Barack Obama a exigé d'Israël des explications le plus rapidement possible ; le Conseil de sécurité et les ambassadeurs des pays de l'OTAN ont convoqué des réunions d'urgence ; le secrétaire général de l'ONU, l'Union Européenne et Tony Blair réclament une enquête indépendante ; la France condamne la force excessive et Moscou dénonce la «violation grossière du droit international»...
Partout dans le monde, l'opération d'un commando israélien sur une flottille civile en eaux internationales a suscité l'indignation.
Partout, sauf à Ottawa, où se trouvait justement le premier ministre d'Israël, Benyamin Nétanyahou, hier matin.
Stephen Harper, qui avait l'occasion, lors d'un tête-à-tête avec M. Nétanyahou, de poser des questions et d'exprimer sa réprobation, a plutôt choisi les termes les plus conciliants, tout en déplorant que cet incident perturbe la visite de son homologue.
«Le Canada regrette profondément les pertes de vie et les blessures causées dans cet incident. Nous cherchons à obtenir tous les renseignements nécessaires afin de découvrir ce qui s'est vraiment passé, a dit M. Harper.
«Je suis désolé que cet événement porte ombrage à votre visite. Mais je suis ravi que nous ayons pu nous rencontrer dimanche soir et aujourd'hui. Nous avons eu des discussions importantes. Bienvenue au Canada encore une fois.»
Partout dans le monde, des gouvernements ont convoqué l'ambassadeur d'Israël pour exprimer leur indignation et demander des comptes. M. Harper pouvait le faire en présence de Benyamin Nétanyahou, mais il a plutôt déploré que l'»incident» perturbe sa visite.
En fin de journée, hier, pas un seul communiqué, pas un mot, concernant cette affaire sur les sites du Bureau du premier ministre ou des Affaires étrangères.
Normalement, en de pareilles circonstances (troubles armés dans un pays, affrontements entre pouvoir et opposition, escarmouches entre deux pays ou territoires, déclarations hostiles entre États), le ministère des Affaires étrangères diffusé dans les heures suivant un communiqué au langage diplomatique calibré selon la situation et selon les relations. Cela va d'un timide «le gouvernement du Canada se déclare préoccupé» à un très fort «le Canada condamne fermement».
Cette fois-ci, rien.
En fait, ce n'est pas tout à fait exact : dès avant midi, le Bureau du premier ministre a mis en ligne une photo de M. Harper serrant la main de son visiteur israélien. On trouvait aussi, sur le site des Affaires étrangères, une photo des ministres Cannon et John Baird accueillant M. Nétanyahou à Ottawa.
Quelques minutes avant la rencontre Harper-Nétanyahou, le directeur des communications de M. Harper, Dimitri Soudas, a envoyé aux journalistes le seul commentaire officiel du gouvernement : «Le Canada regrette profondément les pertes de vie et les blessures causées dans cet incident. Nous cherchons à obtenir plus de renseignements afin de faire la lumière sur ce qui s'est passé exactement.» Les mêmes mots repris textuellement par M. Harper.
M. Soudas, comme tous les membres du personnel politique, ne peut plus témoigner devant des comités parlementaires, comme l'a décrété son patron, mais c'est lui qui diffuse les commentaires officiels au nom du gouvernement !
Une telle retenue cachait mal le malaise du gouvernement Harper. Elle tranchait aussi avec les réactions entendues ailleurs, comme celle du ministre français des Affaires étrangères, Bernard Kouchner : «Rien ne saurait justifier l'emploi d'une telle violence que nous condamnons.»
Dimanche soir, alors que l'assaut sur la flottille était en préparation, Benyamin Nétanyahou était en compagnie de Stephen Harper à Toronto, où il a qualifié le premier ministre d'»allié inébranlable d'Israël».
Au Canada et ailleurs dans le monde, on reproche de plus en plus à M. Harper d'appuyer aveuglément Israël, au mépris des nuances nécessaires pour comprendre et soupeser les enjeux du Moyen-Orient.
À l'été 2006, Stephen Harper, tout juste élu premier ministre, avait froissé bien des Canadiens en prenant résolument le parti d'Israël, qui avait lancé une opération militaire au Liban. Personne ici ne nie à Israël le droit de se défendre, mais la force de la réplique avait été jugée disproportionnée par la communauté internationale.
Michael Ignatieff, alors aspirant chef libéral, avait lui aussi perdu pied sur le terrain glissant du Moyen-Orient. Après avoir déclaré que les enfants libanais morts sous les bombes israéliennes ne l'empêchaient pas de dormir, il avait affirmé que l'État hébreu avait commis un crime contre l'humanité au Liban.
Hier, dans la tourmente, M. Ignatieff a publié un communiqué prudent, dans lequel il va toutefois plus loin que le gouvernement conservateur.
«(...) Nous reconnaissons à Israël le droit de se défendre. Mais dans cette région, il est important que la réponse à des menaces à la sécurité soit mesurée. Puisque des civils sont morts, nous demandons à recevoir des éclaircissements (...)», peut-on lire dans ce communiqué.
Du côté du NPD, Jack Layton, s'est montré plus ferme, réclamant lui aussi une enquête indépendante.
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