Soupçons de profilage politique envers José Bové

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La tentation de l'État policier

Le refus de l’entrée au pays, plus tard révoqué, du député au Parlement européen et militant écologiste José Bové soulève la question du « profilage politique » aux frontières canadiennes. Les organisations qui ont invité M. Bové se demandent maintenant si ce curieux volte-face de l’Agence des services frontaliers du Canada (ASFC) a à voir avec la visite à Montréal du premier ministre français, Manuel Valls, prévue jeudi.

José Bové a finalement été accepté au pays mercredi. Le « revirement de situation » dans son dossier lui laisse désormais le droit de rester de ce côté-ci de l’Atlantique pour une durée de sept jours, moyennant des frais administratifs de 200 $. Comble de l’ironie, M. Bové a appris la nouvelle au moment de sa conférence de presse, dans laquelle il accusait le gouvernement de Justin Trudeau de vouloir le museler à cause de son opposition au traité de libre-échange entre le Canada et l’Union européenne.

Une année de refus


Le député européen, qui est aussi éleveur de brebis et fromager, croit que des raisons politiques ont justifié son rejet du pays. « Nous sommes à quelques semaines d’une ratification, ou pas, de l’Accord [économique et commercial global (AECG) entre le Canada et l’Union européenne], et le Parlement européen est partie prenante puisqu’il doit le voter. Eh bien, voilà qu’un de ses membres […] n’a pas le droit de se rendre dans le pays avec lequel on doit normalement avoir un accord. J’ai envie de poser la question à M. Trudeau : “Quelle mouche vous a piqué ?” »

Les responsables des organismes qui ont invité M. Bové au pays s’expliquent mal que l’eurodéputé soit traité de la sorte. Nathalie Guay, responsable des relations internationales à la Confédération des syndicats nationaux (CSN), fait un rapprochement avec le dossier du rejet de visas de délégués altermondialistes au moment du Forum social mondial (FSM), en août. La CSN a dénombré environ 500 participants qui n’ont pu participer au forum puisque butés à un rejet de leur visa par Ottawa. « Quand on voit ce qu’on demande aux gens qui viennent, on voit que le Canada a peur que les pauvres s’installent ici, et peur des gens qui viennent poser des questions dérangeantes. » À son avis, cela constitue du profilage politique.

« Même Marine Le Pen est venue au Québec, mais on ne veut pas que des critiques de l’accord de libre-échange viennent au Canada », s’insurge Sujata Dey, du Conseil des Canadiens. Pierre-Yves Serinet, du Réseau québécois sur l’intégration continentale (RQIC), croit que la notoriété de son invité a posé problème. « C’est quelqu’un de connu, une voix critique, qui vient alors que nous [les opposants à l’AECG] n’avons pas réussi à percer le débat public au Québec. »

Refusé pour des actions militantes


À son arrivée au Canada, mardi, José Bové a été retenu au bureau d’immigration de l’aéroport, où on lui a offert des explications sur le refus de sa demande de séjour au pays. Officiellement, deux condamnations criminelles en France ont posé problème, soit la destruction d’un champ de plantes génétiquement modifiées en 2008 et le saccage d’un restaurant McDonald’s en 1999. Les agents canadiens lui auraient admis avoir pris cette décision en fonction d’informations trouvées grâce à Google et Wikipédia.

Selon José Bové, bien d’autres actions auraient pu lui être reprochées, puisqu’il agit toujours à visage découvert. « On me reproche des actions syndicales et citoyennes qui ont permis de gagner des batailles très importantes au niveau de l’Europe », se justifie-t-il. Sur le site de l’ASFC, on note que la sécurité, la criminalité et les activités de criminalité organisée sont des motifs qui justifient l’interdiction de séjour au Canada.

Après la confiscation de son passeport, les autorités ont laissé M. Bové quitter l’aéroport, sous promesse de revenir mercredi et de prendre le premier vol d’Air France pour retourner à Paris.

Pas d’ingérence, selon le ministre


Au bureau du ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale, on nie toute ingérence dans le dossier. « Il n’y a eu aucune consigne. Il s’agit d’une décision opérationnelle », affirme Dan Brien, responsable des communications du ministre. Du côté opérationnel, l’Agence des services frontaliers du Canada refuse de commenter tout dossier en particulier, mais ne voit rien d’anormal à revenir sur une décision. « Le ministre d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) peut autoriser un permis de séjour temporaire si la nécessité d’entrer ou de séjourner au Canada l’emporte sur les risques liés à la santé ou à la sécurité pour la société canadienne », précise l’Agence dans un courriel.
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