Le nombre de plaintes en hausse à l'Office québécois de la langue française pourrait-il être, par un ironique paradoxe, de bon augure? S'il signifie la fin d'une torpeur collective quant aux assauts menés contre le français, alors il est le présage de jours meilleurs. C'est en effet en tapageant haut et fort contre les excès et les excessifs qu'on redonnera son sens au respect de la loi 101.
L'effritement de la langue française, particulièrement visible sur l'île de Montréal, n'a rien d'un phénomène anecdotique ni d'une tendance exagérée, n'en déplaise aux illuminés qui accablent la loi 101 d'épithètes baroques.
En mal d'attention, le maire de Huntingdon, Stéphane Gendron, demeure le champion d'un combo toujours décliné sur le même mode: idées saugrenues, propos choquants, gestion de controverse. Un procédé habile, certes, pour quiconque cherche l'autopromotion, mais pas toujours efficace pour faire avancer des causes. Son premier ballon d'essai sur le couvre-feu imposé aux jeunes s'est dégonflé en 2003, mais l'aura mis au monde médiatiquement parlant. Sa dernière «sortie» associe la loi 101 à un anachronisme, car elle empêche les communications officielles bilingues dans des municipalités comme la sienne où une forte proportion d'habitants sont de langue anglaise, sans composer toutefois la majorité exigée par la loi. Un fait «discriminatoire», voire «raciste», juge ce sans jugeote qui promet de défier la loi, peu importe la hauteur des amendes.
Son envolée aura eu un grand mérite: celui d'affoler l'Office québécois de la langue française (OQLF) au point où il a fait de cette affaire une priorité, promettant d'alerter s'il le faut le Directeur des poursuites criminelles et pénales. C'est une rareté! Certains débordements ont ceci d'efficace qu'ils réveillent les ensommeillés: le premier ministre Jean Charest en a même profité pour servir un rappel à ceux qui seraient tentés de voir la loi 101 comme le reliquat d'un autre temps. Objet de «consensus», a-t-il dit, elle est là pour de bon.
Il ne suffit pas qu'elle reste. Elle doit aussi être respectée, pour éviter au français de recevoir tous les coups — y compris les coups bas. En un court laps de temps, vos médias ne vous ont-ils pas appris que: 1. le quart des commerces de la montréalaise rue Sainte-Catherine, dans un tronçon du centre-ville, affichent en anglais, en dépit des interdictions de la Charte; 2. le consortium chargé de la construction du CHUM méprise le fait français et favorise l'embauche de travailleurs anglophones, parfois hors Québec; 3. HEC Montréal donnera sous peu dans le master, et en anglais seulement?
L'indifférence générale accueille trop souvent ces affronts. Et quand on réagit, on prétexte habituellement l'ouverture sur le monde ou celle aux autres, comme s'il s'agissait de l'unique préalable pour faire les honneurs à l'anglais. C'est succomber un peu facilement aux sempiternels clichés du combat linguistique, qui mélangent sans égard les choix des individus avec les volontés d'une collectivité. C'est choisir, aussi, de retourner en arrière, en imaginant l'anglais la seule langue de la réussite. C'est bêtement inverser la tendance, en faisant de l'opprimé un opprimant.
Certains argueront l'aspect désolant d'un tel spectacle, en pleurant le sort d'un peuple qui a besoin d'une loi pour honorer son âme. Mais le vrai désarroi restera toujours notre indifférence collective, individuelle, politique aux outrages que subit le français. Cette apathie a permis que soient grugés petit à petit des acquis gagnés de chaude lutte. Autour du respect de la loi 101, ranimons-nous.
Loi 101
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