Abolir tous transferts fédéraux aux provinces à l'exception de la péréquation

Tribune libre 2010


Un des principes de base de la bonne gouvernance de la gestion du secteur public est que l'administration publique qui est en charge d'un service taxe les contribuables pour ce service. Exception faite du programme de péréquation, les programmes de transferts du gouvernement fédéral aux provinces qui sont d'une valeur totale de 36,6 milliards de dollars en 2010-2011 (25,4 G$ pour les transferts en santé et 11,2 G$ pour les transferts liés aux programmes sociaux, au total près de 1 075 $ par habitant) contreviennent à ce principe de base.
Le gouvernement fédéral n'offre pas ces services et agit simplement comme un intermédiaire fiscal non nécessaire. Le programme de péréquation (14,4 G$ en 2010-11) diffère de ces deux programmes de transferts parce qu'il offre un service fédéral de redistribution de la richesse des provinces les plus riches vers celles qui sont moins riches.
Pourquoi le gouvernement fédéral taxerait les contribuables d'une province pour un montant additionnel de X milliards de dollars (ou de Y dollars par habitant) pour donner ensuite ce même montant au gouvernement de cette province pour lui permettre de payer les soins de santé qu'il offre à ses citoyens ? Cela ne fait aucun sens ; c'est au gouvernement de cette province de taxer ses contribuables pour un montant additionnel de X milliards de dollars (ou de Y dollars par habitant) de façon à payer l'entièreté des services de santé dont il est responsable. C'est également à lui de rendre des comptes à ses citoyens pour les services de santé offerts et pour les revenus collectés à cette fin.
Une des raisons utilisées pour justifier l'existence des transferts fédéraux en santé est liée au besoin de répartir plus uniformément la richesse entre les provinces. Le gouvernement fédéral collecte un peu plus dans une province riche qui ne verse à son gouvernement et, inversement, il collecte un peu moins dans une province moins riche qu'il verse à son gouvernement. Cet effort de redistribution, si elle est jugée nécessaire, devrait être accompli par le biais du programme de péréquation.
L'idée que l'existence des transferts en santé permet au gouvernement fédéral d'imposer des priorités et des façons de faire aux provinces dans leur domaine de compétence pour compenser les lacunes de leur gestion ne tient pas la route. Finalement, la menace de couper entièrement ou en partie les transferts en santé au gouvernement d'une province pour la forcer à suivre la Loi canadienne sur santé ne tient pas également la route puisqu'il a à sa disposition bien d'autres moyens de pression.
La façon de remédier à la situation présente est simple. Le gouvernement fédéral abandonne les programmes de transferts aux provinces dans la santé et dans les services sociaux, réduit sa ponction fiscale et augmente d'un montant équivalant celle des provinces en transférant des points d'impôt. La grande difficulté pour mettre en place de tels changements est liée à l'absence de leaders politiques, tant dans les provinces qu'à Ottawa, pour choisir cette solution à long terme et en faire la promotion auprès du grand public. À Ottawa, on ne veut pas perdre l'opportunité de faire des promesses électorales et d'agir dans ces domaines, même si ce pouvoir a été acquis par un envahissement des domaines de compétence provinciale. Les gouvernements provinciaux, accaparés par des problèmes de court et de moyen terme, se complaisent dans cette dépendance financière vis-à-vis le gouvernement central en cherchant non seulement à la maintenir, mais aussi à l'augmenter.
Il faut donc s'attendre à la poursuite du tango entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux. La danse des négociations a repris de plus belle la semaine dernière lors de la rencontre du Conseil de la fédération. Si le gouvernement fédéral offre plus, les provinces taxeront moins. Si le gouvernement fédéral offre moins, les provinces taxeront plus. Si le gouvernement fait un pas en avant les provinces feront un pas en arrière. Et vice versa. Entre-temps, le non suivi d'une règle de base de gouvernance continuera de réduire l'efficacité du secteur public canadien.
* Pour en savoir plus sur les effets de redistribution des transferts fédéraux et sur le besoin de repenser ces programmes dans une perspective plus globale, voir http://www.eqtff-pfft.ca/submission... .
Auteur : Jean-Pierre Aubry

Featured 00a052ba5f5516e8dadd59c263105386

Jean-Pierre Aubry28 articles

  • 24 641

Économiste avec plus de 35 ans d’expérience dont 30 ans à la Banque du Canada. Membre du Comité des politiques publiques de l’Association des économistes québécois Fellow associé du CIRANO





Laissez un commentaire



3 commentaires

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    10 août 2010

    Pour en finir avec la péréquation:
    http://www.vigile.net/Pour-en-finir-avec-la-perequation
    JCPomerleau

  • Archives de Vigile Répondre

    10 août 2010

    Péréquation ou transferts fédéraux peu importe, nous sommes contre, nous du Parti indépendantiste (PI). La constitution de 1867 ou de 1982, c'est pour appauvrir et assimiler le Québec français.
    www.parti-independantiste.org

  • Archives de Vigile Répondre

    10 août 2010

    La péréquation est une légende urbaine, inventée par les Feds pour nous faire coller que le fédéralisme est rentable et que, sans les riches sables bitumieux de l'Alberta, on crèverait de faim icite!
    D'abord le 14 milliards de péréquation ne vient pas du tout des provinces riches. Edmonton, pas plus que Victoria ou Toronto ne mettent une cenne noire là-dedans. Le 14 milliards vient uniquement d'Ottawa, à même son budget de 280 milliards, à peine 5%.
    Certes le Québec reçoit bel et bien 8 miliards de péréquation, 55% du magot avec seulement 24% de la population canadienne. Mais le Québec ne reçoit que 15% des 19 milliards que les Conservateurs flambent dans leur machine de guerre. Seulement 11% des 4 milliards qui vont aux Pêcheries, seulement 9% des 6 milliards qui vont à l'agriculture et 9% des 7 milliards des Affaires indiennes (faudrait expliquer tout ça à nos 100 députés souverainistes)
    C'est sans compter la taxe de bienvenue, les 8 milliards qu'Ottawa nous charge pour la dette canadienne. En bout de ligne j'ai calculé, lorqu'on ne calcule que l'argent que l'on reçoit versus l'argent que l'on paie, qu'on s'est fait voler une soixantaine de milliards entre 2000 et 2007. .Voilà pour le mythe de la péréquation
    http://www.vigile.net/La-perequation-toute-une-legende