Discuter, débattre, échanger des idées ? Certainement. Mais en bout de piste, objection de conscience ou pas, il faudra rentrer dans le rang. Le gouvernement de Justin Trudeau a décidé d’imposer la ligne de parti à ses députés dans le dossier de l’aide médicale à mourir. Une position qui déçoit grandement ses adversaires conservateurs de même qu’au moins un élu libéral.
« Maudit qu’ils me font de la peine ! » En entrevue, le député conservateur Gérard Deltell manque de mots pour dire sa déception en apprenant que les libéraux seront obligés de voter en faveur de la future loi fédérale — dont le libellé n’est pas encore connu — sur l’aide médicale à mourir.
« Je suis sincèrement très déçu de la tournure que ça prend. On est en plein dans l’exercice, en plein dans les réflexions pour trouver consensus, et on apprend que la partie est jouée d’avance. À partir du moment où le gouvernement dit qu’il faut voter pour, et qu’il est majoritaire, on fait quoi, nous autres ? L’affaire est déjà entendue. C’est décevant pour tout ce qui a été fait depuis trois semaines. »
M. Deltell rappelle que Justin Trudeau a salué la démarche menée par le Québec dans ce dossier. « Le gouvernement devrait respecter de l’expérience québécoise le fait que c’était un vote libre et non pas un vote dirigé par le gouvernement. Je dois rappeler qu’il y a 22 députés ministériels qui ont voté contre [la Loi sur les soins de fin de vie] à Québec, incluant 11 ministres, presque la moitié du conseil des ministres. » M. Deltell est le seul élu à la Chambre des communes à avoir été présent pendant tout le débat, et le vote final, à l’Assemblée nationale sur l’aide médicale à mourir.
Le gouvernement de Justin Trudeau a mandaté un comité de 16 députés et sénateurs (dont M. Deltell) pour étudier la question et lui faire des recommandations d’ici le 25 février prochain. Les parlementaires doivent se réunir cette semaine pour peaufiner leur rapport. Le gouvernement a promis qu’il s’en inspirerait pour rédiger sa loi, rendue nécessaire par un récent jugement de la Cour suprême.
Mais voilà que vendredi, le leader du gouvernement en Chambre, Dominic Leblanc, a déclaré en entrevue avec le Globe and Mail que la loi ne fera pas l’objet d’un vote libre. Les députés libéraux devront l’appuyer. « En bout de piste, la Cour suprême a désigné l’aide à mourir comme un droit et nous voterons toujours de manière à protéger les droits garantis par la Charte », a déclaré M. Leblanc.
Justin Trudeau a en effet promis que certains sujets seraient toujours soumis à la ligne de parti, notamment les initiatives affectant les droits protégés par la Constitution. En vertu de ce principe, le chef libéral a exigé de ses futurs candidats qu’ils s’engagent à voter contre toute initiative anti-avortement.
Libéral, pro-vie et inquiet
Le député libéral John McKay, un pro-vie qui a accepté de rentrer dans le rang pour se représenter à l’élection, se dit surpris d’apprendre qu’il sera obligé de voter pour la loi, quelle qu’elle soit. Il ne comprend pas l’argument chartiste mis en avant par Dominic Leblanc.
« Je tenais pour acquis que toutes les options qui nous seraient présentées seraient respectueuses de la Charte », s’étonne-t-il en entrevue au Devoir. La Cour suprême a peut-être décrété que l’aide médicale à mourir est un droit, dit-il, mais elle n’a pas dicté la forme que doit prendre cette aide. M. McKay revendique donc le droit de débattre des modalités de cette pratique et, éventuellement, de s’opposer aux options retenues par le gouvernement. « Ça m’inquiète de savoir qu’il y aura une ligne de parti avant même que le rapport du comité ou le projet de loi ne soient rédigés. »
Si M. McKay n’est pas enthousiaste à l’idée de permettre l’aide à mourir, il s’incline devant la décision de la Cour. « Ce n’est pas entièrement conforme à ma vision de la vie. Ma vision de la vie est conforme aux principes chrétiens, mais je reconnais que nous vivons dans une société post-judéochrétienne. »
Une autre élue libérale semble s’être faufilée dans les mailles du filet de Justin Trudeau : Filomena Tassi, une députée de Hamilton qui se dit pro-vie. Mme Tassi n’a pas rappelé Le Devoir vendredi pour dire ce qu’elle comptait faire dans le dossier de l’aide à mourir.
Du côté néodémocrate, on critique moins que chez les conservateurs la décision libérale, qu’on trouve néanmoins paradoxale. « Pendant les audiences, on a parlé du besoin de respecter la liberté de conscience des professionnels de la santé, et comme députés libéraux, ils n’auront pas de vote libre », note la députée Brigitte Sansoucy. Elle se dit malgré tout « fière » du travail accompli par le comité parlementaire (sur lequel elle siège) et « confiante » pour la suite des choses. « Les libéraux ont décidé de ne pas avoir de vote libre, ça leur appartient. »
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AIDE À MOURIR
Trudeau impose et déçoit
Le caucus libéral devra voter selon la ligne de parti
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