Vague d'indignation autour des taxes américaines sur l’acier et l’aluminium

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Trump veut lancer une guerre commerciale

Donald Trump a loué vendredi les mérites des «guerres commerciales» après avoir annoncé l’imposition de fortes taxes sur les importations d’acier et d’aluminium aux États-Unis, provoquant l’ire de leurs principaux alliés.


«Quand un pays (les États-Unis) perd des milliards de dollars en commerçant virtuellement avec tous les pays avec lesquels il fait des affaires, les guerres commerciales sont bonnes et faciles à gagner», a tweeté le président américain à l’aube, après avoir affirmé la veille qu’il promulguerait dès «la semaine prochaine» de nouvelles mesures tarifaires.


M. Trump a évoqué des tarifs douaniers de 25% pour l’acier et de 10% pour l’aluminium sans toutefois préciser quels pays seraient visés. Il a en revanche assuré qu’»elles seront appliquées pour longtemps».


L’Union européenne «va réagir fermement et proportionnellement pour défendre (ses) intérêts», a rétorqué le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker, ajoutant que la Commission présenterait «dans les prochains jours une proposition de contre-mesures contre les États-Unis, compatibles avec les règles de l’OMC (Organisation mondiale du commerce), pour rééquilibrer la situation».


M. Juncker a été épaulé vendredi par l’Allemagne. Berlin «rejette» la décision de M. Trump, a déclaré Steffen Seibert, porte-parole d’Angela Merkel, en soulignant qu’elle ne permettrait «pas de régler le problème des surcapacités mondiales dans la sidérurgie».


Le ministre français de l’Économie Bruno Le Maire a prévenu qu’une guerre commerciale «ne fera que des perdants». Si de telles mesures étaient confirmées, elles auraient «un impact majeur» sur l’économie européenne, a-t-il mis en garde.


Réaction mesurée de la Chine


Du côté du Canada, premier partenaire commercial de Washington, le ministre du Commerce international François-Philippe Champagne a prévenu que toute éventuelle taxe douanière imposée par les États-Unis serait «inacceptable».


Moscou a pour sa part déclaré «partager la préoccupation» de «nombreuses capitales européennes».


Premier producteur mondial d’acier, mais qui n’en vend que très peu aux États-Unis, la Chine --deuxième partenaire commercial des États-Unis-- s’est en revanche abstenue d’évoquer cette fois d’éventuelles mesures de rétorsion, se contentant d’appeler les États-Unis à «réfréner leur recours à des mesures protectionnistes».


Un conseiller économique du président chinois Liu He est en visite depuis jeudi à Washington où il doit rencontrer des responsables de la Maison-Blanche, mais pas M. Trump, pour évoquer les tensions commerciales entre les deux pays.


Le constructeur automobile Toyota a mis en garde contre une augmentation considérable «des prix des voitures et camions vendus en Amérique», s’il n’était plus en mesure d’y importer de l’acier bon marché.


Donald Trump, en rencontrant jeudi les industriels américains du secteur de l’acier et de l’aluminium, les avait exhortés à reconstruire leurs industries en profitant de la protection offerte par ces taxes.


Après la nouvelle avalanche de réactions, il a envoyé tweeté une seconde fois vendredi: «Nous devons protéger notre pays et nos travailleurs. Notre industrie sidérurgique est en mauvais état».


«Si on n’a pas d’acier, on n’a pas de pays!», a conclu le président, écrivant tout en majuscules.


Il avait en principe jusqu’au 11 avril dans le cas de l’acier et jusqu’au 19 avril dans celui de l’aluminium pour se prononcer sur des mesures visant ces importations qu’il accuse d’être subventionnées et écoulées à des prix inférieurs à leurs coûts de production (dumping).


Coup de froid sur les marchés


L’annonce surprise du président américain a jeté un coup de froid sur les places boursières de la planète. Après une forte baisse de 1,72% à Wall Street jeudi, Tokyo a lourdement chuté de 2,50% en clôture vendredi, Hong Kong et les Bourses de Chine continentale accusant également le coup tandis que les places européennes évoluaient aussi en territoire négatif.


Le président de la Banque centrale américaine (Fed) Jerome Powell, qui vient de prendre ses fonctions après avoir été nommé par Donald Trump, a également fait part de ses réticences face à l’arme des sanctions commerciales, estimant que «les droits de douane n’étaient pas la meilleure approche» et que, «d’une façon générale», les échanges commerciaux avaient «un impact positif» sur l’économie.


L’administration Trump a dévoilé mi-février trois scénarios pour taxer les importations d’aluminium et d’acier, mettant en avant la nécessité de préserver la sécurité nationale et les emplois aux États-Unis.


La première option consisterait à taxer l’ensemble des importations de ces deux secteurs jugés stratégiques, la deuxième propose une taxation encore plus lourde envers certains pays et la troisième verrait la mise en place de quotas, avait expliqué le ministre du Commerce Wilbur Ross.


Les États-Unis sont les plus gros importateurs d’acier au monde. Leurs principaux fournisseurs sont le Canada (16%), le Brésil (13%) et la Corée du Sud (10%), loin devant la Chine qui compte pour moins de 2% des importations totales.


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L'UE élabore une liste de produits américains à taxer


La Commission européenne élabore une liste ciblée de produits américains qu’elle pourrait lourdement taxer afin d’envoyer «un message politique» à Donald Trump si le président américain confirme son projet de taxer l’acier et l’aluminium, a-t-on appris vendredi auprès d’une source européenne.


«Il y aurait des produits en acier et en aluminium, mais aussi des produits industriels, agricoles et alimentaires», a expliqué cette source, affirmant que l’Europe était «prête à agir dès qu’il y a une confirmation précise» de la part de Washington et éventuellement dès la semaine prochaine.


Des médias ont évoqué la possibilité pour l’UE de mettre en oeuvre des mesures de rétorsion très spécifiques sur des produits fabriqués dans les Etats dont les électeurs sont les plus favorables à Donald Trump, comme le bourbon du Kentucky, les oranges de Floride ou encore les motos Harley-Davidson.


Ces produits peuvent «en faire partie, mais la liste n’est pas définitivement arrêtée», a répondu la source européenne, qui travaille à la Commission.


«Il faut trouver un bon équilibre entre le message politique envoyé à Trump et les produits dont on a besoin», a-t-elle ajouté, précisant que ces contre-mesures seraient mises en place «en conformité avec les règles de l’Organisation mondiale du commerce (OMC)».


Donald Trump a annoncé jeudi qu’il allait frapper de fortes taxes les importations d’acier et d’aluminium aux Etats-Unis, au risque de provoquer une guerre commerciale avec ses principaux partenaires commerciaux dont la Chine et l’UE.


«Je les promulguerai la semaine prochaine», a-t-il affirmé. Le président américain a évoqué des droits de douane de 25% pour l’acier et de 10% pour l’aluminium sans toutefois spécifier quels pays ils viseront.


Moins de deux heures plus tard, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, promettait des «contre-mesures» pour «rééquilibrer la situation».


«Nous ne resterons pas les bras croisés pendant que notre industrie est frappée par des mesures injustes», a-t-il expliqué, précisant que ces propositions, destinées à protéger l’UE, deuxième producteur mondial d’acier après la Chine, seraient présentées «dans les prochains jours».


«Je crois comprendre que la confirmation formelle (de Donald Trump) aura lieu jeudi prochain donc nous devrons attendre jusqu’à ce que la décision soit prise, ainsi que son contenu exact», a déclaré vendredi la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, en déplacement à Singapour.


En 2002, les Européens avaient déjà menacé de taxer certains produits américains de manière ciblée quand l’administration Bush avait déclenché une «guerre de l’acier».


La liste ne s’arrêtait pas aux produits sidérurgiques, mais comportait aussi des produits comme le jus d’orange, les pommes, les lunettes de soleil, des bateaux à moteurs ou les photocopieuses, pour un montant correspondant globalement au préjudice subi par les exportateurs d’acier européens.


Les Etats-Unis avaient finalement renoncé à leurs mesures avant que l’UE n’ait mis sa menace à exécution.


L’OMC s’inquiète des tarifs de Trump


Le patron de l’Organisation mondiale du Commerce (OMC) a confié vendredi que son agence est «clairement préoccupée» par les intentions du président américain Donald Trump d’imposer des tarifs sur les importations d’acier et d’aluminium, et il a mis en garde contre une éventuelle escalade.


Roberto Azevedo a dit qu’une «guerre commerciale ne serait dans l’intérêt de personne».


Un porte-parole de l’OMC a transmis les commentaires de M. Azevedo à l’Associated Press par courriel, quelques heures seulement après que M. Trump eut lancé sur Twitter que «quand un pays (les États-Unis) perd des milliards de dollars en échanges commerciaux avec pratiquement tous les pays avec qui il fait affaire, les guerres commerciales sont une bonne chose, et faciles à gagner».


M. Azevedo a prévenu que «le potentiel d’une escalade est bien réel, comme le démontre la réponse initiale des autres».


Il a dit que l’OMC «épiera la situation de très près».


M. Trump a annoncé jeudi son intention d’imposer des tarifs de 10 pour cent sur les importations d’aluminium et de 25 pour cent sur les importations d’acier à compter de la semaine prochaine.


L’Union européenne étudierait déjà la possibilité des surtaxes de représailles, dont un tiers qui ciblerait l’acier, un tiers l’agriculture et un tiers d’autres produits.


«Nous n’allons pas rester assis (...) pendant que notre industrie est menacée par des mesures injustes, a dit le commissaire européen Alexander Winterstein. Nous allons répliquer rapidement, fermement, et de manière proportionnelle.»


Le ministre français des Finances, Bruno Le Maire, a dit aux journalistes à Paris qu’il prévoit discuter d’une réplique avec ses homologues allemand et britannique.


«Les États-Unis doivent comprendre que si ces décisions unilatérales sont confirmées et maintenues, elles provoqueront une réaction forte, coordonnée et unie de l’Union européenne», a-t-il dit.


Les producteurs allemands représentent environ 4 pour cent des importations américaines d’acier. Le ministre des Affaires étrangères Sigmar Gabriel a dit que l’annonce de M. Trump soulève des «inquiétudes graves» et qu’une surtaxe uniforme punirait tout le monde.


«Contrairement à ce que font possiblement d’autres pays, il n’y a aucun dumping de la part de l’Allemagne ou de firmes européennes», a-t-il dit.


Les 28 membres de l’Union européenne génèrent environ 21 pour cent des importations américaines d’acier, et M. Gabriel a dit que le tarif menacerait des milliers d’emplois en Allemagne.


La Chambre de commerce des États-Unis dans l’Union européenne a dit qu’elle partage les inquiétudes du président Trump, mais que sa proposition ne fera rien pour régler «la production excédentaire de la Chine qui est au coeur du problème». Sa patronne, Susan Danger, craint maintenant des représailles qui pourraient nuire aux firmes américaines en Europe.


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