Un moratoire, sans le nom

Le Québec et la question environnementale



Le ministre Pierre Arcand a rendu publique hier le rapport du BAPE sur l'industrie des gaz de schiste.
PHOTO: ANDRÉ PICHETTE, LA PRESSE


François Cardinal La Presse - C'est un rapport exemplaire que le BAPE a dévoilé, hier, malgré le peu de temps alloué à ses auteurs. Tout y est pour paver la voie à une exploitation responsable de ce gaz non conventionnel... ou au contraire, l'arrêter net dans son élan destructeur.
Le rapport constitue en effet un formidable plan de match pour les cinq prochaines années, plan auquel le gouvernement souscrit entièrement. Cela permettra de prendre le temps nécessaire pour évaluer la pertinence d'extraire cette ressource et préciser, le cas échéant, la façon d'y parvenir en tout respect des citoyens et de l'environnement.
D'emblée, le BAPE confirme les craintes des opposants, trop rapidement qualifiées d'alarmistes, en convenant que «pour certaines questions fondamentales, les réponses sont partielles ou inexistantes». Pour ne pas dire inquiétantes.
Les commissaires notent par exemple les risques réels d'explosion en cas de fuite et de migration du gaz naturel... précisément ce que l'on a constaté ces derniers mois au puits de La Présentation. Ils soulignent qu'il n'existe aucune évaluation des risques que posent les résidus de forage pour la santé... même si ceux-ci peuvent contenir des liquides radioactifs.
Corollaire de cet inquiétant constat, le BAPE ne recommande ni plus ni moins que la tenue d'une «évaluation environnementale stratégique» (EES), une analyse scientifique à grand déploiement que l'on s'est rarement permis au Québec tant elle est exigeante.
Les audiences publiques du BAPE n'ayant permis qu'un survol de la question, l'EES permettra en effet de construire une solide base de connaissances techniques propres au sol québécois, d'analyser dans le détail les impacts potentiels, de recenser les meilleures pratiques à l'étranger et d'évaluer avec neutralité les retombées économiques de l'exploitation. Le tout, bouclé par une large consultation publique.
L'évaluation stratégique est d'autant plus intéressante qu'elle peut se conclure par une recommandation que le BAPE ne pouvait se permettre: l'abandon pur et simple de cette filière, si besoin est, comme cela fut fait pour l'exploitation dans l'estuaire maritime.
Dernier point à retenir: l'expulsion du ministère des Ressources naturelles de cet épineux dossier. Le BAPE suggère bien de lui laisser quelques tâches secondaires, mais il attribue surtout au ministère de l'Environnement la responsabilité première de l'encadrement de l'industrie, avec la complicité des élus locaux et des citoyens, réunis en comités de concertation.
Voilà qui change complètement la donne. Car à l'heure actuelle, les décisions des Ressources naturelles interfèrent trop souvent avec celles de l'Environnement, deux ministères qui se regardent en chiens de faïence, quand ils ne sont pas carrément en guerre ouverte.
C'est donc à un moratoire, sans le nom ni les inconvénients, que le BAPE nous convie, une pause de quelques années qui n'empêchera pas une exploitation future des shale gaziers... à condition que cela puisse se faire de façon responsable.


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