Parti québécois

Cachez cette option nationale...

Actualité québécoise - vers une « insurrection électorale »?


Mystifier signifie tromper, exploiter la crédulité des autres pour en tirer un avantage. N'est-ce pas ce que fait le PQ lorsqu'il annonce une campagne publicitaire qui exclura son option dite fondamentale? Nous apprenons tout juste que la direction de ce parti a conçu une stratégie publicitaire qui fera la promotion de son programme sans parler de la souveraineté. Le raisonnement employé pour justifier cette décision est pour le moins étriqué, sinon mensonger. Il s'agirait de se faire élire comme parti provincialiste pour faire la promotion de la souveraineté une fois élu.
«C'est beaucoup plus facile de faire la promotion de nos idées quand on est au gouvernement que quand on est dans l'opposition», déclarait le président de ce parti. Cette logique est non seulement fausse, mais elle révèle un manque flagrant d'éthique politique en légitimant en quelque sorte la «fausse représentation» comme pratique politique. On comprend mieux pourquoi un parti qui est aussi manipulateur est en chute libre dans l'opinion publique. Comment les Québécois peuvent-ils être souverainistes si le parti dont c'est en principe l'objectif refuse d'en faire la promotion? [...]
Les discours de René Lévesque
Si l'on en juge par l'expérience passée, il est faux de prétendre qu'une fois élu le Parti québécois parlera de souveraineté. Nous avons fait une étude du vocabulaire de René Lévesque qui démontre le contraire. Les résultats de cette recherche seront présentés vendredi prochain au colloque organisé par la Fondation René-Lévesque à la Grande Bibliothèque.
Nous avons analysé 102 discours prononcés par le chef du Parti québécois alors qu'il était premier ministre de 1977 à 1985, ce corpus totalisant 530 271 mots. Lorsqu'il parlait à titre de premier ministre, René Lévesque était peu enclin à parler de souveraineté, objectif qui constituait pourtant la raison d'être de son parti et de son action politique. Le mot souveraineté est employé 47 fois, c'est-à-dire moins d'une fois par 10 000 mots.
Ce comportement lexical révèle une véritable autocensure chez le chef du parti souverainiste. De plus, les références à la souveraineté sont pour l'essentiel concentrées durant la période référendaire de mai 1979 à octobre 1980 et participent au syntagme «souveraineté-association» (21 occurrences). Il faut enfin souligner que l'expression «souveraineté-association» ne renvoie pas nécessairement au statut politique du Québec.
M. Lévesque fuit encore plus le mot indépendance qu'il n'utilise que 22 fois dans le corpus étudié, mais là encore très rarement pour faire la promotion de la souveraineté du Québec. Il l'emploie 11 fois dans son célèbre discours devant l'Economic Club de New York (25 janvier 1977) et 3 fois dans la conférence de presse qu'il tient à son retour de ce voyage où le concept sert principalement à parler de l'indépendance américaine pour mieux faire accepter l'éventualité de celle du Québec. À d'autres occasions, il met le mot dans la bouche de ses adversaires qui, selon lui, ont construit leur succès politique en agitant la peur de l'indépendance. (27 janvier 1977). Ainsi dans ce discours, il cite Trudeau qui dit que «l'indépendance ne se fera pas». Il n'évoque le concept de façon positive qu'à quatre reprises.
Un bon gouvernement
De toute évidence, le projet souverainiste n'est pas une préoccupation centrale de M. Lévesque et il n'utilise pas sa fonction de premier ministre pour faire la promotion de cette idée. Cela pourrait peut-être se comprendre si les discours analysés étaient tous prononcés à l'Assemblée nationale où le premier ministre expose ses projets de loi et les positions de son gouvernement, ce qui se prête mal aux idées générales et à la mise en valeur des options fondamentales. Mais ce corpus comprend des conférences de presse, des discours de circonstance, des allocutions télévisées qui s'adressent à un large public.
En fait, René Lévesque estime que son équipe a été élue avec le mandat d'être d'abord un bon gouvernement. Le premier ministre ne veut pas outrepasser ce mandat. Mais cette restriction mentale constitue un sérieux handicap politique pour quelqu'un qui espère rallier l'opinion publique à la souveraineté, tout en parlant le moins possible de cet objectif. Elle le place en position de faiblesse pour contrer la rhétorique négative de ses adversaires.
Perplexe devant ce résultat et pour répondre d'avance aux sceptiques, nous avons effectué une analyse plus qualitative de ces 102 discours afin de recenser les différentes façons de traiter de l'indépendance en repérant les synonymes, les allusions et les métaphores qui peuvent servir à illustrer le propos. La place de la souveraineté dans le discours de Lévesque est infinitésimale puisque sur les 15 423 phrases du corpus, seulement 133 ont traité de la souveraineté, soit une proportion de 0,0086 %.
Nous en arrivons à la conclusion que Lévesque comme chef du gouvernement du Québec n'a pas été très loquace quant à la promotion directe et explicite de la souveraineté. [...] Rien ne nous permet de la croire et rien ne peut inciter les Québécois à prendre la souveraineté au sérieux si les souverainistes n'ont pas le courage de défendre leur option. Ce n'est pas en cachant son option nationale qu'on peut inspirer confiance.
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Denis Monière - Professeur de science politique à l'Université de Montréal


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