Claude Lévesque - La remise en question, la semaine dernière, du statut autonome de la Catalogne favorisera le courant souverainiste, croit le vice-président du gouvernement de cette riche région du nord-est de l’Espagne.
Josep-Lluís Carod-Rovira, qui entreprenait hier une visite officielle au Québec, s’est dit «pas du tout surpris» du jugement prononcé par le tribunal constitutionnel espagnol, mercredi dernier, «parce que l’histoire politique de l’Espagne a toujours été marquée par le centralisme et l’allergie à la diversité».
«Les conséquences seront plus négatives pour l’Espagne que pour la Catalogne parce que [ce jugement] a provoqué une réaction majoritaire de toute la société catalane», a poursuivi M. Carod-Rovira en entrevue au Devoir.
Le vice-président de la Generalitat de Catalunya dit voir dans la décision du tribunal constitutionnel de Madrid une indication que l’Espagne ne veut pas devenir un État fédéral.
Il y voit par conséquent «l’échec des fédéralistes catalans, qui ont constaté avec surprise et déception nostalgique qu’il n’y a pas de fédéralisme». «Cette situation a provoqué une croissance permanente de l’option souverainiste», croit-il.
Mercredi dernier, la plus haute cour d’Espagne a invalidé une série d’articles du statut d’autonomie, dont certaines dispositions accordant au catalan une prépondérance dans l’administration et dans les communications publiques. Réagissant à cette décision, les partis catalans de diverses tendances ont appelé la population à manifester son mécontentement samedi prochain. «J’espère que ce sera la plus grande manifestation civique de toute l’histoire de notre pays», a dit Josep-Lluís Carod-Rovira.
Voté par le Parlement régional puis accepté par les élus de Madrid après d’âpres négociations, et enfin entériné par référendum dans la région concernée en 2006, le statut d’autonomie de la Catalogne a fait l’objet dès novembre 2008 d’une contestation de la part du Parti populaire, au pouvoir à Madrid avant l’élection du Parti socialiste ouvrier de José Luis Zapatero en 2004.
Le fait même de cet examen judiciaire avait déjà incité des organisations nationalistes à organiser des référendums, purement consultatifs, dans quelque 160 villes catalanes. L’option souverainiste l’avait largement emporté, même si le taux de participation avait été faible.
Cette option a reçu des appuis variables au fil des ans, mais semble en progression au vu de certains sondages récents.
Scénario complexe
Le scénario d’accession à la souveraineté n’est cependant ni simple ni évident. Le gouvernement catalan est une coalition de deux partis fédéralistes et d’un parti souverainiste, la Gauche républicaine catalane, que dirige M. Carod-Rovira.
La position officielle de ce gouvernement majoritairement fédéraliste consistera cependant à respecter «la décision du peuple catalan» et à refuser qu’un tribunal madrilène impose un jugement qui va à l’encontre d’une loi qui a l’approbation du peuple», affirme le vice-président de la Generalitat.
Selon ce dernier, le projet national espagnol est «fini, fermé», «L’Espagne, affirme-t-il, ne veut pas changer, car elle n’admet pas la diversité.»
«Notre projet est un projet national ouvert. Être catalan n’est pas une imposition, mais un acte volontaire, un choix», plaide-t-il.
M. Carod-Rovira en conclut que «l’Espagne accepterait mieux une Catalogne indépendante qu’une Espagne plurielle. Si l’Espagne était une religion, elle accepterait mieux un athée ou un agnostique qu’un hétérodoxe», ironise-t-il.
«Pendant la dictature de Franco, on niait aussi la nation catalane», rappelle M. Carod-Rovira, pour qui la justice espagnole est un des piliers de l’État «qui n’ont pas fait la transition du franquisme à la démocratie».
Progrès
Selon M. Carod-Rovira, la langue catalane a fait des «progrès extraordinaires» ces dernières années, notamment dans l’Internet. Si elle n’est que la 84e parmi les quelque 6500 langues du monde pour le nombre de locuteurs, elle est la 12e dans la blogosphère, signale-t-il.
«Je croyais que nous étions le pays avec le plus de poètes au mètre carré, mais nous sommes le pays avec le plus de blogueurs.»
Avec plus de 10 000 titres par année, la Catalogne arriverait au 20e rang mondial dans l’édition. Elle se distingue aussi par son souci de traduire tous les grands classiques de la littérature mondiale. «Nous sommes fiers de notre identité nationale, mais nous avons un regard universel, une mentalité ouverte et cosmopolite», dit le vice-président catalan.
M. Carod-Rovira, qui accompagne une délégation d’entrepreneurs, doit rencontrer au cours des prochains jours le premier ministre Jean Charest et plusieurs ministres québécois.
La Catalogne et le Québec cherchent entre autres à travers un accord-cadre à développer des partenariats dans le secteur de la biotechnologie.
Un coup de pouce pour le souverainisme catalan
La remise en question du statut autonome de la Catalogne consacre l’échec des fédéralistes, affirme le vice-président de cette région espagnole
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