Avec Berlusconi, l'Italie perd son souffre-douleur préféré

L'Empire, corruption et crime organisé



Michèle Leridon Agence France-Presse Rome
Il occupait les écrans de télévision, les pages de journaux et toutes les conversations, surtout de ses détracteurs: avec le départ de Silvio Berlusconi, salué par les huées et les cris de joie de la foule, l'Italie perd aussi son punching-ball préféré.
Tous les hommes politiques «ont eu leurs moments de gloire. Mais aucun d'entre eux n'était comme Berlusconi. Inimitable», soupire le caricaturiste du Corriere della Sera, Giannelli qui a croqué pendant près de 20 ans la petite silhouette replète du Cavaliere, éternellement perché sur des talonnettes.
«Berlusconi est le sujet idéal pour un caricaturiste. Il a franchi le mur du son de la satire. Pensez à un homme qui a dit qu'il voulait appeler son parti "allez minette"...», se remémore-t-il dans le principal quotidien de la péninsule.
Dans un sketch très drôle diffusé au cours de la nuit de la chute du président du Conseil sur la chaîne de télévision publique Rai 3, l'humoriste Antonio Cornacchione a lancé un vibrant «merci à Silvio» pour «tout ce qu'il a fait» pour les comiques européens.
«Vous ne nous avez jamais abandonnés quand nous avions l'angoisse de la page blanche», a-t-il dit. Cornacchione, qui a fait de Berlusconi sa tête de turc depuis des années, a cité pêle-mêle le Cavaliere traitant de «Kapo» un député européen allemand, faisant les cornes à un ministre espagnol, ou restant pendu à son téléphone portable pendant que la chancelière Angela Merkel l'attendait avec impatience pour ouvrir un sommet...
«Berlusconi fait vendre. Le seul jour où nous avons enregistré une baisse de diffusion par rapport à l'année précédente est celui où nous ne l'avons pas mis en une», expliquait il y a quelques mois à l'AFP le dirigeant d'un grand quotidien de gauche qui ne se privait pas d'épingler le Cavaliere au quotidien.
De fait, le chef du gouvernement démissionnaire était omniprésent dans les journaux: des pages de journaux à potins avec ses frasques sexuelles, aux faits divers avec ses procès en cascade, ou aux pages sportives où il commentait les performances de ses joueurs du Milan AC, le club de foot dont il est propriétaire.
Et bien sûr les pages politiques, puisqu'à la tête du gouvernement à trois reprises, il a occupé le pouvoir pendant dix ans depuis 1993, date à laquelle il fondait son parti «Forza Italia» (Vive l'Italie).
«Berlusconi est un alibi de rêve pour tout le monde, un grand voile qui a aussi permis à l'opposition de ne pas se mesurer à la gravité» de la situation, a reconnu Pierferdinando Casini, lui-même membre de l'opposition centriste.
«Se clôt ainsi une ère pendant laquelle Berlusconi a représenté, dans le bien et dans le mal, l'axe autour duquel s'est organisée toute la politique nationale», analyse le quotidien romain Il Messaggero.
«Sa position centrale a représenté un espoir pour la moitié du pays qui a cru en lui et continue encore en partie à le faire (...) et au contraire un cauchemar pour l'autre partie qui n'a cessé de voir dans son aventure politique une anomalie à combattre», poursuit le quotidien romain.
Pour cette deuxième catégorie, de plus en plus nombreuse, les frasques, les plaisanteries, les procès en corruption, les scandales sexuels suscitaient une honte et une colère qui s'exprimaient dans toutes les conversations. Pas un dîner où un hôte, épuisé, ne lançait à un moment donné: «Pourrait-on essayer de ne pas parler de Berlusconi?»
«Quand je vais à l'étranger, dès que je dis que je suis Italien, je dois essuyer les plaisanteries sur Berlusconi, le bunga-bunga... C'est pénible», se désolait en privé le cadre d'une entreprise internationale.
Une page sera tournée avec l'arrivée très probable de Mario Monti aux commandes du pays. Homme pondéré et économiste de renom, on s'attend à ce qu'il rassure les marchés et redonne à la troisième puissance de la zone euro sa crédibilité.
Au grand désespoir des humoristes. Que faire «avec un homme qui a la même femme depuis 40 ans et ne connaît sans doute pas la moindre blague?», se désespère Cornacchione.
Mais même sur ce point, Mario Monti rassure : «Même si je suis incapable de les raconter et de m'en souvenir, j'aime bien les blagues», a-t-il confié dans une de ses rares interviews.


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