Souvenirs de Camil Samson

Chronique de Louis Lapointe

Des extraits de quelques-uns de mes billets pour souligner le décès de Camil Samson.

«Notre père, un gérant de caisse populaire, s’est fait battre aux élections de 1970 par Camil Samson. Nous qui l’aimions aveuglément – c’était notre idole - n’avons pas compris qu’un clown sans étude puisse battre notre père, un homme dévoué et instruit. Il est vrai qu’à l’époque, nous n’avions pas encore cette intelligence populaire qui permet au commun des mortels de comprendre des choses fort simples.

Mais j’ai fini par comprendre. Ce n’est pas le plus intelligent qui gagne la faveur de l’électorat, c’est le plus habile. Celui qui parle la langue du peuple. Une leçon que m’a donnée un vieux routier de la politique alors que j’étais directeur du centre universitaire de Val-d’Or. Deux ou trois farces pour réchauffer l’atmosphère, on écoute les réactions, on décode, puis on essaie d’adopter le même niveau de langage.
C’est grâce à cette longue expérience chez les créditistes que je suis devenu un des rares observateurs à avoir prédit dès 2006* la montée de l’ADQ survenue l’année suivante, en 2007. Je me souviens encore de ces conversations où on me prenait pour un illuminé alors que l’ADQ récoltait moins de 10% de la faveur populaire.» Le 16 septembre 2009, Le mystère de l'ADQ

***

«Lors de la campagne électorale provinciale de 1973, mon père, qui avait été candidat du PQ en 1970, nous avait incités, mon frère et moi, à aller voir le grand ralliement des créditistes dans le sous-sol d’une église de Rouyn-Noranda. Camil Samson et Réal Caouette étaient sur la même scène devant une foule de créditistes où on pouvait très facilement remarquer les bérets blancs qui s’y démarquaient grâce à leur accoutrement. Il nous avait alors dit que nous ne reverrions plus jamais de semblables événements avec des foules aussi nombreuses et bigarrées, insistant sur le fait que nous assistions à la fin d’une époque.

Il avait raison, quelques années plus tard, en décembre 1976, Réal Caouette décédait des conséquences de son diabète devenu légendaire à Rouyn-Noranda. Un compagnon de classe qui était le neveu du chef créditiste, nous avait raconté que son oncle avait toujours des petits carrés de sucre dans ses poches de veston. Nous avions également appris qu’il adorait prendre un petit coup et faire de la motoneige au lac Dufault, là où il avait son chalet. Nous doutions même du fait qu’il ait pu avoir de nombreuses maîtresses, en tout cas, c’est ce que les rumeurs disaient. Sa vie privée était publique, il était humain, voilà pourquoi ses électeurs l’aimaient tant et qu’il attirait des foules aussi nombreuses. Depuis le jour de sa mort, nous n’avons plus jamais revu ce genre de rassemblement.

Comme pour bien marquer que cette époque était bel et bien révolue, son ancienne organisatrice en chef, un personnage haut en couleur, est décédée au cours de l’automne qui s’achève où nous avons pu assister à deux campagnes électorales consécutives. Mme Lord était passée maître dans l’art de lancer les rumeurs les plus saugrenues. Ainsi, nous avions appris à l’occasion des événements d’octobre 1970, que notre père, alors gérant de la Caisse populaire, avait le sang dans les mains. Une métaphore reprise par Réal Caouette dans son émission du dimanche soir à la télévision de Radio-Nord où il avait comparé les péquistes aux felquistes sanguinaires. Même si ça faisait sourire notre père, nous trouvions ça beaucoup moins drôle que lui lorsque nos camarades de classe s’amusaient à nous répéter ces inepties. Je me souviens très bien avoir été suspendu par les pieds du haut d’une fenêtre du deuxième étage de l’école par ces mêmes camarades qui m’incitaient alors à abjurer ma foi indépendantiste et à renier mon père. Ce que je n’ai jamais fait, prolongeant ainsi ce supplice qui m’avait alors semblé durer une éternité. Cette image est demeurée fortement imprimée dans ma mémoire.» Le 9 décembre 2008, La fin d'une époque

***

«Des enfantillages vous direz. Mais étant de loin le plus jeune de ma classe de 9e (syntaxe), pouvant difficilement me défendre parce que j’étais aussi le plus petit, cela a certainement contribué à forger mon caractère. Je m’étais aussitôt identifié aux 400 personnes qui avaient été injustement traitées et emprisonnées par les forces de l’ordre à la suite de l’adoption par le gouvernement fédéral de la Loi des mesures de guerre, les plus nombreuses victimes d’Octobre 70. Plus jamais l’injustice du fait de mes opinions m’étais-je alors dit, j’avais 12 ans !»
Le 3 octobre 2010, Souvenirs d'octobre 1970

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L'auteur a été avocat, chroniqueur, directeur de l'École du Barreau, cadre universitaire, administrateur d'un établissement du réseau de la santé et des services sociaux et administrateur de fondation.





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2 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    21 décembre 2012

    Mon cher Lapointe.
    Je trouve fort intéressant ce genre de souvenirs politiques autobiographiques.
    J'en ai pourtant une plate pour vous. La voici. Ce n'est pas nécessairement le plus intelligent, le plus instruit, le plus compétent qui gagne une élection. C'est celui (ou celle) qui a le plus de votes.
    Voilà pourquoi tant que les candidats de QS ou de ON seront sur les bulletins de vote pour faire concurrence au PQ, je les considèrerai comme des adversaires.
    A Denis Julien
    Heureux de vous retrouver ici. Vos conclusions sont excessives. Je vais faire une comparaison qui va vous faire plaisir. René Lévesque a été battu deux fois comme candidat du PQ avant de déménager dans Taillon. Il avait compris et accepté le fait que les immigrants de Laurier qui avaient voté pour lui comme Libéral ne voteraient jamais pour lui comme souverainiste. Avant de tirer des conclusions défaitistes, il faut faire de l'analyse politique comme par exemple de voir que dans Nicolet-Bécancour, il y a eu une lutte à quatre. Rappelons les résultats:
    CAQ: 9745 votes; 32.01%
    ON: 7869 votes; 25.85%
    PLQ: 6840 votes; 22,47%
    PQ: 5644 votes; 18.54%
    Il y a là matière à réflexion plus qu'à indignation. A mon humble avis.
    Robert Barberis-Gervais, 21 décembre 2011

  • Archives de Vigile Répondre

    19 décembre 2012

    Jean-Martin Aussant s'est fait battre dans Nicolet par un entraîneur de bizeball alors moi la démocratie, c'est le gouvernement des crétins, par les crétins et pour les crétins. Je regrette mais j'en suis rendu là!