Les six jours d'émeute qui viennent de se dérouler au pied du Parthénon peuvent passer pour un événement exotique. Une simple affaire européenne ou grecque sans grand rapport avec ce qui se passe dans le reste du monde. Sous l'oeil étonné des dieux antiques, qui en ont pourtant vu d'autres, la jeunesse athénienne a tenu tête aux policiers pendant six jours en plein centre d'Athènes, dans le quartier d'Exarchia, près de l'école polytechnique.
Les causes de ce soulèvement violent sont nombreuses et tiennent évidemment au contexte politique grec. Maladresses policières et corruption ont miné la crédibilité d'un gouvernement qui ne tient plus qu'à un fil. Mais surtout, les étudiants grecs sont les premiers à exprimer ouvertement leur colère face à une récession qui n'a pourtant encore montré que le bout de son nez. Or, le sort de la jeunesse grecque n'est pas si différent de celui que pourraient bientôt connaître les jeunesses française, allemande, américaine ou même québécoise.
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Le jeune Alexis, 15 ans, qui a été tué par la balle d'un policier samedi soir, était un fils de bonne famille. Comme toute la jeunesse grecque, il n'avait jamais connu véritablement la crise. La Grèce fait partie de ces pays pour lesquels l'adhésion à l'Union européenne dans les années 80 a représenté le point de départ d'une croissance et d'une modernisation exceptionnelles. Depuis un quart de siècle, malgré des hauts et des bas, la jeunesse grecque n'a pratiquement connu qu'une économie en expansion. La croissance de la Grèce a été l'une des meilleures parmi les pays de l'OCDE et de l'Union européenne.
Avec un taux de chômage de 7 % chez les jeunes diplômés (contre 4,6 % en moyenne dans l'Union européenne), cette jeunesse voit pour la première fois son avenir s'assombrir. C'est la «génération à 700 euros», comme on la surnomme pour souligner la médiocrité du salaire mensuel qui attend les jeunes diplômés à la sortie des universités. Un salaire qui pourrait demain être remplacé par le chômage. Cette jeunesse a aussi le sentiment que les pouvoirs publics se désintéressent de l'éducation et qu'on l'abandonne à son sort. Pas besoin de beaucoup d'imagination pour imaginer que, demain, la jeunesse de nombreux pays, dont le Québec, pourrait avoir la même impression.
Mon collègue Gérard Bérubé rappelait cette semaine que la dernière véritable récession (classique et non technique) au Québec datait de 1992. La situation n'est pas très différente en Europe. Cela signifie que la génération qui est entrée sur le marché du travail au début des années 90 et qui a aujourd'hui de jeunes enfants n'a pratiquement jamais connu de récession. Elle affrontera pour la première fois l'incertitude économique qu'ont connue les générations précédentes, qui avaient traversé les graves récessions de 1992 et 1982. Qui se souvient que le Québec avait alors connu des taux de chômage de 15 %?
L'extraordinaire croissance des 16 dernières années avait laissé planer l'illusion que nous en avions fini avec les récessions. Voilà qui explique en partie la panique que l'on sent dans certaines descriptions de la crise en cours. Sur le plan technique, il n'est pas faux de comparer la crise financière que nous vivons à celle de 1929. Mais l'évocation de la misère dans laquelle ont été plongés des millions de gens entre les deux guerres laisse pour l'instant songeur. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y aura pas de soubresauts. Au contraire, ceux-ci pourraient être d'autant plus importants que les jeunes générations affronteront pour la première fois une situation à laquelle elles sont peut-être moins préparés que les précédentes. Comme pour les étudiants grecs aujourd'hui, l'éloge de la richesse et de l'argent facile qui a jalonné les années 1990 et 2000 leur apparaîtra tout à coup comme un horrible mensonge. Un miroir aux alouettes. Or, il n'y a rien de pire que de se sentir trahi.
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Le retour de la crise, c'est aussi le retour du chacun pour soi. Les États-Unis n'ont pas le choix de se lancer dans un vigoureux plan de relance. La première économie du monde a d'ailleurs une capacité de s'endetter que n'ont pas les autres pays. L'Union européenne, dont les représentants sont réunis depuis hier à Bruxelles, avance de son côté en rangs dispersés. Elle peine à réunir les 200 milliards d'euros (1,5 % du PIB européen) annoncés par Nicolas Sarkozy.
À un bout du spectre, la France et la Grande-Bretagne proposent un plan massif de relance. La Grande-Bretagne, dont le système financier a été le plus ébranlé d'Europe, a choisi une baisse de 2,5 points de la TVA afin de relancer la demande immédiatement. La facture monte à 23 milliards d'euros. Nicolas Sarkozy n'a pas cette marge de manoeuvre. Il a néanmoins annoncé pour la France un plan de 26 milliards. En réalité, l'effort réel sera plus près des 20 milliards, le président ayant recyclé plusieurs vieux projets.
L'Allemagne refuse encore de fournir plus que les 36 milliards déjà annoncés. Elle a adopté pour l'instant une attitude de «wait and see» qui ressemble étrangement à celle du Canada. Alors que certains s'inquiètent de la lenteur à réagir de Stephen Harper, les mêmes critiques s'abattent aujourd'hui sur Angela Merkel.
Pourtant, la chancelière a ses raisons. Comme le Canada, l'Allemagne est encore dans une situation économique relativement enviable. Elle a, elle aussi, considérablement réduit son déficit budgétaire. Ce n'est donc pas la capacité d'intervention qui manque. Mais, comme celle du Canada, l'économie allemande est largement axée sur l'exportation. Il est donc plus difficile de relancer ces économies en agissant principalement sur la demande intérieure. L'Allemagne craint aussi de devoir payer à terme pour des voisins comme la France, qui n'ont pas fait preuve de la même discipline fiscale. Ce qui compromettrait ses capacités de rebondir dès que la récession tirera à sa fin.
Il n'y a pas que les étudiants grecs qui affrontent la première véritable récession de leur vie.
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