Lorsque le Dr Gaétan Barrette a fait le saut en politique – avec la CAQ d’abord, ne l’oublions pas –, un énorme soupir de soulagement a secoué l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont où sévissait le radiologiste.
Hier, La Presse a publié les résultats d’une enquête sur le comportement du docteur Barrette à l’époque où il était à l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont. Selon l’article et bien qu’il s’en défende, on peut le qualifier désormais d’intimidateur hors norme. Non seulement il exerçait son autorité à coups de « crisse », de « tabarnak » et autres expressions liturgiques, mais il pratiquait l’humiliation sur ses pairs, il faisait pleurer des collègues femmes et il menaçait des médecins en promettant de les détruire professionnellement. Il y a réussi dans certains cas, car il transformait le milieu de travail en terrain de guerre de tranchées.
Monarque
Depuis qu’il a kidnappé en quelque sorte le ministère de la Santé, il en est le monarque. Mais dans la fonction publique et les associations médicales, les langues se délient moins facilement. Transformé sous sa gouvernance en un État dans l’État, son ministère étend ses ramifications jusqu’au fond des couloirs des hôpitaux et des cliniques. Et sans doute le Dr Couillard le craint-il aussi.
Ses colères sont homériques et même ceux qui lui doivent leur nomination le craignent davantage qu’ils l’affectionnent. Le Dr Barrette fait peur et, à l’évidence, ne cherche pas à être aimé. Contrairement à nombre de Québécois, il n’est pas un carencé affectif.
Il faut alors se poser la question qui tue. Comment expliquer que ce docteur en intimidation n’a jamais fait l’objet de plaintes ? Il a suffi de la dénonciation d’une étudiante du Conservatoire d’art dramatique pour que Gilbert Sicotte, un immense acteur et un professeur mythique, soit assassiné professionnellement à la suite d’un reportage de Radio-Canada. Vingt-quatre heures plus tard, le tribunal des réseaux sociaux prononçait sa mise au rancart.
Intouchable
« Selon que vous serez puissant ou misérable/Les jugements de cour vous rendront blanc ou noir », écrivait Jean de La Fontaine. Le Dr Barrette, qui a le gabarit de son tempérament et de sa personnalité, semble intouchable. En cela, il ressemble à Donald Trump. Le président américain a été accusé, lui, d’agressions et de harcèlements sexuels par nombre de femmes, se comporte en caractériel, insultant ses collaborateurs et éclaboussant violemment ses adversaires. Hillary Clinton en premier lieu. Or, à ce jour, il s’en sort encore indemne.
Le ministre de la Santé ajuste son comportement en fonction de ses interlocuteurs. Il pratique l’humour comme instrument de séduction avec certains journalistes pour les neutraliser, il flatte ses courtisans et détruit les opposants qui s’interposent pour lui bloquer la route vers le pouvoir dont il aime se saouler.
En fait, le Dr Barrette vit dans l’omnipotence. Il se croit supérieur à tous ceux qui l’entourent et c’est à se demander qui pourra le ramener à la raison. À quoi bon faire campagne contre l’intimidation en milieu de travail et à l’école si le plus visible et puissant intimidateur, membre du gouvernement de surcroît, sert de modèle intouchable ?