Trump se défait de Bolton: et maintenant, que vais-je faire?

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Pompeo devient l'homme fort diplomatique du régime trumpien


 

 



Son conseiller à la sécurité nationale John Bolton maintenant parti, comment Trump entend-il poursuivre la suite de son mandat du point de vue géopolitique?




Pourquoi et le président Trump a-t-il mis fin aux fonctions de son principal conseiller à la Sécurité nationale ? Voilà que les Français commencent enfin à se poser quelques unes des bonnes questions au sujet de ce président américain si inhabituel.


Énième coup de boutoir dans le dogme libre-échangiste


Certes il y a encore des échotiers superficiels qui se focalisent seulement sur la gesticulation ; car Trump, en campagne pour sa réélection, en produit beaucoup – comme à son habitude – en direction de son socle électoral toujours aussi massif et stable : on a vu et on voit encore, mais de moins en moins, ici ou là des retranscriptions de ragots US bidonnés sur : le  »mur » de Trump, le Groenland, les obsèques de McCain, les supposés incidents ridicules, gaffes ou ignorances, instabilités . Et il est vrai qu’il y a dans l’entourage de D.Trump un important turn over ; un remue ménage accéléré. Bolton a-t-il été limogé ou a-t-il donné sa démission? Au fond cela importe peu, sauf dans le marigot washingtonien. Ce qui importe vraiment c’est de savoir si dans 14 mois Trump sera réélu et quelle sera, d’ici la fin de son mandat dans 16 ou 64 mois, son empreinte sur le monde où nous tentons de vivre. C’est pour cela qu’il faut, en premier lieu, rappeler les enjeux.


Enjeu économique: parviendra -t-il à remettre profondément en question le dogme du libre échangisme présenté comme bienfaisant pour toutes les économies, unique credo de l’OMC ? Enjeu démocratique et diplomatique : la méthode de l’OMC – et d’autres accords de ce type – sera-t-elle anéantie, qui consiste à fixer des règles commerciales multilatérales qui s’imposent définitivement aux nations, grandes ou petites, riches ou pauvres, sans que celles-ci soient directement consultées et sans pouvoir être corrigées en fonction des résultats ? Enjeux géostratégiques, enfin, où les chantiers ouverts par le président Trump sont à la fois les plus vastes et les plus dynamiques jamais vus dans l’histoire des USA, hors temps de guerre : Chine, Corée, Russie, Iran, Afghanistan, Venezuela, Israël…De plus en plus de commentateurs découvrent, par delà les foucades et les tweets de cet homme hors standards, qui dit se sentir mieux au milieu des ouvriers et des catcheurs qu’au sein des castes politiciennes de Washington, une vraie volonté d’innovation économique et politique . Et il se trouve que la plupart de ses objectifs coïncident avec ce qui serait judicieux pour la France et pour l’Europe.


Bolton parti, Trump et Pompeo ont le champ libre


Avant de scruter le cas Bolton il était indispensable de rappeler le contexte de philosophie politique où il survient, à 14 mois du scrutin de réélection. A tort ou à raison Bolton cristallisait les blocages ou les relatifs échecs de l’impulsion trumpienne, et il vient de servir de bouc émissaire. Contrairement aux simplifications qu’on peut lire et entendre, John Bolton n’était pas Le conseiller à la sécurité nationale de Trump mais un membre certes éminent du Conseil de sécurité nationale (NSC) puisqu’il en était le délégué au sein du Bureau exécutif du président des États-Unis. On chercherait en vain des analogies avec l’organisation des institutions françaises, et il est certain que le poste de Bolton est fragile car, selon la personnalité et le charisme de son responsable, il est inévitable qu’il surgisse des frictions voire des conflit avec le Département d’état, la Défense, le Pentagone, la CIA: Reagan avait changé six fois de Conseiller, mais il est vrai en deux mandats… On attend que Trump, lui, nomme son cinquième.




 

A moins qu’il ne confie la tache, cumulée à celles qu’il a déjà, à Mike Pompeo ce qui a déjà été fait par le passé. Ancien directeur de la CIA, promu responsable de la politique étrangère du département d’état (United States Secretary of State) il est désormais l’homme fort du trumpisme et s’est fendu d’un communiqué télévisé expliquant – ce qui est inhabituel – les causes de son désaccord avec Bolton.


John Bolton s’était opposé au président américain et à Pompeo sur de nombreux sujets au cours des derniers mois, notamment sur l’Iran, l’Irak, la Chine, la Corée du nord, la Russie, le Venezuela, pour lesquels il recommandait une grande dureté et même des actions militaires. Mike Pompeo a insisté sur le fait qu’il ne fallait pas s’attendre à un brusque changement de la politique internationale qui privilégiera l’usage de la pression économique et diplomatique et non la guerre, dont Bolton, tout au long de sa carrière a toujours été partisan. Ainsi, avec le départ de Bolton la tendance des faucons et néocons, poussant à la belligérance et mettant en garde contre  »le risque d’apparaître faible », a perdu son principal avocat au profit du Tea Party dont Pompeo est proche. Cela devrait créer de nouvelles opportunités diplomatiques sur l’Iran, l’Afghanistan, la Corée du Nord et le Venezuela. Espérons que le président les saisira. En tout cas, s’il fallait un bouc émissaire pour les récents relatifs patinages de la diplomatie trumpienne (en Afghanistan et en Corée), Bolton était la cible idéale… Mais cette éviction est une bien douce sanction. Songeons qu’après le sommet manqué de Hanoï qui avait donc été mis au passif de Bolton côté US, les négociateurs coréens – eux aussi accusés d’échec – auraient été physiquement exécutés !


Afghanistan, Syrie, Irak: l’heure du départ


S’il veut être certain d’être réélu il reste un an au président Trump pour compléter son bon bilan économique et migratoire en entamant de façon significative le retrait des troupes américaines d’Afghanistan, bien que les négociations avec les Talibans entreprises il y a un an aient été rompues. Le 45e président des États-Unis devra éviter de laisser le pays dans un bain des sang total, après les 3000 morts, les milliers de blessés et les 800 milliards de dollars de dépenses, qui pourraient alors être perçus comme des sacrifices inutiles par l’opinion. Pire: une défaite.


Comment se désengager de Syrie et d’Irak ? Comment faire céder la Chine et lui soustraire son allié-vassal nord-coréen ? Si Bolton a pu sembler être un problème sur bien des dossiers, son départ n’est pas pour autant une solution à toutes ces problématiques diplomatiques. L’ancien sympathisant démocrate Trump, par expérience professionnelle autant que par tempérament, est favorable à la négociation acharnée et pas à l’action militaire. C’est une bonne nouvelle dans l’histoire récente du monde et des Etats-Unis. Cela sera-t-il suffisant au moment où Netanyahou, lui aussi en campagne, promet d’annexer près d’un tiers de la Cisjordanie s’il est réélu ? La liste des problèmes s’allonge. Et attention: de l’Iran à la Chine, en passant par l’Afghanistan, les antagonistes qui ont cru pouvoir interpréter une faiblesse du côté de la Maison Blanche tentent déjà d’en profiter… Russes et les Nord-Coréens ont eux tout intérêt à négocier maintenant.