"Nous avons la situation sous contrôle" : le coronavirus fait vaciller l'hégemonie des Etats-Unis

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Un virus chinois pour asseoir l'hégémonie de Pékin

Il y a fort à parier que rarement la totalité de l’Humanité n’ait été à ce point assujettie sous son pouvoir par un virus, un virus a priori au départ sans gravité, même pas lors de la grande Peste noire survenue au Moyen-Âge. L’explosion exponentielle des contaminations que l’on peut suivre en temps réel sur Internet de chez-soi a des conséquences certes sur notre propre quotidien en confinement, mais également surtout dans la géopolitique globale et le leadership confortable en place jusque-là. Le monde est-il en train de basculer ?


Le déclin américain


Pour reprendre le titre d’un célèbre ouvrage d’un autre siècle des chercheurs Marie-Claude Smouts et Bertrand Badie, nous sommes peut-être actuellement au seuil d’un véritable "retournement du monde" [Presses de Sciences Po, Paris, 1992]. La puissance mondiale américaine qui domine depuis des décennies sur la planète, avait soft et hard power suffisants jusqu’à aujourd’hui pour maintenir son hégémonie planétaire malgré un nombre incalculable de guerres conventionnelles perdues. On pouvait en effet tout à fait perdre des conflits sanguinaires depuis le Vietnam, et ça en devenait une religion, sans pour autant être remis en cause dans son rôle de gendarme du monde accordé par la communauté internationale depuis 1945.


Aujourd’hui, face à la transformation des menaces exogènes, l’éternelle rivale, seconde puissance économique et politique depuis bien trop longtemps pour elle, est parvenue à inventer un concept-clé pour parvenir à ses fins sans le vouloir au gré de la diffusion planétaire de ces nouvelles menaces que nous redoutions tant. En effet, il a suffi d’une épidémie incontrôlable provenant d’une de ses provinces, pour que la Chine vienne probablement à devenir au moins, et sans concurrent à la hauteur, la première puissance de nuisance mondiale. Dans le même temps, alors que nous entrons peut-être dans une ère post-anthropocène, les Etats-Unis faisaient les honneurs du quotidien Libération qui les qualifiaient le 3 avril 2020 de "Première impuissance mondiale". Qu’est-ce que tout cela traduit de la crise globale que nous vivons actuellement avec la pandémie de Covid-19, ennemi planétaire invisible et ravageur comme jamais ?


Les Etats-Unis de Trump sont probablement le reflet ultime d’un ancien monde qui est en train de péricliter


Que les Etats-Unis de Trump sont probablement le reflet ultime d’un ancien monde qui est en train de péricliter. Cette Amérique qui demeurait en haut du podium avec le dollar, ses brevets, et ses guerres conventionnelles qui ont toutes fait « pschitt », est laminée par un petit virus sans gravité, comme le définissait le Président américain encore il y a quelques semaines. En effet, aveuglé par ses mensonges, le 22 janvier, Donald Trump affirmait fièrement à propos du nouveau Coronavirus: « Nous avons la situation sous contrôle. C’est juste une personne qui vient de Chine. Ca va très bien se passer », lors d’une interview à CNBC. Puis le 30 du même mois, cela concernait désormais cinq personnes, au demeurant rien de grave si cela avait été vraiment la réalité : « Espérons-le, tout va super bien se passer », après que l’OMS a déclaré une situation d’urgence mondiale.


On sentait déjà le doute poindre. Le 25 février, il osait encore affirmer que « les gens vont mieux, nous allons tous mieux ». Mais le 17 mars, tout bascule et Trump accepte enfin la réalité devant ses électeurs et le peuple américain : « C’est une pandémie.. et j’ai su que c’était une pandémie longtemps avant qu’on l’appelle une pandémie. » Mauvaise réponse bien sûr, qui ne trompera personne : mais la force de la Chine est non seulement de mentir encore plus, mais d’être parvenue à bout de l’épidémie quand le monde entier est rongé par le Covid. Le 30 mars, face aux chiffres de contagion qui explosent, Trump joue un dernier coup de poker pour se sauver la face en déclarant que « si on a 100.000 morts, c’est un chiffre horrible, mais si on a entre 100.000 et 200.000 morts, on aura fait du très bon boulot ». Entendons en filigrane : il risque d’y avoir au moins un million de décès. Même 100.000 morts, Trump le reconnaissait : c’est plus que la guerre de Corée et du Vietnam réunis ! Il suffisait de suivre les courbes ascendantes pour anticiper le malheur, grâce au fameux site Covidvisualiser, pour s’en inquiéter.


Le 3 avril au soir, nous étions déjà à 221.000 personnes actives et 5.800 décès aux USA. La fin de l’Obamacare promettait des chiffres record de contaminations et de mortalité ! Pauvreté et exclusion dans la première puissance mondiale garantissaient le jackpot pour le virus parti de la province de Hubei dans la seconde puissance mondiale. Des mois de frictions entre les deux puissances risquaient-elles de se conclure par un K.O direct des USA avec le Coronavirus ? Plus que possible. La situation avait largement de quoi paniquer tout l’État-major américain face à !ne économie à l’arrête. Jamais une telle menace ne s’était abattue sur la première puissance mondiale, foi de président américain. Ce qu’on appelle une "perfect storm", une tempête qui arrête absolument tout dans un pays.


Un bête virus organique sorti des profondeurs archaïques de l’organisation de la vie sur terre tient désormais toute l’Humanité en respect et à sa merci


Les paramètres mêmes de ce qu’était une puissance mondiale était déjà en train de muter. Et la Chine, sortie de l’œil du cyclone pour le moment, en attendant venait en aide au Monde, comme la Russie qui acheminait de l’équipement sanitaire à Washington. Les choses ne faisaient qu’empirer : on vit même le 1er avril dernier, le cas hallucinant du porte-avions nucléaire USS Roosevelt avec 3.000 hommes à son bord, dont 93 cas de Covid-19 confirmés, dont le Commandant supplia l’État-Major de débarquer et confiner ses hommes à Guam. Image hallucinante d’un virus mettant à nu et en panne la plus puissante machine de guerre américaine. Et posant par là-même un immense problème de conscience et de sécurité mondiale à l’US Navy car il fallait évidemment encore des hommes à bord pour assurer la surveillance du… réacteur nucléaire du porte-avions et son immense stock de munitions ! La conclusion effroyable de ce que nous vivons est que tous les états-majors du monde entier investissent depuis des années des dizaines de milliards de dollars dans la cyber guerre alors que nous nous sommes trompés de conflit et qu’un bête virus organique sorti des profondeurs archaïques de l’organisation de la vie sur terre tient désormais toute l’Humanité en respect et à sa merci.


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