Statistique Canada s’est trompée dans ses chiffres sur l’emploi

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Un autre signe de la dislocation du régime fédéral

Statistique Canada admet s’être trompée dans ses chiffres sur l’emploi au pays de la semaine dernière, qui avaient surpris et déçu tout le monde, et en promet une version corrigée pour vendredi.

Événement tout à fait extraordinaire, l’agence fédérale a annoncé mardi, par communiqué, qu’une « erreur a été détectée » dans les statistiques qu’elle a publiées vendredi dernier sur son Enquête sur la population active.
« Cette erreur a une incidence sur les estimations de juillet 2014 uniquement,a-t-elle précisé. La source de l’erreur a été identifiée et des estimations corrigées seront diffusées le vendredi 15 août. »

C’est un analyste à l’agence qui a été le premier à remarquer une anomalie dans ces chiffres, suivis de très près aussi bien par les experts que par les décideurs politiques et les acteurs économiques, a expliqué en entretien téléphonique au Devoir Sylvie Michaud, directrice générale des statistiques sur le travail, l’éducation et le revenu à Statistique Canada.

L’erreur se serait glissée lors de l’une des nombreuses étapes du traitement des données recueillies chaque mois auprès d’échantillons d’entreprises et de ménages.

De telles bourdes sont rarissimes à l’agence fédérale, qui se fait une fierté d’être une référence mondiale en matière de rigueur, a souligné la statisticienne, manifestement consternée.

« Nous appliquons tout un processus de vérifications. Il nous arrive parfois de devoir apporter certaines corrections, mais rien de cette ampleur sur une enquête comme celle-là. »

« Statistique Canada prend cette situation très au sérieux et entreprend immédiatement un examen des processus de vérification des données actuellement en place », s’est d’ailleurs empressée d’annoncer l’agence.

Les conclusions de cette enquête interne seront rendues publiques dès qu’elles seront connues, mais on se dit déjà en mesure d’affirmer que « cette situation n’a aucune incidence sur les autres programmes statistiques ».

Un plus beau portrait en juillet au Québec?

Les données sur l’emploi, dévoilées vendredi par Statistique Canada pour le mois de juillet, avaient surpris et déçu bien des observateurs.

La majorité des analystes avaient prédit la création d’environ 20 000 emplois à l’échelle du pays et on annonçait plutôt la perte 59 700 emplois à temps plein et la création de 60 000 emplois à temps partiel pour un modeste gain net de 200 petits emplois.

Le portrait se révélait particulièrement décevant pour le Québec, où il était question de la perte de 34 200 postes à temps plein, compensés partiellement seulement par la création de 20 800 postes à temps partiel, pour une perte nette de 13 400 emplois.

Le dollar canadien s’est tout de suite sensiblement apprécié, après l’annonce par Statistique Canada de son erreur, indiquant que les marchés s’attendent maintenant à une correction à la hausse de ces chiffres décevants.

« Espérons que le portrait pour le Québec sera plus positif dans la version corrigée des chiffres de Statistique Canada »,a observé l’économiste et stratège en chef à la Banque Nationale, Stéphane Marion.

L’image du secteur de la construction pourrait aussi profiter de l’exercice de révision puisqu’on y parlait de la perte de plus de 40 000 emplois en juillet, alors que l’on sait qu’il s’est entrepris 200 000 nouvelles mises en chantier ce mois-là.

Prenons garde de présumer de la nature et de l’ampleur des corrections de Statistique Canada, a prévenu Sébastien Lavoie, économiste en chef adjoint à la Banque Laurentienne.

« S’il n’était question que de changements mineurs, on ne se serait probablement pas donné la peine de republier un rapport complet, mais l’erreur porte peut-être seulement sur une province ou un secteur en particulier. On ne peut pas savoir. Il faut attendre. »

L’économiste fait remarquer en passant que le marché de l’emploi s’est révélé extrêmement volatil ces derniers temps, au Canada comme aux États-Unis. Cela ne rend pas la vie des statisticiens facile.

Des changements à Statistique Canada ?

Stéphane Marion se demande quand même pourquoi Statistique Canada a besoin de tant de temps pour arriver à une version corrigée de ses chiffres. Il note au passage que l’agence n’est pas habituée à réviser ses mesures, contrairement à ses homologues américains, qui préfèrent dévoiler plus rapidement certaines données, notamment sur l’emploi, quitte à en faire des versions révisées à mesure que le portrait se précise. « Je crois qu’on gagnerait à s’inspirer un peu plus d’une telle approche. »

Habituellement loin de la controverse, Statistique Canada s’est retrouvée sous les feux de la rampe avec l’abolition par le gouvernement conservateur du formulaire long obligatoire du recensement et les compressions budgétaires dont elle a fait l’objet. Les données sur l’emploi ne sont toutefois pas tirées du recensement, et l’économiste de la Banque Nationale doute que l’erreur de la semaine dernière soit la conséquence des compressions. « Ces compressions les forcent sans doute à faire des choix très difficiles, mais je suis convaincu qu’ils sont conscients de l’importance capitale que revêtent ces données pour les marchés financiers, et je serais très, très étonné qu’on y ait coupé des ressources. »


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