Richard Henry Bain est de retour à la cour vendredi, où il demandera la même peine que celle infligée au caporal Lortie, l’auteur de la tuerie à l'Assemblée nationale du Québec en 1984.
À défaut d’avoir été déclaré non criminellement responsable, Bain, qui a fêté ses 66 ans en prison hier, espère obtenir la peine minimale pour la fusillade mortelle de la soirée électorale, le 4 septembre 2012.
Ce soir-là, il s’était présenté armé jusqu’aux dents au Métropolis, là où le Parti québécois et Pauline Marois célébraient leur victoire. Il avait tiré un seul coup avant que son arme s’enraye, mais le tir avait été fatal pour Denis Blanchette, un technicien de scène. Son collègue Dave Courage avait quant à lui été blessé.
«Les Anglais se réveillent», avait crié Bain lors de sa rapide arrestation.
Le procès devant jury, qui avait duré tout l’été, s’était soldé par sa culpabilité pour meurtre au deuxième degré, tout comme Denis Lortie. Et à l’image de ce dernier, il demandera la plus basse peine possible, soit la prison à vie sans possibilité de libération avant 10 ans.
Cas similaires
Son avocat, Me Alan Guttman, pourrait donc brandir le cas de Lortie lors des représentations sur sentence vendredi au palais de justice de Montréal.
Les deux crimes ont une dimension politique similaire. Bain a tué un homme et tenté d’en tuer plusieurs autres, tandis que la fusillade de Lortie s’est soldée par trois décès et 13 blessés.
Mais avant de faire valoir ses arguments, Bain devra écouter la preuve de la Couronne, qui demandera assurément une peine sévère se rapprochant du maximum permis par la loi, c’est-à-dire la prison à vie sans possibilité de libération avant 25 ans.
«J’espère que le verdict aidera le pays et la province à tourner la page de ce triste chapitre dans notre histoire», avait lancé Me Dennis Galiatsatos après l’annonce de la culpabilité du meurtrier.
Plusieurs témoins pourraient d’ailleurs être entendus vendredi, dont Dave Courage. Des lettres, expliquant l’impact du crime de Bain, pourraient aussi être lues au juge Guy Cournoyer de la Cour supérieure du Québec.
Les audiences sont prévues pour durer toute la journée.
Une carrière détruite par Richard Henry Bain
Une des victimes de Richard Henry Bain a dû mettre un terme à 15 ans de carrière à cause de la fusillade mortelle de la soirée électorale.
«J'ai vécu de l'insomnie, des cauchemars, une colère enivrantes, a lancé Gaël Ghiringhelli ce vendredi aux représentations sur la peine à infliger au meurtrier. Je me sens indigne d'avoir été épargné».
M. Ghiringhelli était au première loge lors de l'attaque au Métropolis, le 4 septembre 2012. C'est lui qui a transporté Dave Courage à l'intérieur de l'édifice après que ce dernier ait été blessé par le meurtrier de 66 ans.
«Le miracle, c'est que l'arme s'est enrayée», a-t-il expliqué.
Pendant quatre ans, il dit avoir eu une «soif immense de réponses» afin de comprendre pourquoi Bain avait commis un tel geste.
Et de voir les envolées de Bain lors de ses passages à la cour l'ont fortement affecté, lui qui n'a pas eu de soutien
«Imaginez c'est quoi de retourner travailler au Métropolis, de rentrer chez soi sans soutien, sans réconfort, puis se réveiller le lendemain et recommencer», a dit M. Ghiringhelli à la cour.
Il a donc assisté au procès, quitte à mettre sa carrière de côté.
M. Ghiringhelli a conclu son témoignage en rappelant que la victime décédée, Denis Blanchette, avait une fille qui n'a maintenant plus de père.
«Le lien entre le défunt et sa fille est plus sacré que l'acte (commis par Bain), une arme à feu ne sera jamais le moyen de passer un message d'amour», a-t-il conclu.
La mort d'un mentor
Le meurtre de Denis Blanchette par Richard Henry Bain a eu de graves conséquences pour un technicien qui qualifiait le défunt de mentor.
«Denis, c'est celui qui m'a appris le métier à moi, un ex-marginal, j'avais réussi un cheminement, j'étais sur la bonne voie», a lancé Jonathan Dubé à la cour ce vendredi.
Mais depuis, tout s'est effondré pour le témoin, qui n'a pas hésité à qualifier Bain «d'assassin, de meurtrier» qui était en «croisade terroriste personnelle».
«Le départ brutal de Denis a laissé un trop grand vide», a-t-il émotivement lancé. M. Dubé y est aussi allé d'une critique de Bain, qui est un chrétien né à nouveau (born again).
«Ton dieu est amour et religion», a lancé M. Dubé .Il a aussi lancé une pointe au système, qui ne lui a pas apporté de soutien contrairement à Bain en prison.
Une lettre au nom de son frère
«Vous m’avez privé de la joie d’être père, ici il n’y a pas de haine», a lancé Diane Blanchette, la sœur de Denis Blanchette, au nom de son frère.
Visiblement encore sous le choc du meurtre survenu il y a quatre ans, la femme a lu une lettre pour faire passer le message du technicien de scène tué par Richard Henry Bain.
«Je suis parti sans un au revoir, vous m’avez privé du privilège de jouer avec ma fille, vous m’avez privé de mon droit de vivre», a-t-elle ajouté.
Juste avant, une autre victime a témoigné, en demandant ouvertement pourquoi, de son point de vue, la dimension politique de l’affaire a été écartée. François Blouin a ensuite expliqué que l’impact du crime sur sa vie avait été surtout d’ordre psychologique.
«J’essaye de vivre avec toutes les conséquences», a également témoigné une autre victime, Hakim El-Harrif. Ce témoin a expliqué qu’il voit maintenant des psychologues pour l’aider à passer au travers du traumatisme d’avoir assisté à la mort de M. Blanchette, et qu’il espérait pouvoir un jour ravoir la vie qu’il avait avant le drame
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