Preuve déficiente, a conclu la Cour suprême hier, déboutant des parents convaincus que le cours Éthique et culture religieuse (ECR) entravait leur droit à la liberté de conscience et de religion. Non, le fait de présenter aux enfants diverses religions ne correspond pas à un endoctrinement. C'est plutôt «un fait de la vie en société».
Triple défaite pour ces parents de Drummondville qui souhaitaient que la Cour suprême cautionne leur prétention selon laquelle le cours Éthique et culture religieuse enseigné à tous les élèves du Québec portait atteinte à leur capacité de transmettre la foi à leurs enfants. À l'unanimité, le pourvoi est rejeté faute de preuve convaincante. Où étaient les préjudices objectifs portés aux parents? Mauvaise défense ou arguments défaillants, les parents n'avaient cette fois pas la matière pour persuader.
Victoire, donc, pour cette commission scolaire qui refusait l'exemption du cours exigée par le couple de parents. Mais victoire sans grand éclat, il faut le noter, puisque deux juges au moins ont remarqué qu'il était impossible, avec la preuve disponible, de trancher une question non posée mais omniprésente en contexte: le contenu du programme ECR, lui, viole-t-il la liberté de religion? Le fond reste en soi intouché: le programme assure-t-il vraiment une meilleure connaissance de la diversité de la société? S'agit-il d'un instrument pédagogique «destiné à sortir la religion de la tête des enfants»? Est-il conforme à la conception de la laïcité présente dans la jurisprudence constitutionnelle? Cette cause n'a pas permis d'en juger, car telle ne fut pas la voie juridique adoptée par les appelants...
Il y a dans ce jugement plusieurs rappels tout à fait éclairants. La Cour soutient d'abord que l'évolution de la place des religions dans les sociétés civiles n'est pas affaire simple à juger. Elle évoque aussi le fait que le retrait de la religion de la sphère publique a donné à la laïcité une couleur partisane, et est donc perçu par des croyants comme une menace à leur foi.
Ensuite, la Cour ajoute que la diversité religieuse n'est pas évoquée seulement dans un cours comme ECR, mais fait partie de la vie. Les enfants y sont confrontés partout où ils passent. «Les parents qui le désirent sont libres de transmettre à leurs enfants leurs croyances personnelles. Cependant, l'exposition précoce des enfants à des réalités autres que celles qu'ils vivent dans leur environnement familial immédiat constitue un fait de vie en société», écrit l'honorable Marie Deschamps.
Enfin, on indique que l'atteinte à la liberté de religion que les parents invoquent est la leur propre plutôt que celle de leurs enfants... en effet! Notons au passage que cette cause s'est échafaudée uniquement sur des bases théoriques et hypothétiques, les enfants en question n'ayant pas suivi les cours visés par la poursuite...
C'est d'ailleurs davantage dans l'application du cours que dans ses prémisses que les risques de dérive sont plausibles, l'un des plus grands défis de ce cours de culture générale demeurant toujours son application, sans doute encore uniforme. Cette matière ne pourra jamais prétendre à l'objectivité des mathématiques. À chaque prof un cours d'ECR? Il est probable que ce soit ainsi. Parfois excellent, parfois médiocre.
Le bon jugement des enseignants restera le meilleur rempart contre les glissements. Du gros bon sens distribué chez chacun à doses inégales, comme l'a illustré magnifiquement cette semaine la décision bête de cet enseignant de tronquer L'hymne à l'amour d'Édith Piaf parce que sa finale évoquait Dieu...
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