Stephen Smith, journaliste et écrivain, spécialiste de l’Afrique était l'invité de Bourdin Direct ce jeudi. Pour lui, les États européens vont devoir négocier entre eux pour faire face à la forte pression migratoire en provenance de l'Afrique ces prochaines décennies.
"Jusqu'en 2050, on sait que l'Europe va s'africaniser, les jeunes sont là, ils sont déjà nés, il n'y a rien à faire". Ces propos sont de Stephen Smith, journaliste et écrivain, spécialiste de l’Afrique, qui vient de publier "La ruée vers l'Europe: la jeune Afrique en route pour le vieux continent" (éd. Grasset). "Je dis ça sans affolement, tempère-t-il ce jeudi dans Bourdin Direct. Quand vous avez un voisin qui en 2050 sera 5 fois plus nombreux que toute l'Europe comprise, il y a une pression migratoire qui est très forte et il faut s'arranger entre voisins (européens), il faut négocier". Face à cet afflux à venir, Stephen Smith explique: "Il faut prendre la mesure du réel d'abord. Puis il faut des négociations entre l'Europe et l'Afrique pour éviter notamment que ses forces vives quittent le continent".
"L'Afrique ne fait que reproduire des scenarii qui ont eu lieu en Europe"
"Tant que l'Afrique croit à ce rythme, c'est impossible (de juguler). Tous les progrès sont noyés par la progression démographique. Il faut à un moment maitriser cette croissance démographique. C'est un problème de long terme qui se jouera sur les deux générations à venir, pas avant 2050", explique le journaliste. Qui rappelle : "Toutes les régions du monde ont migré. En Europe il y avait 300 millions d'habitants et 60 millions en sont partis, dont 40 millions vers les Etats-Unis. L'Afrique ne fait que reproduire des scenarii qui ont eu lieu en Europe et en Amérique latine. Et il est évident que l'Europe va faire face à une migration très forte depuis l'Afrique, c'est inévitable".
Stephen Smith estime que ce n'est pas multipliant les aides au développement vers les pays africains que la situation s'améliorera. "Non, ce n'est certainement pas la solution. D'ailleurs c'est une imposture. Nous allons développer un continent d'1,3 milliards, soit l'équivalent de la Chine. Et tous ceux qui se sont développés, les millions de personnes qui sont sortis de la pauvreté ces dernières décennies – les chinois, les indiens -, n'en sont jamais sortis par l'aide au développement". "L'aide au développement va d'abord permettre à une classe moyenne qui émerge de migrer, de partir du continent", prévient-il.
"A la place des Africains nous ferions pareil"
Et fermer les frontières? "Toutes les volontés de fermer les frontières sont inutiles", dit-il, prenant toutefois l'exemple de l'aide versée par les pays européens à la Turquie pour juguler l'immigration qui transite par son territoire. "Avec 6 milliards d'euros, les européens se sont achetés la paix (sic) de 2,5 millions de migrants, bloqués en Turquie. Mais c'est cynique de parler comme ça. Les gens passeront, par une porte ou une autre. C'est inévitable. Mettez-vous à la place des Africains qui voient de telles inégalités et qui pensent à leur vie ou à leurs enfants. Nous ferions pareil à leur place".
"Bien sûr qu'un moment l'Afrique arrivera à retenir ses forces vives, anticipe Stephen Smith. On oublie souvent qu'un tiers des européens partis en Amérique sont revenus en Europe. Ce n'est pas forcément le bonheur d'arriver en Europe, beaucoup de migrants sont déçus, et vous préférez toujours rester parmi les vôtres".