Trump réagit avec mesure à la riposte iranienne

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Une intensification des sanctions et un appel à plus de présence des pays de l'OTAN


Après la riposte militaire de l’Iran aux conséquences « minimes », dixit Donald Trump, le président américain écarte toute surenchère. Les tensions restent néanmoins vives entre les deux pays, le président américain imposant de nouvelles sanctions contre la République islamique et demandant à l’OTAN d’accroître sa présence au Moyen-Orient.


« L’Iran semble reculer. C’est une bonne chose pour les parties impliquées et une très bonne chose pour le monde entier », a lancé M. Trump dans une allocution prononcée mercredi à Washington. Flanqué de son vice-président Mike Pence et de son secrétaire à la Défense, Mark Esper, il s’exprimait au lendemain de représailles iraniennes aux allures de mise en garde.


L’Iran a tiré tard mardi soir 22 missiles sur deux bases où sont stationnés une partie des 5200 soldats américains déployés en Irak. Une trentaine de militaires canadiens se trouvaient à l’une d’elles, Erbil, dans le nord du pays.


L’attaque n’a fait ni mort ni blessé, et infligé peu de dommages aux deux bases, s’est félicité le président. Il a attribué ce « tour de force » à un système d’alerte éprouvé et à l’évacuation préventive des troupes. Des proches de M. Trump avaient plus tôt confié à des médias que l’Iran a sciemment évité de faucher la vie de militaires.


L’offensive iranienne se voulait une réponse à l’assassinat vendredi de Qassem Soleimani, commandé par M. Trump. Le puissant général des Gardiens de la révolution a été abattu d’un tir de drone à Bagdad, tout comme son bras droit et haut gradé de la milice irakienne du Hachd, Abou Mehdi al-Mouhandis.



Il ne pourra y avoir une véritable détente entre les États-Unis et l’Iran que lorsqu’un nouvel accord [sur le nucléaire] sera signé. Et ce n’est pas demain la veille que cela va se produire.




« La possibilité que l’Iran riposte à nouveau est toujours là », tranche Houchang Hassan-Yari, politologue d’origine iranienne au Collège militaire royal de Kingston. Car le discours est double dans les hautes sphères du pouvoir à Téhéran.


Si le ministre des Affaires étrangères a évoqué la fin des représailles, le guide suprême, Ali Khamenei, s’est lui montré plus menaçant. « Hier soir, on leur [les États-Unis] a donné une gifle, mais de tels actes militaires ne suffisent pas. Il faut que la présence néfaste des États-Unis dans la région prenne fin », a-t-il gazouillé mardi. Un message repris en substance par le président Hassan Rohani.


Le Parlement irakien a déjà voté en faveur d’un retrait des troupes américaines du Proche-Orient.


Il n’y a pas que les intérêts américains qui pourraient éventuellement faire l’objet de représailles, analyse de son côté Frédérick Gagnon, directeur de l’Observatoire sur les États-Unis de la Chaire Raoul-Dandurand. L’Iran — ou ses alliés — pourrait s’en prendre à Israël ou à l’Arabie saoudite, une éventualité qui a des précédents.


Et il n’est pas dit que la riposte sera militaire, ajoute le chercheur. Elle pourrait être virtuelle (via des cyberattaques), comme s’inquiétait récemment Chris Krebs, directeur de l’Agence américaine de cybersécurité. L’Iran a en effet dopé ses capacités informatiques dans les dernières années.


Il ne faut pas oublier qu’une élection présidentielle est sur le point de commencer aux États-Unis, reprend M. Gagnon. « On a vu ce qui s’est passé en 2016 : il pourrait y avoir une tentative d’ingérence. »


Photo: Saul Loeb Agence France-PresseLe président américain était flanqué de sa garde rapprochée lorsqu’il a rencontré la presse pour réagir à l’attaque iranienne.

À la lumière du discours de M. Trump, il n’y a plus lieu de s’inquiéter d’un affrontement direct, pense pour sa part Ferry de Kerckhove, ancien diplomate et professeur à l’Université d’Ottawa. Mais il faut garder à l’oeil les alliés de Téhéran dans la région, pour qui la réponse iranienne de mardi soir est sans commune mesure avec le « meurtre » de Soleimani. « La question, c’est de savoir si le Hezbollah, par exemple, va vouloir calmer les choses ou, au contraire, prendre des mesures anti-américaines », avance-t-il.


L’OTAN interpellée


Dans son allocution mardi, le président Trump a également interpellé l’OTAN, comptant demander à ses membres — dont le Canada — d’accroître leur présence au Moyen-Orient pour y renforcer la sécurité. Les États-Unis y ont eux-mêmes envoyé quelque 3500 soldats supplémentaires, notamment au Koweït (limitrophe de l’Irak).


Au cours d’un entretien avec Justin Trudeau mercredi, M. Trump n’a toutefois pas précisé ce qu’il attendait de la part du Canada. Nous sommes « l’un des pays qui en fait le plus au niveau de la coalition » contre le groupe État islamique, a cependant rappelé M. Trudeau, en relatant sa conversation lors d’un point de presse à Ottawa.


M. Trudeau a évité de dire s’il serait prêt à déployer davantage de troupes en Irak ou dans la région. Il s’est contenté d’indiquer qu’il y aurait prochainement des « conversations sur la façon d’avancer pour continuer de stabiliser l’Irak et repousser le groupe EI ».


Qu’à cela ne tienne, selon le locataire de la Maison-Blanche, le Moyen-Orient est désormais plus sûr depuis la mort du général Soleimani. À nouveau, il a répété que son gouvernement — contrairement à celui de ses prédécesseurs — a éliminé « le premier terroriste en chef », qui fomentait, comme par le passé, des attaques contre des intérêts américains dans la région.


Donald Trump a toutefois mis en garde contre la menace « nucléaire » que pose toujours la République islamique. « L’Iran n’aura jamais la permission d’avoir l’arme nucléaire », a-t-il assené. Il a ainsi annoncé l’imposition de nouvelles sanctions contre Téhéran, jusqu’à ce qu’il « change d’attitude ». Le président a également appelé les signataires de l’accord sur le nucléaire iranien, dont la France et la Chine, à plancher sur une nouvelle entente.


Depuis le retrait unilatéral des États-Unis de l’accord en 2018, les tensions n’ont cessé de grimper entre les deux pays. Asphyxié par les sanctions américaines, l’Iran s’est progressivement affranchi de ses obligations. Jusqu’à ne plus s’imposer de limite pour l’enrichissement d’uranium.


« Il ne pourra y avoir une véritable détente entre les États-Unis et l’Iran que lorsqu’un nouvel accord sera signé », estime Ferry de Kerckhove, de l’Université d’Ottawa. Et ce n’est pas demain la veille que cela va se produire, ajoute-t-il, étant donné que le président Trump « n’a jamais mis sur la table une véritable proposition pour les Iraniens. »


Et contrairement à ce que le milliardaire républicain prétend, la région est plus instable qu’elle ne l’était avant l’assassinat de Soleimani et d’Al-Mouhandis, ajoute celui qui a été ambassadeur du Canada en Indonésie et en Égypte. Pour preuve ? Les appels à la désescalade lancée par l’Arabie saoudite et la « réponse retentissante » promis par Benjamin Nétanyahou en cas d’attaque contre Israël.


« Même au Pakistan où je me trouve, on espère que les choses se calmeront. »


Avec Marie Vastel




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