Fureur populaire

Le premier ministre a raison de ne pas trop prendre au sérieux cette pétition qui, à l'heure d'Internet, se répand comme une traînée de poudre.

Enquête sur la corruption municipale - Affaire Gilles Vaillancourt


Le climat de méfiance qui sévit au Québec est tel que le moindre doute, la moindre controverse soulevée à propos d'un politicien déclenche un immense tollé de protestation qui prend une ampleur démesurée.
Ainsi, le maire de Laval, Gilles Vaillancourt, s'est retrouvé depuis trois jours au coeur d'une tempête médiatique à la suite d'une accusation de tentative de corruption par Serge Ménard qui représente depuis presque 20 ans un coin de Laval d'abord à l'Assemblée nationale, puis aujourd'hui à la Chambre des communes. M. Ménard a dit qu'à l'aube de sa carrière politique, en 1993, le maire de Laval lui aurait offert une enveloppe contenant quelque 10 000 $ en billets. M. Ménard, qui allait devenir ministre québécois de la Sécurité publique dans les gouvernements péquistes de Jacques Parizeau, Lucien Bouchard et Bernard Landry, a dit qu'il a refusé l'aide et rappelé à M. Vaillancourt qu'une contribution légale ne devrait pas dépasser 3000 $, et se faire par chèque.
Une accusation similaire, mais non chiffrée, a été portée par Vincent Auclair, député libéral de la circonscription lavalloise de Vimont.
Mardi, le maire Vaillancourt a nié toutes ces allégations, et menacé de poursuite en diffamation les deux élus, s'ils ne corrigeaient pas leurs propos.
Mais il n'en fallait pas plus pour que les cris fusent. La chef du Parti québécois, Pauline Marois, qui s'est dite « profondément choquée », est d'avis que M. Vaillancourt devrait quitter la mairie le temps d'une enquête, et son parti a demandé que la Ville de Laval soit mise sous tutelle.
Sans prétendre que le maire Vaillancourt est blanc comme neige, il faut conclure de ces tempestueuses journées ont provoqué des appels qui dépassent le bon sens. Aucune preuve n'a été déposée par les deux députés, nous nous retrouvons dans une situation où des personnes ont des souvenirs différents d'un même événement. C'est une question de la parole de l'un contre la parole de l'autre. Comme dans le cas de Marc Bellemare, l'ancien ministre de la Justice qui a accusé le gouvernement Charest d'être influencé par ses argentiers : nous savons où cela nous a menés, avec la commission Bastarache, dont le rapport devrait être déposé au début de 2011.
Et comme dans le cas de Larry O'Brien, l'ex-maire d'Ottawa, accusé de trafic d'influence à cause d'une conversation qu'il avait eue avec Terry Kilrea, un candidat à la mairie en 2006. M. O'Brien a été blanchi lors d'un procès, au printemps 2009.
Les accusations dans le cas de M. O'Brien étaient plus sérieuses que dans celui de M. Vaillancourt parce qu'une enquête préliminaire de la Police d'Ottawa a conclu qu'il y avait suffisamment d'éléments au dossier pour justifier un procès. Jamais a-t-il été suggéré que Larry O'Brien quitte son poste pendant l'enquête : il l'a fait pendant le procès. Au mieux son autorité morale a-t-elle été diminuée dans l'attente du procès...
Une procédure semblable serait souhaitable dans le cas de Gilles Vaillancourt. Que la police fasse d'abord enquête pour voir s'il y a matière à procès, et que la cour procède par la suite, si nécessaire.
Ce délire dans l'opinion publique se constate aussi par un autre phénomène, une pétition électronique sur le site internet de l'Assemblée nationale demandant au premier ministre Jean Charest de démissionner. Hier soir, ce mouvement populaire avait rallié plus de 160 000 personnes.
Cet élan protestataire peut se comprendre : LeDroit, comme bien d'autres - et même le mouvement syndical de la FTQ, réclame une vaste commission d'enquête sur le vaste thème de l'octroi des contrats de l'État, de diverses pratiques illégales dans l'industrie de la construction (collusion, violence) et de leurs liens avec le financement des partis politiques au Québec. Le premier ministre a raison de ne pas trop prendre au sérieux cette pétition qui, à l'heure d'Internet, se répand comme une traînée de poudre. Mais sur les raisons qui sous-tendent cette pétition, Jean Charest devrait agir. Il a encore une chance de se gagner le respect des Québécois alors que des doutes sur tout un pan de l'industrie au Québec et du fonctionnement démocratique de nos institutions sont perturbés par un flot de soupçons et d'allégations sur lesquelles il faut faire la lumière.


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