Une loi inutile et inefficace

Enquête sur la corruption municipale - Affaire Gilles Vaillancourt




Il est juste de qualifier de «crise des institutions» la vague de scandales qui secoue le monde municipal, l'infiltration des entreprises de construction et des syndicats par la pègre, et finalement la problématique du financement des partis politiques à tous les niveaux.
Crise, car dans cette ère «post-révolution» tranquille, les institutions dotées de normes ne semblent plus respectées par les acteurs du système: les élections clés en main sont réapparues dans le paysage politique, le faible taux de participation aux élections municipales et scolaires sape le principe britannique suivant lequel «no taxation without representation», ce qui risque de nous exposer aux pires dérives. Enfin, la loi sur le financement des partis politiques apparaît violée à plusieurs égards.
Notre démocratie est fragile et nous sommes de plus en plus vulnérables. En absence de gouverne de l'État, les médias font un travail de casse sur le dos des élus, augmentant le cynisme d'une population qui se croit impuissante.
Dire aujourd'hui que vous êtes un élu municipal, c'est éveiller la suspicion chez le citoyen, celui que nous sommes censés représenter. Beau dilemme. Qui voudra se présenter à un poste électif dans les années à venir?
Comment retrouver la confiance du citoyen? Un code d'éthique et de déontologie en matière municipale suffira-t-il?
Le vérificateur général du Québec a pour mandat de favoriser, par la vérification, le contrôle parlementaire sur les fonds et autres biens publics. Dans la Loi sur le vérificateur général, on identifie les nombreuses corporations publiques susceptibles d'être vérifiées. Pourtant, le vérificateur général n'a aucun mandat pour contrôler les fonds dépensés par les municipalités.
Les municipalités, création de l'État québécois, dépensent annuellement plus de 15 milliards de dollars en fonds publics pour l'administration de leurs commettants. Pour les régenter, dans la tourmente actuelle, le gouvernement n'a rien trouvé de mieux que d'imposer une loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale.
Les 1104 municipalités du Québec vont s'empêtrer dans 1104 codes d'éthique que la loi les oblige à adopter, tout aussi variés les uns que les autres, avec en prime un bon nombre d'entre elles qui n'ont même pas les moyens d'en constituer un, tellement les ressources leur manquent. Comme la Loi sur l'éthique et la déontologie ouvre la porte à la délation et aux accusations sans fondement, les guerres politiques locales risquent de miner ce qui restait d'efficacité à l'administration municipale.
Le vérificateur qui relève de l'Assemblée nationale a les moyens de questionner les différentes administrations sous sa vérification et il a démontré son efficacité par le passé. Le gouvernement n'aurait qu'à élargir le mandat du vérificateur et l'étendre aux municipalités et à leurs régies, et aussi fournir les ressources adéquates pour permettre la réalisation de cet élargissement de la mission du vérificateur.
Au moment où le Québec a besoin de se renouveler à tous les égards, la crise des institutions doit déboucher sur une réflexion de la démocratie au Québec. Au niveau municipal, l'arrivée d'Éric Forest à la tête de l'Union des municipalités du Québec (UMQ) augure bien, puisqu'il propose rien de moins qu'un sommet sur l'organisation municipale afin de rétablir la confiance de la population envers leurs élus. L'UMQ et la Fédération québécoise des municipalités sont les représentants autorisés des municipalités et des élus au Québec. Il s'agit là de deux acteurs incontournables pour réhabiliter la fonction d'élu dans l'opinion publique.
Enfin, cette réhabilitation passera nécessairement par une Commission d'enquête réclamée à grands cris par tous les intervenants touchés, élus municipaux au premier chef. Si le gouvernement déclenchait cette commission, des représentants des regroupements des municipalités devraient en faire partie.
L'application de la Loi sur l'éthique et la déontologie en matière municipale devrait être retardée, puisqu'à court terme, tant qu'une commission d'enquête n'aura pas apporté un éclairage suffisant pour comprendre la corruption systémique à laquelle nous faisons face, une telle loi s'avérera n'être qu'une mascarade pour retarder une telle commission. Elle sera inutile et inefficace.
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Vincent Arseneau
Titulaire d'un baccalauréat en science politique et d'une maîtrise en administration publique, l'auteur est conseiller municipal à Sainte-Thérèse depuis cinq ans.


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