BOLDUC À L’ÉDUCATION

Ambiance «oikophobe»

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Antoine Robitaille a des lettres. Plus que trois.

Depuis son arrivée en poste, le nouveau ministre de l’Éducation, Yves Bolduc, tire plus vite que son ombre : le nouveau cours d’histoire au cégep ? Éliminé. La révision du cours d’histoire au secondaire ? Reportée. L’appel d’offres pour la création de chaires de recherche en matière de langue et d’identité ? Annulé. L’anglais intensif en 6e année ? En avant toutes.
Le projet d’ajout d’un cours d’histoire au collégial, bien sûr, avait déjà du plomb dans l’aile avant que M. Bolduc n’annonce sa décision. Des établissements et des syndicats avaient déploré une certaine précipitation. Sans se prononcer sur le cours en soi, le Conseil supérieur de l’éducation s’était opposé à cet ajout puisqu’à ses yeux, il aurait pour effet de réduire encore le nombre de cours au choix dans un DEC et aurait limité l’autonomie des établissements. M. Bolduc n’a donc pas eu de mal à éliminer cette idée déjà condamnée.

Dommage. Car une sorte d’oubli du Québec semble sévir dans les établissements collégiaux. Les cours tels Sociologie du Québec ou Fondements historiques du Québec, par exemple, sont peu ou plus enseignés. Faute de participants. Nulle surprise : la valeur cardinale en matière d’éducation, ces dernières années, est devenue l’« ouverture sur le monde ». L’« international » (programmes, bac, profils, etc.) constitue le qualificatif le plus convoité du monde de l’éducation. C’est là un autre terme pour « universel » ; vérité qui transcenderait les frontières. Valeur noble, indéniablement. Cependant, l’universel ne s’atteint pas seulement en voyageant, en découvrant « l’Autre », en s’immergeant dans « l’Ailleurs ». Il faut, d’abord, minimalement se connaître pour ça. Malheureusement, ces dernières décennies, la promotion de l’ouverture s’est souvent faite dans nos écoles au détriment de la connaissance de soi. Tout se passe comme si nous nous désintéressions de nous. De ce désintérêt à la haine de soi, il n’y a qu’un pas. Que plusieurs franchissent allègrement en cette triste période.

L’« oikophobie » croît. Ce néologisme, forgé par le philosophe anglais Roger Scruton et repris par Alain Finkilekraut dans L’identité malheureuse (Stock), signifie « haine de la maison natale [oikos en grec], et la volonté de se défaire de tout le mobilier qu’elle a accumulé au cours des siècles ».

Une atmosphère oikophobe ambiante au Québec a-t-elle motivé les décisions précipitées de M. Bolduc ? On peut faire l’hypothèse. Chose certaine, contrairement au projet de nouveau cours d’histoire au collégial, la révision de l’enseignement de cette matière au secondaire faisait l’objet d’un large consensus depuis que le programme de 2007 y avait été implanté. Or, une des seules raisons invoquées par M. Bolduc pour justifier le report de 90 projets pilotes prêts à être lancés à l’automne fut que ce nouveau programme avait une « teinte nationaliste ». Pour dire cela, il faut être oikophobe ; ou ne pas avoir lu le rapport « Le sens de l’histoire », déposé en début d’année et qui fondait le nouveau programme. Ce dernier proposait justement une synthèse non dogmatique entre l’histoire sociale et l’histoire politique, autour d’une trame nationale.

Quant à l’anglais intensif en 6e année, M. Bolduc semble vouloir faire fi de tous les appels à la prudence formulés par nombre de syndicats et d’experts depuis trois ans.

Du reste, M. Bolduc, il est vrai, parle de l’importance de la qualité du français. Mais on dirait qu’il le fait pour la forme. Un peu comme ce passage, ajouté à la dernière minute (selon le récit d’Alec Castonguay de L’actualité) au discours de victoire de Philippe Couillard, le 7 avril : « J’obtiens ce soir la responsabilité unique de défendre le seul peuple francophone en Amérique du Nord. »


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