Sacrifices à l'horizon

Des «décisions difficiles» dès le budget - La santé et l'éducation seraient épargnées

Budget de MJF - mars 2009

Québec -- Le gouvernement du Québec devra prendre «dès le prochain budget [à être déposé le 19 mars] des décisions difficiles», a averti hier Jean Charest, dans son quatrième discours d'ouverture depuis 2003.
Des compressions importantes sont à prévoir dans tous les domaines sauf les deux principaux «services aux citoyens, au premier chef la santé et l'éducation». Malgré ces efforts, le budget sera «déficitaire», a admis M. Charest au Salon bleu, dans un discours d'une cinquantaine de minutes.
La «tempête économique» dont parlait le chef libéral lors du déclenchement de la dernière campagne s'est, depuis l'automne, «aggravée», a-t-il constaté. Et elle «secoue le monde entier, incluant le Québec», lequel n'a manifestement pas réussi à être le «village gaulois» que le premier ministre promettait de constituer durant la campagne électorale. «Le défi québécois, c'est [...] être les Gaulois de l'économie nord-américaine. Résister à la période de ralentissement», avait-il dit. Au contraire, admettait-il hier, «nous sommes entraînés dans cette tempête. Par effet domino, nous voyons une réduction de la production, de l'emploi, des profits et des impôts, qui se répercute jusque dans les revenus de l'État.»
Malgré la pire performance économique du Canada en 18 ans, Jean Charest a souligné qu'il y avait une «exception canadienne», dans laquelle le Québec «figure bien». C'est entre autres parce qu'il s'était donné une «longueur d'avance». «Pendant que plusieurs gouvernements du monde cherchent encore comment et combien investir dans les infrastructures pour soutenir leur économie, ici les chantiers sont ouverts et créent de l'emploi dans toutes les régions du Québec», a soutenu M. Charest. La chef de l'opposition, Pauline Marois, qui n'a vu «que du réchauffé» dans le discours d'ouverture, a répliqué que les libéraux «ont pris les décisions sur les infrastructures à la suite de l'événement malheureux qui est survenu sur un pont à Laval», en septembre 2006.

Discours inaugural - 10 mars 2009



Mais Jean Charest a dit vouloir aller «plus loin». Il a promis d'investir «dans notre économie comme jamais aucun gouvernement ne l'a fait» un montant «record» de 13,9 milliards de dollars. Selon lui, les investissements en infrastructures et en énergie fourniront du travail «à plus de 100 000 Québécois». Le même montant sera investi l'an prochain. Les projets concernés sont le Quartier des spectacles et le «Super PEPS» (une mention qui a suscité l'hilarité dans les banquettes des partis d'opposition, car selon eux, ce projet a été annoncé «quatre fois»). M. Charest a aussi rappelé les investissements hydroélectriques, notamment La Romaine, «un des plus gros chantiers du monde».
Changement de cap
Cette foi dans les dépenses étatiques marque une rupture avec le premier discours inaugural de Jean Charest du 4 juin 2003. Il y avait alors condamné «l'interventionnisme» comme une «stratégie de développement économique ruineuse et inefficace». «L'avenir économique du Québec, disait-il, ce n'est pas l'interventionnisme, c'est l'entrepreneuriat». Le chef libéral s'est-il converti à l'intervention de l'État? Dans son entourage hier, on soulignait que le contexte a totalement changé depuis: celui où le pays «le plus capitaliste», les États-Unis, a à toute fin utile «nationalisé des banques».
Jean Charest a du reste prononcé le mot «révolution», hier. À ses yeux, les crises économique et écologique «sont liées autant dans leurs causes que dans leurs solutions. J'ai la profonde conviction que cette double crise déclenchera la véritable révolution du développement durable. Un monde meilleur en émergera, et le Québec y contribuera».
Cette partie du discours d'ouverture a d'ailleurs ravi l'unique député de Québec solidaire, Amir Khadir. «Ça m'a beaucoup, beaucoup réjoui», a lancé ce dernier, en précisant toutefois que le reste du texte «n'était pas à l'avenant». Il était même contradictoire selon lui puisque le premier ministre misait sur le développement hydroélectrique, qui ne produit pas, au dire de QS, de l'énergie véritablement «renouvelable».
Surprenante politique pour les étudiants étrangers
Abordant ensuite les problèmes démographiques du Québec, le premier ministre a annoncé une nouvelle politique visant la rétention des étudiants étrangers. Actuellement, 22 000 de ceux-ci viennent au Québec, mais «il en repart presque autant. À peine un sur dix reste au Québec» a déploré M. Charest. Par conséquent, il a annoncé que «désormais, un étudiant étranger obtenant son diplôme ici se verra offrir un certificat de sélection pour immigrer au Québec». L'objectif: tripler chaque année le nombre d'étudiants faisant le choix de rester au Québec.
Ce projet a été qualifié de «très, très surprenant» par Stéphane Reichhold, joint par le Devoir hier. Selon ce directeur de la Table de concertation des organismes au service des personnes réfugiées et immigrantes, une telle mesure viendrait «contrecarrer tout le système d'immigration» basé sur une formule de pointage où la langue, l'âge, l'expérience de vie, etc. comptent. «Je ne sais pas s'il a lancé ça comme ça. Est-ce que le Canada sera d'accord?», a dit M. Reichhold.
Vantant l'effet de la politique des congés parentaux sur la démographie, M. Charest a cité un article de The Economist du 8 janvier 2009. La revue britannique, a-t-il souligné, qualifiait ce programme du «plus généreux en Amérique du Nord». On pouvait toutefois y lire aussi qu'à la faveur de la crise économique, le premier ministre québécois «sera peut-être tenté de comprimer ces dépenses dans les garderies et les congés parentaux. Ces deux programmes contribuent à faire du Québec l'endroit le plus taxé et le plus endetté en Amérique du Nord».
Un titre à propos duquel M. Charest disait, en 2003: «Dans cinq ans, les Québécois ne seront plus les citoyens les plus taxés du continent. Le Québec aura une croissance durable; elle s'appuiera sur ses forces réelles et non sur un interventionnisme d'une autre époque.»


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