été clair qu’il y a une obligation de déclarer tous les mariages à l’état civil. Québec vient de changer son fusil d’épaule, sans justification. »

Contrairement à la croyance populaire — et à la compréhension des juristes, de même qu’à celle de l’Église catholique —, se marier religieusement n’entraînerait donc pas « nécessairement des conséquences civiles ». Celles-ci incluent normalement le partage des biens à la fin du mariage et la possibilité de demander une pension alimentaire à l’autre époux.

La juge a estimé que « dans la mesure où des conjoints font appel à un ministre du culte pour célébrer un mariage uniquement religieux, le Tribunal ne voit pas pourquoi ce ministre devrait faire parvenir au Directeur de l’état civil la déclaration de mariage ». Dans de tels cas, « bien que les époux soient mariés religieusement, les autorités civiles ne leur reconnaissent tout simplement pas le statut de gens mariés ».

La juge Alary note bien que l’article 118 du Code civil indique que « la déclaration de mariage est faite sans délai au Directeur de l’état civil par celui qui célèbre le mariage ». Mais de l’avis du Tribunal, « le Code habilite, sans obliger, les ministres du culte à célébrer des unions qui sont à la fois religieuses et civiles ».

Résultat : il serait donc possible d’être marié religieusement avec une personne qui demeurerait un simple conjoint de fait aux yeux de l’état civil.

Droit de la famille : Québec doit agir, plaide Véronique Hivon

Le dossier de la portée juridique du mariage religieux et le débat récent entourant les mères porteuses montrent que le droit de la famille est mûr pour une réforme en profondeur, estime la députée péquiste Véronique Hivon. La porte-parole en matière de Justice plaide ainsi pour que Québec mène une large consultation autour du rapport du Comité consultatif présidé par Alain Roy, déposé en juin, mais resté sans suite.

Les jugements récents des tribunaux montrent que le Code de la famille actuel est au bout de sa durée de vie, pense-t-elle. « Ce sont des enjeux qui touchent tout le monde, a-t-elle indiqué au Devoir. Il faut se donner toutes les chances de faire ce débat sereinement et de développer les consensus nécessaires, comme on l’a fait pour l’aide à mourir. » Québec n’a toujours pas indiqué quel type de consultation il entend mener, ni quand.


Conséquences importantes

Le jugement Alary pourrait avoir un « impact social extrêmement important, soutient Alain Roy. Il risque d’y avoir des gens lésés dans le futur. Il n’y a pas d’infrastructure pour soutenir l’interprétation du gouvernement et de la juge. »

M. Roy poursuit : « Si le couple se marie devant un ministre du culte, est-ce que le ministre du culte doit envoyer la déclaration de mariage au directeur de l’état civil par défaut ? Ou le contraire ? En toutes circonstances, comment s’assurer de la qualité des consentements ? Comment croire que les conjoints seront tous les deux conscients des conséquences juridiques liées à l’absence de transmission de la déclaration de mariage au directeur de l’état civil ? »

Selon lui, c’est comme si Québec « n’avait pas pensé aux dangers suivant une plaidoirie comme ça ». Il s’explique mal que les « groupes de femmes n’aient pas réagi » depuis que le jugement a fait l’objet d’un reportage (qui ne mentionnait pas que c’est la position de Québec que la juge a avalisée).

D’une certaine façon, le jugement touche la question du droit de retrait (opting out) des obligations liées au mariage. Au Québec, il est impossible depuis 1989 de s’exclure des règles du patrimoine familial avant un divorce. Cette protection avait été revendiquée comme une grande victoire du mouvement féministe.

Dans son volumineux rapport remis à Québec en juin dernier, le comité d’experts présidé par Alain Roy recommandait de réintroduire un droit de retrait pour permettre des mariages sans les effets juridiques assortis. Mais pour assurer l’intégrité des consentements, le comité prévoyait un cadre légal important (notamment l’établissement d’un contrat de mariage notarié).

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