La commission dirigée par ces deux intellectuels québécois de renom a
finalement déposé son rapport final. Les diverses réactions suscitées par
ce rapport ont révélé, selon moi, la fracture sociale qui existe entre le
monde universitaire, le monde ordinaire et le monde politique du Québec.
Qu'attendaient-ils de ce rapport? Qu'espéraient-ils y trouver comme
recommandations ?
Ces trois mondes isolés les uns des autres avaient des attentes
différentes des recommandations du rapport final déposé par les deux
commissionnaires. Au lieu de nous bombarder de recettes pour régler les
accommodements raisonnables, ils ont choisi plutôt de proposer des voies et
moyens pour consolider notre vivre ensemble dont les fondements été
sérieusement secoués par une minorité de Québécois qui ne voulaient plus
rien savoir d'une frange des musulmans du Québec et de leurs
revendications. Ce se sont en fait deux minorités l'une québécoise et
l'autre musulmane qui ont pris en otage les débats publics organisés de la
Commissions. Ces deux minorités constituent une véritable menace de
cohésion qui a jusqu'ici marqué les relations entre les différentes
pluralités du Québec.
L'utilité de l'exercice
La Commission a été utile puisqu'elle a permis à ces deux minorités de se
rendre compte qu'elle ne sont pas suivies par la majorité de la population
du Québec dans leur mécontentement et leurs revendications diverses de
groupes. Les consultations publiques organisées à travers le Québec ont
montré que le Québec est tolérant dans sa majorité et que les propos
racistes étaient tenus par des individus isolés et des groupes minoritaires
qui voulaient simplement remettre en cause l'ouverture du Québec aux autres
cultures. Je remercie les commissaires de ne pas avoir adopté une posture
en rupture avec tous les acquis faits au Québec en termes d'ouverture à
l'autre. Le fait que les commissaires ont fait leur rapport pour l'ensemble
du Québec et non pas uniquement pour Montréal sont une innovation en soi.
Ce rapport sera d'une grande utilité pour les intervenants qui oeuvrent
dans les milieux de la santé, de la justice et de l'éducation. Aussi, les
faits rapportés dans le rapport sont venus démolir chez la majorité des
Québécois les perceptions négatives associées aux accommodements
raisonnables dans les milieux de la santé et de l'éducation qui ont été
largement mis en cause par les médias. Or, les accommodements raisonnables
ont toujours existé dans ces milieux pour faciliter la vie de certains
malades et étudiants.
Les universitaires comblés
Il reste assez clair que le monde ordinaire qui s'attendait à des
révélations sensationnelles dans ce rapport et le monde politique qui
voulait y trouver des arguments de campagne n'ont pas été satisfaits. Le
monde universitaire, par contre, y a trouvé largement son compte car le
rapport apporte des clarifications à des concepts utilisés.
L'autre contribution importante des signataires de ce rapport est
l'excellent travail de débrouillage fait autour du concept de culture
commune. Les commissaires ont réussi enfin à circoncire les balises d'une
«culture publique commune québécoise» qui est articulée autour des valeurs
démocratiques de la société québécoise, du français comme langue publique
commune, d'une politique d'intégration québécoise fondée sur
l'interculturalisme plus proche du modèle républicain français que du
multiculturalisme canadien plus inspiré du melting pot américain. Il a été
très important de préciser ces concepts au grand public.
Rapport courageux
Les commissaires ont fait preuve de courage en défendant la thèse que le
Québec est une société laïque et qu'il serait impensable d'y faire
interdire tout accommodements religieux. Il serait naïf de croire que le
monde soutient une telle idée au Québec. Or, notre province est régie par
des lois, des chartes et des conventions internationales qu'elle doit
respecter.
Ce rapport est une véritable bible qui balise le vivre ensemble au Québec.
C'est un rapport qu'il faudrait intégrer aux documents de lecture de nos
étudiants juristes, médecins, infirmières et mêmes journalistes ainsi pour
l'ensemble des formations professionnelles débouchant sur des carrières
exigeant la négociation avec d'autres repères culturels.
Je n'ai toutefois pas apprécié le fait que les commissaires n'ont pas fait
assez d'effort pour adapter leur style à un lectorat plus diversifié afin
que le contenu de leur rapport soit accessible à la majorité de la
population. Le rapport est en effet écrit dans un langage typiquement
universitaire et académique; ce qui ne m'étonne pas venant deux professeurs
d'université qui sont plus habitués à manipuler des concepts complexes
inaccessibles aux communs des mortels que des mots simples. Pourtant, il y
a un adage que j'ai appris quand j'étais à l'école et qui dit que «ce qui
se conçoit bien s'énonce clairement» et les mots pour le dire arrivent
aisément.
Cellou Barry
Docteur en études urbaines
Québec
article publié dans le journal, Le Soleil du lundi 2 juin 2008
-- Envoi via le site Vigile.net (http://www.vigile.net/) --
Bouchard-Taylor : tous avaient des attentes différentes!
Commission BT - le rapport «Fonder l’avenir - Le temps de la conciliation»
Cellou Barry4 articles
Détenteur d’une maîtrise en sociologie de l’Université de Montréal et d’un doctorat en études urbaines de l’INRS, Urbanisation, Culture et Société de Montréal, je travaille depuis 2001 au Gouvernement du Québec. Je milite pour une meilleure intégration des...
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Détenteur d’une maîtrise en sociologie de l’Université de Montréal et d’un doctorat en études urbaines de l’INRS, Urbanisation, Culture et Société de Montréal, je travaille depuis 2001 au Gouvernement du Québec. Je milite pour une meilleure intégration des immigrants au Québec et pour l’avènement d’une véritable démocratie en Afrique et particulièrement en République de Guinée, ma terre natale.
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