Un chantier éolien de quatre milliards

Le consortium St-Laurent Énergie récolte la moitié des 2000 MW offerts par Hydro-Québec

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Industrie éolienne

C'est le consortium St-Laurent Énergie, réunissant Électricité de France, le géant allemand REpower Systems et le producteur privé d'électricité Hydroméga, qui a remporté hier, avec cinq projets, l'essentiel de l'appel d'offres d'Hydro-Québec en énergie éolienne en récoltant à lui seul 954 des 2000 MW offerts par appel d'offres.
Cette puissance installée de 954 MW est l'équivalent de celle du défunt projet de centrale thermique du Suroît. On se rappellera que c'est le débat sur ce projet, controversé et honni par tous les écologistes du Québec, qui a conduit la Régie de l'énergie et Québec à envisager plutôt de développer une petite tranche de l'énorme potentiel éolien du Québec, une hypothèse alors attribuée à des rêveurs par Hydro-Québec, mais qui engendre aujourd'hui un pactole économique qui va générer plus de quatre milliards d'investissements en région.
Un autre constructeur allemand, Enercon, fournira des éoliennes aux dix autres parcs éoliens retenus, dont la puissance installée totale atteindra 1050 MW.
Ces 15 parcs éoliens vont produire à compter de 2015 quelque 6 TWh d'électricité, soit presque autant que le projet hydroélectrique de la Romaine, une des dernières grandes rivières sauvages de la Côte-Nord qu'Hydro-Québec espère bétonner dans la prochaine décennie. Le prix moyen obtenu par Hydro-Québec pour ces 2000 MW d'éolien est de 8,7 cents du kWh, auquel s'ajoute 1,3 cent pour leur intégration au réseau hydroquébécois et 0,5 cent pour l'équilibrage, soit le stockage temporaire de cette énergie dans les réservoirs hydro-québécois en attendant de la revendre à Hydro-Distribution au gré de ses besoins.
On mesure l'attrait économique de la filière éolienne dans le secteur privé quand on constate que l'appel d'offres lancé l'automne dernier pour 2000 MW a suscité 66 propositions totalisant 7700 MW d'énergie éolienne. De ce nombre, la Régie de l'énergie et une firme comptable ont retenu 15 projets, élaborés par huit firmes, qui se proposent de les réaliser dans huit régions.
Kruger Énergie obtient deux parcs totalisant 168 MW. Venterre obtient deux parcs qui produiront ensemble 116 MW alors que le Consortium Boralex et Gaz Métro produiront 272 MW sur deux sites situés sur les terres privées du Séminaire de Québec, sur la côte de Beauport.
Deux projets se retrouveront aussi en Montérégie, près de Montréal, dans un secteur où une forte opposition se dessine.
Pour Jackie Cerceau d'Hydromega et du consortium St-Laurent Énergies, le poids économique d'EDF Énergies nouvelles, le principal actionnaire du consortium, a sûrement constitué un facteur déterminant pour la solvabilité et la stabilité financière. EDF Énergies nouvelles est une filiale à capital mixte de la société d'État française Énergie de France (EDF), un partenaire d'Hydro-Québec dans plusieurs autres dossiers.
Selon Jackie Cerceau, le fait d'intégrer aussi dans ce consortium la filiale canadienne du constructeur allemand REpower Systems, avec un contrat d'exclusivité, a sans doute aidé aussi à abaisser le prix offert à Hydro-Québec.
Acceptabilité nécessaire
Pour le premier ministre Jean Charest, qui assistait à cette conférence de presse, l'acceptabilité sociale de ces projets en constitue un ingrédient «essentiel», mais, a-t-il prévenu, «l'acceptabilité ne veut pas dire l'unanimité».
Soulignant que cet appel d'offres pour 2000 MW d'énergie éolienne était le plus important jamais lancé en Amérique du Nord, le premier ministre estime qu'avec ces 4000 MW effectifs en 2015, en plus de ses 40 000 MW d'hydroélectricité, le Québec deviendra «une puissance mondiale des énergies renouvelables». Et il est «possible que ça continue après 2015», ajoute-t-il, quand les 4000 MW réservés à cette filière seront devenus réalité.
L'appel d'offres d'Hydro-Québec exigeait un contenu québécois de 60 % et un contenu gaspésien de 30 % afin de consolider les usines existantes, nées dans la foulée d'un premier appel d'offres de 1000 MW en 2004.
Mais devant l'enthousiasme du secteur privé pour cette filière très rentable, à l'évidence, le premier ministre n'entrevoit quand même pas qu'Hydro-Québec puisse se lancer dans la production d'énergie éolienne et empocher pour le plus grand profit des contribuables québécois la rente économique de cette production privée.
Pour le ministre des Ressources naturelles et de la Faune, Claude Béchard, Québec «y va par étapes».
«On verra en 2015», ajoute-t-il en disant que, pour l'instant, Hydro-Québec ne peut pas introduire plus de 10 % d'éolien sur son réseau, soit les 4000 MW.
Un premier bloc de 1000 MW est présentement en voie de réalisation en Gaspésie et dans le Bas-Saint-Laurent. Hydro-Québec a conclu des accords privés pour 500 MW d'éolien et elle lancera un dernier appel d'offres de 500 MW pour les projets mis au point par des bandes autochtones et par des communautés québécoises, municipalités ou MRC qui sont fort mécontentes à plusieurs endroits de voir les industriels se tailler la part du lion aux dépens des «locaux».
La frontière technique des 10 % invoquée par Hydro-Québec n'apparaissait toutefois pas très sérieuse à certains observateurs très ferrés sur le plan technique, qui faisaient partie du gratin invité hier à la conférence de presse tenue à la Biosphère à Montréal.
L'un d'eux a expliqué au Devoir que ces 10 % en puissance installée éolienne équivalent en réalité à moins de 5 % de la puissance véhiculée par le réseau, ce qui permettrait de doubler la production éolienne avant d'atteindre cette limite officielle. Une limite, avoue le ministre Béchard, que l'on aura peut-être dépassée en 2015. En Europe, cette limite est dépassée depuis longtemps. Le Danemark produit 20 % de son électricité avec des éoliennes et, dans des régions comme Hambourg, le réseau a été alimenté certains jours jusqu'à 100 % en éolien.
Pour le président d'Hydro-Québec, Thierry Vandal, les projets retenus devront tous réussir le test des études d'impacts et des audiences publiques pour pouvoir être approuvés par le gouvernement. Avant d'en arriver là, ces projets devront se mouler aux exigences des MRC, dont 30 sur 36 ont mis en place des règlements intérimaires sur l'encadrement de l'éolien. Et la Commission de protection du territoire agricole devra, elle aussi, approuver l'installation des éoliennes dans les zones vertes, une règle que Québec a écartée péremptoirement pour donner le feu vert au projet Rabaska.


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