Des humoristes accusés de misogynie, de racisme et d'homophobie...

CLASSE, féministes et humour involontaire…

... Quand des militants se tirent dans le pied.

Tribune libre

Je viens d’en lire une bonne ce matin : la Coalition large de l’Association pour une solidarité syndicale étudiante (CLASSE), la plus radicale association étudiante opposée à la hausse des frais de scolarité, ne pourra, jusqu’à nouvel ordre, toucher un sou des fonds récoltés à la suite du spectacle-bénéfice offert par la Coalition des humoristes indignés (CHI). La raison : des militantes féministes ont vertement critiqué et condamné la présence d’humoristes ayant l’outrecuidance de gagner leur vie en « véhiculant des propos sexistes, racistes et homophobes ».

La proposition lapidaire a été déposée au Congrès des membres de l’association, mais faute de quorum avant le vote (sic !), elle n’a pu être traitée. Sans position claire, les dirigeants de la CLASSE ont préféré geler les fonds recueillis jusqu’à nouvel ordre. Sans donner de noms, Jeanne Reynolds, co-porte-parole de la CLASSE, en a rajouté, en dénonçant certains humoristes qui « entretiennent des préjugés et des stéréotypes ». Le dossier reste donc « au stade de la réflexion », précise-t-elle. Voilà qui n'annonce pas un dénouement rapide...
Parmi les suspects possibles, mentionnons François Massicotte, Guy Nantel, André Sauvé, Daniel Lemire, Mario Jean, Guillaume Wagner et Laurent Paquin, autant de membres de la CHI qui se verront heureux de sentir des soupçons de misogynie, de racisme et d'homophobie planer sur leur tête.
L’art de se tirer dans le pied

Nous nous trouvons donc en présence de trois partenaires, CLASSE, féministes et humoristes, présumément unis par un objectif commun, et paralysés par leurs priorités militantes. On se croirait au Parti québécois ! Encore heureux que personne n’ait songé à demander la tête de Gabriel Nadeau-Dubois (GND). Sait-on jamais, ça pourrait venir.
Espérons que les artistes visés auront la sagesse et l’humilité de comprendre les arguments des féministes, d’admettre leur erreur et de corriger le tir dans leurs futures prestations. Souhaitons qu’ils ne se sentiront pas trop vexés d’avoir voulu soutenir une cause commune dont certains partenaires condamnent leur art, au nom de principes supérieurs à l’appât du gain. Les féministes pousseront-elles la défense de leurs nobles valeurs jusqu’à refuser l’argent ? Vous dire mon étonnement si tel était le cas…
Dommage que nous ne puissions lire dans les pensées de GND, devant cette volte-face au sein même des troupes opposées à la hausse et à la loi 78. Après tout, peu importe la cause, l’argent reste le nerf de la guerre et, sans disposer de chiffres précis, le montant dévolu à la CLASSE représenterait tout de même « plusieurs milliers de dollars ». Il n’y a pas de petites économies.
Cohérence victimaire

Bien sûr, dans une perspective féministe, où chaque femme demeure la proie potentielle d’un vaste complot patriarcal la menaçant de son sexisme abrasif, une telle position, à défaut de pécher par excès de solidarité avec ses partenaires, reste cohérente.
Le 12 avril dernier, la Coordination du Québec de la Marche mondiale des femmes (CQMMF), chapeautée par la Fédération des femmes du Québec (FFQ) et rassemblant, selon ses dires, une centaine de personnes, s’était mobilisée devant les bureaux du ministère de l’Éducation à Montréal afin de soutenir les étudiants dans leur boycott.
Leur conception de ce qu’elles appelaient « l’étudiante type », développée par Éve-Marie Lacasse, porte-parole de la CQMMF, avait de quoi susciter l’hébétude : « On à qu’à penser à l’étudiante type, qui est en fait mère et travailleuse à temps partiel (sic). On n’a qu’à penser aux femmes vivant avec un handicap qui souhaitent étudier pour agir comme citoyennes et travailleuses. On à qu’à penser aux femmes immigrantes qui pourraient avoir peur de contracter d’importants prêts pour étudier sans garantis (sic) d’emploi. »
Je rétorquais à cet argumentaire misérabiliste dans ma chronique du 23 avril : « Il n’existe donc pas d’hommes handicapés, ni d’hommes immigrants, ces deux problématiques restant l’apanage exclusif des femmes ? Les gars n’ont pas à redouter de contracter d’importants prêts, eux ? Et la majorité des étudiantes se voit constituée de mères travaillant à temps partiel ? Les temps ont bien changé depuis mes études universitaires… Les filles avaient entendu parler des contraceptifs. »
En toute discrétion…

Il serait étonnant que les médias suivent ce dossier pour le moins futile, en comparaison d’autres aspects d’une crise dont le dénouement reste incertain, malgré la perspective d’élections imminentes. Gageons que, loin des projecteurs, chaque partie « belligérante » saura mettre de l’eau dans son vin au nom des intérêts supérieurs de la cause et de la nécessité de la soutenir financièrement. Il y aura tout de même lieu de se demander si, devant la façon dont les humoristes ont été traités dans ce dossier, certains artistes ne prendront pas leurs distances d’une militance active contre la hausse, même s’ils continuent à la soutenir par principe. http://olivierkaestle.blogspot.ca/


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4 commentaires

  • Olivier Kaestlé Répondre

    23 juin 2012

    Parlant de George W Bush, la CLASSE donne de plus en plus l'impression d'avoir repris à son compte sa célèbre expression : "Si vous n'êtes pas avec nous, vous êtes contre nous". Mais cette fois, peu importe l'interlocuteur, même celui qui soutien cette organisation extrémiste, quiconque n'adhère pas entièrement à leur idéologie radicale - parfois ridicule - peut se voir condamné sur la place publique. Les humoristes ne savaient pas que la CLASSE était aussi une organisation féministe ? Nul ne peut ignorer la loi... du moins celle de la CLASSE.
    Il aura suffi de cinq militantes féministes, quelques grains de sable parmi les 60 associations étudiantes chapeautées par la CLASSE, pour faire dérailler le train, en raison d'une conception ingérable et jusqu'au-boutiste de la démocratie. En quoi le pouvoir donné à un si petit nombre a-t-il servi les intérêts de la majorité des membres de la CLASSE ? Au nom de cette vision utopiste, des artistes croyant aider ont été désavoués et les fonds recueillis à jamais perdus. Zéro sur toute la ligne...

  • Yves Claudé Répondre

    23 juin 2012

    Alors que Monsieur Pierre X (???) affirme sans rire que l’attitude de l’appareil politique de la CLASSE est «rafraichissante», il me semble qu’elle est plutôt de nature à refroidir la sympathie que cette association avait pu susciter, dans l’effort de ses dirigeants à mettre fin à une attitude dogmatique, hautaine et sectaire, qui avait prévalu au début de la mobilisation étudiante.
    Un certain Lénine avait déjà stigmatisé le «gauchisme» comme «maladie infantile» … du communisme. Il n’avait pas prévu que le puritanisme anglo-saxon aggraverait cette «maladie» pour en faire une idéologie rigide et sectaire identique à celle d’un G.W. Bush charcutant le monde des humains, avec son discours et son appareil militaire, se campant du côté du «Bien» … contre ce qu’il avait défini comme étant le «Mal» !
    Yves Claudé

  • Archives de Vigile Répondre

    23 juin 2012

    Personnellement le fait qu'on dépose une telle proposition ne m'incommode pas.Au contraire je trouve çà rafraichissant.
    Je me souviens de l'émission Piment Fort avec Normand Brathwait.Vers la fin du cycle de l'émission les humoristes tiraient sur tout ce qui bougeait.Une de leur tête de turc était Alice Roby simplement parce qu'elle avait du subir des électrochocs pour une dépression et qu'elle avait résidé à St-Jean de Dieu.Comme si parce que cela se faisait dans le cadre d'une émission ''d'humour'' on pouvait tout faire.De toute façon,déposer une proposition de ce genre signifie qu'on veut en discuter.Elle n'est pas encore adoptée.C'est le signe que les étudiants ont une démocratie vivante.
    Plus en tout cas que les soeurs Luce et Lucie Rozon ainsi que la clinique juridique Juripop qui n'ont même pas attendu le résultat des discussions de la CLASSE pour reprendre leur argent.
    La CLASSE sera privée des bénéfices du spectacle d'humoristes
    http://www.lapresse.ca/actualites/dossiers/conflit-etudiant/201206/22/01-4537824-la-classe-sera-privee-des-benefices-du-spectacle-dhumoristes.php
    Les humoristes ont-ils pris les devants pour ne pas faire rire d'eux à leur tour?

  • Yves Claudé Répondre

    22 juin 2012

    Après de questionnables interventions justifiées par le dogme de la «diversité des tactiques» (c’est-à-dire s’autoriser à faire tout et n’importe quoi…), dont sa décision de participer au très douteux “Carnaval antipolicier” du 15 mars, l’appareil politique de la CLASSE récidive en se plaçant dans le camp des intégristes qui ne permettent aucun humour relatif à leurs figures mythiques.
    Les anarcho-staliniens qui, à la manière des maoïstes des années 70, investissent les structures de pouvoir de certains mouvements sociaux, illustrent assez bien le fait que le radicalisme petit-bourgeois est capable du meilleur, mais aussi du pire.
    Le talon d’Achille de la CLASSE, imprégné de cet anarcho-stalinisme, c’est en particulier Force Étudiante Critique, le “club-école” (si on peut me passer l’expression…) du groupe auto-élitiste Hors-d'Øeuvre.
    La surproduction verbeuse de Hors-d'Øeuvre semble être à même d’impressionner quelques dizaines d’individus qui s’imaginent être des “anarchistes” … à défaut d’avoir compris qu’ils sont surtout intoxiqués par le puritanisme d’une petite-bourgeoisie radicale anglosaxone qui se croit «apatride», alors qu’elle représente une des tendances (postmoderne et multiculturaliste) de l’idéologie dominante des nations impériales.
    En conséquence de l’affront qui leur est fait par les intégristes de la CLASSE, les Humoristes Indignés pourraient tout simplement offrir aux autres associations étudiantes les fonds recueillis lors de leur spectacle!
    Yves Claudé