Pour vos assemblées de cuisine

Coeur de la pensée indépendantiste

une pensée indépendantiste claire et cohérente est une fondation puissante pour mettre en oeuvre un changement politique réel

Vigile

À Andrée Ferretti et Catherine Dorion, avec toute mon admiration
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Coeur de la pensée indépendantiste
Introduction


Cet essai est un plaidoyer pour une pédagogie de l’indépendance. Il s’agit d’un texte aride (27 pages) qui énonce des vérités dérangeantes, mais qui propose aussi un remède : un argumentaire indépendantiste basé sur la pensée de l’historien Maurice Séguin (le lecteur trouvera des précisions sur ce dernier plus loin dans le texte). Toutefois, plusieurs acteurs pourfendent l’idée selon laquelle une pédagogie de l’indépendance serait nécessaire et prétendent plutôt qu’il faut s’organiser et agir au plus vite... Pourtant, une pensée indépendantiste claire et cohérente est une fondation puissante pour mettre en oeuvre un changement politique réel.
C’est pourquoi la première partie de ce texte fait la démonstration que la faiblesse des mouvements politiques indépendantistes est directement tributaire des failles de la pensée souverainiste qui circule dans la société québécoise. Le prélude situe cette idée de pédagogie en la comparant à d’autres options, tandis qu’une étude du contexte idéologique (ou complexe idéologique) vient décortiquer les faiblesses de la stratégie indépendantiste passée, mais surtout des vices ontologiques du « souverainisme » et de « l’étapisme » dans lesquels nous sommes encore coincés.
La deuxième partie, le coeur du texte, s’intitule la pensée indépendantiste et propose une synthèse simple de l'idée d'indépendance (d'après Séguin), synthèse appuyée par des exemples de la vie de tous les jours et de la politique étrangère.
À la fin du texte, le lecteur aura une idée de la richesse de la pensée de Séguin et pourra plus aisément discuter de la marche à suivre ou encore de la raison d’être d’une pédagogie de l’indépendance, mais il aura en main la base de l’argumentaire qu’un militant doit s’approprier lors des assemblées de cuisine, pour discuter au travail, dans les cafés, à l’épicerie, bref pour que sa vie quotidienne devienne un théâtre d'opérations permanent. Évidemment, il faudra encore se former, mais ce texte donne un aperçu de certains concepts à maîtriser.
Petite mise en garde, parfois les mots « indépendantistes » ou « souverainistes » sont utilisés dans ce texte. Ces termes ne sont pas synonymes. Souveraineté, souverainisme ou souverainiste sont principalement des termes liés aux acteurs politiques ayant joué un grand rôle dans la politique québécoise (surtout le Bloc et le PQ), tandis qu'« indépendantiste » est une épithète pour qualifier la progression de l'idée d'indépendance, laquelle est un concept universel. Vous pouvez aussi télécharger et imprimer ce document; la lecture à l'écran peut être fastidieuse, vous pouvez le diffuser et l'améliorer à votre guise.
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PREMIÈRE PARTIE : L’IMPASSE
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Prélude
Depuis l’effondrement de la popularité des partis politiques souverainistes, alors que cet événement semble se conjuguer à une perte de plus en plus marquée de l’influence de la culture québécoise, plusieurs tendances s’affrontent pour proposer un remède. Un groupe juge la situation trop catastrophique pour abandonner le PQ : nous serions au bord de l’extinction et nous devons nous unir pour réparer le navire amiral et lui trouver d’abord un mouillage plus sûr. D’autres suggèrent de l’abandonner, lui et son capitaine, pour construire un nouveau navire et pour tenter la traversée, en veillant principalement à avoir enfin un itinéraire précis et clair.
Une autre approche préconise de former d’abord des indépendantistes et d’organiser un mouvement populaire à l’extérieur des partis politiques, dans la société civile. Cette tendance dissidente et marginale suppose que nous devons prendre notre temps et travailler systématiquement sur l’éducation populaire, pour populariser et expliquer l’indépendance. Lorsque celle-ci sera suffisamment enracinée et diffusée dans la société, alors les actions politiques jailliront beaucoup plus spontanément et le mouvement d’accession à l’indépendance prendra forme. Ce courant minoritaire prétend également que seule une compréhension claire et largement partagée de l’indépendance permettra aux Québécois de résister à la contrattaque que nos adversaires livreront avec une hargne, une détermination et une perversité prévisible. En somme, la pédagogie AVANT la politique, alors que le mouvement souverainiste fait l’inverse depuis plus de 35 ans.
Puisque cette dernière option est marginale, c’est à elle de faire ses preuves. Si elle prétend que la pensée indépendantiste est insuffisamment expliquée et diffusée, qu’elle est donc cette pensée? Qu’a-t-elle donc à dire? Voilà pourquoi ce texte s’intitule « Coeur de la pensée indépendantiste ».   Il s’agit d’un résumé de ce que doit constituer une véritable pédagogie de l’indépendance, une diffusion vulgarisée de la pensée politique de Maurice Séguin, qui est l’argumentaire le plus péremptoire pour expliquer la valeur de l’indépendance.
Ce texte répond également à une idée répandue selon laquelle nous devons renouveler le discours indépendantiste, lequel serait l’héritier de la « décolonisation » et donc anachronique, car nous sommes dans la mondialisation (ou la postmondialisation). D’autres prétendent que la situation des francophones a changé et que nous ne devons pas faire l’indépendance pour nous libérer du Canada anglais que pour protéger notre société de nouveaux prédateurs économiques et culturels.
Dans les deux cas, pour les tenants de l’approche dissidente, les partisans du renouveau (ceux qui veulent renouveler le discours) se trompent et c’est parce qu’ils n’ont pas compris l’essence de l’idée d’indépendance DÈS LE DÉPART qu’il leur faut désormais invoquer un renouvellement de la pensée. Certes, il faut actualiser les exemples, mais la théorie de l’indépendance, qui a commencé à voir le jour dans les années 1950 et 1960, n’a jamais cessé d’être pertinente. Elle a été négligée, cachée, escamotée, de 1973 à aujourd’hui, et le Québec a cessé de produire de véritables indépendantistes. Toutefois, la population, elle, continuait de croitre. La conclusion est implacable : les indépendantistes sont minoritaires aujourd’hui et c’est ce qui explique pour l’essentiel le marasme.
Comme une frégate qui aurait une voilure trop petite, que le navire soit infesté de rats, qu’il prenne l’eau, qu’il y ait des mutineries, il y a un problème fondamental en regard duquel tous les autres sont secondaires. La solution, pour l’approche dissidente, c’est d’abord de s’attaquer à ce problème de fond : tisser patiemment les voiles. Sans volonté populaire, même la meilleure organisation politique avec la meilleure stratégie sera impuissante.
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Contexte (ou le complexe) idéologique
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Dans son texte « La nouvelle trahison des clercs », Trudeau (1962) proposait aux Canadiens-français un idéal :
« Si le Québec devenait cette province exemplaire, si les hommes y vivaient sous le signe de la liberté et du progrès, si la culture y occupait une place de choix, si les universités étaient rayonnantes et si l'administration publique était la plus progressive du pays – et rien de tout cela ne présuppose une déclaration d'indépendance!– les Canadiens français n'auraient plus à se battre pour imposer le bilinguisme : la connaissance du français deviendrait pour l’anglophone un "Status Symbol", cela deviendrait même un atout pour les affaires et pour l'administration. Ottawa même serait transformé, par la compétence de nos politiques et de nos fonctionnaires »
« [S]i l'État canadien a fait si peu de place à la nationalité canadienne-française, c'est surtout parce que nous ne nous sommes pas rendus indispensables à la poursuite de sa destinée. »

Avant de poursuivre avec la réponse d’Aquin, il convient de voir comment Trudeau a marqué profondément la pensée politique québécoise, qu’elle soit fédéraliste ou indépendantiste. Trudeau suppose qu’il soit possible de changer le Canada et le mouvement indépendantiste a souvent cherché à créer un argumentaire négatif en proclamant la défaite de Trudeau : puisqu’en dépit de nos efforts, le Canada ne reconnait pas les Québécois à leur juste valeur, il s’ensuit que les Québécois devraient naturellement se tourner vers l’indépendance si ce Canada ne nous accordait pas la considération que nous pensions mériter. Toutefois, on oublie que dans le coeur même du raisonnement de Trudeau se cache une bête que l’on n’a pas traquée : pourquoi les Québécois devraient-ils s’intéresser au Canada anglais et pourquoi est-il si naturel pour Trudeau de conférer au Canada un universalisme qui échapperait à la province et d’imaginer que le séparatisme soit négatif? Dans l’esprit même de Trudeau, le Québec confine à la petitesse, laquelle serait misérable et médiocre sans l’intégration à un tout supérieur. Pour l’essentiel, l’argumentaire « souverainiste » cherche à démontrer que le Canada (comme tout supérieur) ne peut livrer la marchandise, mais il fait alors l’impasse sur le coeur de la pensée de Trudeau, laquelle peut continuer à faire ses ravages : « pourquoi cette petitesse, cette médiocrité » s’imposent-elles d’office à une partie de la population québécoise, à une partie de ses intellectuels, de ses décideurs? Car prétendre que le Canada ne livre pas la marchandise, c’est demeurer dans une dialectique du ressentiment. C’est encore avoir besoin de l’autre pour justifier sa propre liberté. « Si le Canada la livrait, cette marchandise, la souveraineté ne serait pas nécessaire? » Est-ce là le sous-texte? N’est-ce pas là l’aveu d’une incapacité à définir l’indépendance comme révolutionnaire?
Si la pensée indépendantiste n’est pas capable d’expliquer l’origine de la « petitesse », alors elle ne peut combattre le complexe souterrain et la peur que saura instiller le camp fédéraliste, voire détecter cette peur quand elle agira inconsciemment au sein même du mouvement, à la manière d’un acte manqué. En effet, en dépit de l’incapacité du Québec de se rendre indispensable (et l’élection du 2 mai en est un bon exemple), les fédéralistes refusent de reconsidérer leur appartenance au Canada. C’est au contraire l’option « souverainiste » qui est sur la défensive alors que c’est la posture intellectuelle de Trudeau qui est désormais indéfendable. On doit donc conclure que la logique du slogan « Égalité ou Indépendance » était fausse; l’incapacité du Canada à satisfaire le Québec et la popularité de l’option indépendantiste ne sont pas corrélées. On a pourtant l’impression que les Québécois ont intériorisé majoritairement cette logique, seuls les souverainistes l'ont fait. Ils peuvent répéter ad nauseam que le Canada ne fonctionne pas et qu'il n'est pas réformable, rien n'y fait, l'indépendance n'est pas plus populaire.
Pourquoi? Parce que la pensée indépendantiste ne va pas de soi. Il faut comprendre que l’inertie est une propriété à laquelle rien dans l’univers n’échappe et les humains ne font certainement pas exception. Ainsi, en dépit de l’économie d’énergie que s’offrirait le Québec en étant indépendant, l’opération pour le rendre indépendant est une scission ou un accouchement. Il faut ARRACHER l’appendice qu’est la nation québécoise au corps canadien. Cette rupture provoquera de la friction, des tensions et des déchirements, cet accouchement exigera une somme phénoménale d’énergie pour mettre le Québec sur une trajectoire lui appartenant et sur une orbite différente de la nation canadienne.
L’indépendance doit être positive pour qu’on daigne risquer notre confort et bousculer nos habitudes. Or, en occultant cette difficulté et en présentant la « souveraineté » comme une démarche facile, souple, bref un changement mineur, les ténors souverainistes nourrissent la rhétorique fédéraliste qui pourra répliquer avec raison que ce n’est pas vrai et que c’est une « séparation » et qu'elle est douloureuse. Et en même temps, si on prête foi au discours « souverainiste », ce changement n’étant pas difficile, pourquoi en vaudrait-il la peine? De plus, étant une nation immature et encore très complexée, la nation québécoise ne veut pas heurter le Canada anglais et préfère un pacte confédéral, un partenariat, une association à une franche indépendance (nouvel argumentaire fédéraliste qui n’a qu’à refuser le jeu) ou encore ajourner son projet si cette séparation se fait dans la discorde. N’est-ce pas encore l’aveu d’une faiblesse et un manque de confiance flagrant en son propre projet? Le guide dit qu’il faut sauter la falaise et nager vers une autre île, mais il tremble en nous intimant d’y courir et recule tout en avançant, pas très convaincant...
Trudeau avait donc détecté cette immaturité, cette incapacité de s’affirmer, cette peur, et plutôt que la voir comme une tare, il en fait un motif de fierté : il collaborera littéralement avec le Canada anglais, cultivant par là la haine de soi pour le Canadien-français qui en serait incapable. C’est pourquoi le séparatisme sera pourfendu par Trudeau, ce dernier étant franchement décomplexé et donc véritablement dangereux et Trudeau arrivera à l’assimiler justement à une petitesse ethnique superstitieuse et attardée pendant que son nationalisme canadien sera pacifiste, universel, supérieur et humaniste. Or, la petitesse, Trudeau ne l’a pas inventée, elle existait de manière inhérente dans la psyché de la « Belle province » et c’est la condition minoritaire, provinciale et sur le plan de la psychologie collective, celle des conquis. Le génie (pervers) de Trudeau aura été de faire ce rapprochement entre l’idéal révolutionnaire des premiers séparatistes et la condition médiocre de la provincialisation qu’éprouvait indirectement le peuple. Le séparatisme passe alors pour un jeu revanchard et puéril auquel se livrent des perdants empêtrés dans leur ressentiment, les contradictions et la confusion.
La réponse d’Aquin dans « La fatigue culturelle du Canada français » (1962) est magistrale, mais c’est sur le ring intellectuel qu’il lui répond et on peut se désoler que cette réponse n’ait pas été aussi enracinée dans la culture populaire que le fut par exemple le manifeste du FLQ. D’une part, Aquin montre que les raisonnements de Trudeau renforcent Ottawa et le Canada en tant qu’étalon auquel viendrait se mesurer un Québec éternellement trop petit, le Québec étant prisonnier du regard de l’autre; d’autre part, il explique qu’il n’y a de possible épanouissement que dans la sphère culturelle, puisque la politique et l’économie sont contrôlées par l’autre (même si on leur était indispensable), le culturel se voit obligé d’abriter les espoirs globaux de la Nation, la condamnant par le fait même à briller sur le plan culturel, tâche impossible et donc épuisante.
La qualité du texte d’Aquin est d’exposer la double contrainte que fait peser sur le Canada français l’appartenance au Canada anglais (petitesse politique et fatigue culturelle), mais même s’il décrit correctement les symptômes de la fatigue culturelle, le mouvement indépendantiste peinera à en percevoir les conséquences. En effet, contrairement aux indépendantistes formés à l’école néo-nationaliste de Maurice Séguin (par exemple Bruno Deshaies ou André Ferretti), les « souverainistes » ne sauront pas comprendre l’impact que peut avoir cette fatigue culturelle sur notre force politique et notre économie. Or, sans la compréhension profonde de l’interaction entre le politique, l’économique et le culturel dans une société, il ne peut y avoir de compréhension de ce qu’est l’indépendance et de ce qu’elle peut apporter comme épanouissement. Ainsi, il manque la clé de voute à l’argumentaire indépendantiste, lequel se transformera en « souverainisme », par manque de confiance. C’est en effet pour éviter d’effrayer que le projet a été dilué, mais comme tout acte manqué s’accompagne d’une communication, la nouvelle dénomination s’accompagnait de la crainte. Comment convaincre les autres alors si l’on n’est pas soi-même convaincu? McLuhan disait « The medium is the message », quel genre de message a donc envoyé le PQ avec son étapisme, son bon gouvernement et sa question référendaire? C’était peut-être excellent sur le plan politique en 1976, mais au plan pédagogique, pour l’idée d’indépendance, c’était un brouillage, voire une intoxication.
Pire, parce que l’on a pensé l’indépendance comme un « souverainisme-confédération-association-partenariat  », le « souverainisme » cristallisait dans la psyché québécoise la vision de Trudeau de la séparation comme quelque chose de négatif; un Québec souverain étant une sorte de demi-pays s’administrant avec les moyens d’une province et non d’un état. Ce demi-pays allait donc encore avoir besoin de son grand frère pour se « débrouiller seul ». « L’association » est donc un plaidoyer pour le Canada qui réitère le statut minoritaire et provincial du Québec en même temps qu’il doit faire passer le concept de souveraineté, n’est-ce pas schizophrénique? La pédagogie de la souveraineté s’accompagnant donc de la peur et de la confusion, quels arguments pouvaient donc bien être utilisés pour convaincre le peuple sinon que l’appel aux instincts nationalistes? En se cachant, le projet souverainiste exclut l’exposé rationnel des arguments les plus pénétrants en faveur de l’indépendance et a rendu vrai ce qui était faux, à savoir le caractère pernicieux du raisonnement de Trudeau sur les inconvénients du séparatisme et de la petitesse de notre nationalisme.
En somme, c'est un bel exemple de fatigue culturelle que travestir sa propre quête de libération. On refuse même de la nommer, on a tellement intériorisé « l’autre » qu'on ne voudra pas lui déplaire ou on ne voudra pas déplaire à ceux qui y sont attachés. Comment alors trouver les mots pour convaincre le peuple? Au lieu de prendre la juste mesure du nombre de Québécois à arracher de leurs illusions, les souverainistes ont partagé leur aveuglement comme si c’était une meilleure façon de vaincre. Les aveugles n’étant pas plus fous que d’autres n’ont pas manqué de s’apercevoir de cette confusion; il aurait d’abord fallu désherber des consciences québécoises les conceptions fausses sur notre condition, puis semer systématiquement une pensée indépendantiste, simple, claire et cohérente. Plutôt que de proposer un changement clair par un travail patient, l’approche du souverainisme a voulu des changements rapides en moulant sa pensée à celle du peuple québécois, laquelle pensée était souvent pleine de contradictions et complexée par rapport au Canada. Ce faisant, le mouvement indépendantiste (à cause des acteurs souverainistes) s’est retrouvé aussi coincé que les Québécois qu’il voulait libérer et c’est pourquoi toute nouvelle démarche devra d’abord s’attaquer aux mentalités si elle veut réussir.
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DEUXIÈME PARTIE LE REMÈDE
La pensée indépendantiste

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La clé de voûte de la pensée indépendantiste tient en quatre mots :
VIVRE, C’EST AGIR.
Il faut d’abord s’imprégner de cette vérité élémentaire, simple, mais que l’on oublie trop souvent. Des exemples concrets, l’homme, qu’il soit malade, soumis, emprisonné, aliéné ou terrifié, s’il ne peut plus agir, vit d’une manière diminuée, il ne s’épanouit pas, il stagne. Survivre n’est pas vivre.
Allons plus loin : vivre, c’est agir, mais « agir », ce n’est pas seulement « faire » ou « exécuter ». Agir suppose d’agir par soi-même. Tenir compte des autres, certes, mais décider, déclencher une action puis la poursuivre jusqu’à son aboutissement. Agir suppose d’être LE responsable de ses actes, donc au terme « agir », pour éviter tout malentendu, on peut faire l’ajout de « par soi-même ».
Vivre, c’est agir; agir par soi-même.
Cette vérité simple est vraie au plan individuel, mais l’est tout autant au plan collectif. Qu’est-ce que la politique d’ailleurs sinon que l’expression de l’agir collectif de la citée? L'agir collectif, c'est l'action concertée d'un groupe d'individus (association, équipe, compagnie, société, municipalité, province, nation, pays) en vue d'atteindre une fin déterminée. Agir soi-même, pour l'individu et la société, c'est provoquer son propre développement, car de l'action découle l'expérience (développement de intelligence et des connaissances) et l'initiative ( développement de l'audace, de l'énergie et de la capacité de décider).
Toutefois, une autre conséquence est à tirer de notre postulat, si vivre c’est agir, alors être remplacé dans son « agir » (par un autre, par d’autres) est un appauvrissement, une diminution, une stagnation, bref une perte de la vie, puisqu'il n'y a plus d'apports de l'expérience ou de l'initiative. La vie étant faite d'échanges entre un organisme et son milieu, priver l'organisme d’une partie de ses échanges risque de l'atrophier.
De plus, même si la vie est infiniment complexe (la vie de l’individu comme la vie collective), nous pouvons aisément analyser la vie selon trois domaines, trois aspects ou trois facteurs : l’économie, la politique et la culture.
Qu’est-ce que l’économie? Contentons-nous d’une définition simple, c’est la richesse ou du moins, le mécanisme par lequel un individu peut avoir accès à cette richesse. Qu’est-ce que le politique? Le politique est le pouvoir, c'est-à-dire la faculté de réfléchir, de décider et de déclencher l’action. Qu’est-ce que le culturel? Le culturel est le savoir, les connaissances, la synthèse des leçons tirées de l’expérience de vie et la manière d’être au monde en découle. Ces trois facteurs, que l’on pourrait disséquer et spécifier indéfiniment, sont suffisants pour tirer une image sommaire du fonctionnement de la vie, pour l’individu comme pour la société.
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L’interaction des facteurs
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Ces trois facteurs sont dynamiques, ils se renforcent l’un et l’autre, ils jouent l’un sur l’autre, ils forment ce que l’on appelle un SYSTÈME. Qu’est-ce qu’un système? Un système est un ensemble d’éléments en interaction. Qu’est-ce que cela veut dire? Pour comprendre, utilisons un dicton : le tout est supérieur à la somme des parties. C’est l’analogie d’une équipe de hockey. Une bonne équipe de hockey, ce n’est pas seulement une équipe constituée de talents individuels s’exprimant chacun lorsqu’ils sont sur la glace, non, une bonne équipe est constituée de joueurs jouant ensemble et l’esprit d’équipe, la chimie de l’équipe a une influence positive sur ses constituants, les joueurs. Ainsi quand un joueur joue pour lui-même et non en fonction de l’équipe, il peut améliorer ses propres statistiques, mais il peut également nuire à la performance de l’équipe. Au contraire, s’il joue pour ou avec l’équipe, il augmente la qualité de cette dernière, laquelle donne de meilleures opportunités aux autres joueurs, ce qui augmente ses propres chances et celle de son équipe de gagner. C’est ce que l’on appelle le principe de l’interaction des facteurs, c’est-à-dire de leur influence réciproque. Il peut y avoir une interaction négative ou une interaction positive. Une interaction négative, c’est comme lorsqu’un joueur va mal, joue mal ou ne joue pas pour l’équipe, il influence négativement le rendement de l’équipe. Une interaction positive, c’est quand un joueur joue bien, il influence positivement son équipe.
Un bon exemple peut être celui du gardien de but. A priori, un gardien de but arrête les rondelles et sa performance a peu à voir avec les buts comptés. Même s’il excelle et blanchit l’adversaire, sa performance n’est pas suffisante pour garantir la victoire. Mais un bon gardien peut donner des ailes à ses attaquants, ils peuvent être plus offensifs et plus détendus. Moins préoccupés par le jeu défensif, ils peuvent plus facilement être concentrés sur leur jeu. Les défenseurs plus confiants peuvent également relancer l’attaque et toute l’équipe profite donc de la richesse d’une attaque plus soutenue et plus agressive. Donc même avec une équipe dont les compteurs ont individuellement moins de talent, un bon gardien peut contribuer à rendre son équipe plus talentueuse à l’attaque. Une intensification du jeu offensif confère plus d’expérience pour les attaquants, plus d’expérience de tester des stratégies et un système de jeu et donc plus d’occasions de développer le talent des joueurs. Avec une bonne avance, les joueurs peuvent se replier sur une approche plus défensive et faciliter le travail de leur gardien, ce qui augmente d’autant plus sa confiance. Voilà un exemple d’interaction positive. Dans notre exemple, on pourrait comparer l’économie au talent brut des joueurs, le politique à leurs décisions et au système de jeu et enfin la culture à l’expérience, au savoir des joueurs, mais surtout à l’esprit d’équipe comme tel. Les Canadiens ne sont pas les Bruins... Avec l’exemple du gardien de but, le contrexemple, l’interaction négative, est facile à imaginer.
Maintenant que l’on a compris l’importance de l’interaction des facteurs, il est plus facile de la voir à l’oeuvre chez l’individu. Prenons par exemple celui du jeune étudiant en appartement. Souvent, l’étudiant commence en étant chambreur. Il compare « le marché » et se trouve une chambre, dans un contexte qui corresponde idéalement à ses besoins et à son budget. Il arrive parfois que la gestion des comptes ne soit pas transparente. C’est un colocataire qui détient le bail et qui reçoit les factures qui s’occupe de la comptabilité et l’étudiant ne sait pas s’il paye sa juste part ou non, il a accepté l’offre, ce qui semble un marché honnête, mais même en supposant qu’il s’agisse d’un marché honnête et qu’il paie sa juste part, qu’il ne se fasse pas escroquer, l’étudiant subit une perte, il n’agit pas par lui-même, il ne développe pas des occasions d’agir par lui-même et de se développer économiquement, politiquement et culturellement, il ne n'acquiert pas d'expérience et ne développe pas son initiative, du moins pas dans la gestion de la vie en appartement.
D’un autre côté, on peut trouver un étudiant qui signe son propre bail et qui emménage avec ses amis. Ses parents devront probablement l’endosser et signer le bail avec lui et déjà, malgré cette indépendance relative, il voit qu’il n’est pas encore considéré comme un citoyen autonome, mais cette réalisation, cette découverte, est déjà un savoir! Ensuite, malgré un budget rigoureusement planifié, notre étudiant aura des surprises : les frais cachés (abonnement à Bell, Hydro), certains frais au cégep ou à l’université et certainement toutes les chicanes qu’il aura avec ses colocataires à propos de la vie domestique. Viendront ensuite la fameuse augmentation de loyer et celle du chauffage et notre étudiant deviendra sans doute curieux des pages économiques des journaux, journaux auxquels il était peu intéressé et pour lesquels il se découvre un intérêt... L’étudiant qui est chambreur, qui rapporte son linge et ses tupperwares chez sa mère, parce que ses parents l'ont décidé ainsi, idéalement pour se concentrer sur ses études, perd des occasions de développer la gestion de sa vie économique et d’en apprendre le fonctionnement de la vie adulte, de la vie en société, et du sens des responsabilités. Mais plus important encore, comme il n’est pas confronté à des situations où il a à faire ces choix, il n’a pas à réfléchir, il n’a pas à décider, il n’a pas à déclencher l’action. Il ne peut donc apprendre à agir comme le maître des lieux.
L’étudiant fatigué de la colocation pourra partir seul, payer plus cher pour avoir la paix, mais il découvrira bien vite qu’il a encore des voisins et que son demi sous-sol est mal isolé, du bruit comme du froid. Il regrettera peut-être la colocation, mais pendant cette période, il murira et apprendra à ne plus dépendre d’autrui. Peut-être alors trouvera-t-il un grand appartement où il sera chez lui et où il louera, à ses conditions, à des chambreurs. Il sera sans doute beaucoup plus adulte à ce moment-là et certainement bien plus prêt d’être propriétaire de son propre logement. En effet, sa compréhension de son indépendance relative lui permettra de réfléchir à ce qu’il veut faire, des risques qu’il est prêt à prendre, à la carrière à laquelle il voudra peut-être se consacrer, ce qui l’amènera à réfléchir au sens de ses décisions (que faire de mes études en biologie, y a-t-il des débouchés?) En ce sens, l’étudiant besogneux (dans ses études, comme dans son travail étudiant, dans son appartement) est infiniment avantagé par rapport à sa vie future que celui qui aura été passif. Mieux vaut un B+ pour un travail que l’on fait soi-même et vivre dans un appartement moins prestigieux, mais qui est chez soi, que d’avoir un A+ pour un travail que le meilleur de la classe a fait pour soi et de vivre comme chambreur dans un appartement luxueux.
Et cette proposition n’est pas faite au nom d’une quelconque morale, mais bien du principe selon lequel vivre c’est agir (par soi-même). Les apprentissages domestiques interviennent dans la compréhension des apprentissages relatifs à la carrière, comment un adulte apprendra-t-il à surmonter les conflits s’il est constamment en train de les éviter ou s'il est constamment protégé? Comment jouir de la vie culturelle, du sport et des loisirs, si notre vie est elle-même diminuée et que l’on n’a accès qu’à une portion réduite de l’existence? Comment alors apprécier ce qui nous est offert? Comment comprendre les effets de la crise économique de 2008 ou 2011 si l’on a jamais soi-même senti la nécessité d’ouvrir les nouvelles économiques? Comment alors s'y préparer ou alors se relever si l’on est touché?
Vivre implique de prendre des décisions, donc de réfléchir, mais notre champ d’action dépend de notre richesse, de nos capacités alors que notre champ de réflexion dépend de notre culture, du savoir. Agir par soi-même a des répercussions parce que cela nous permet de nous enrichir, de nous développer et de nous épanouir. Et on n’agit jamais en vase clos, il faut évidemment TENIR COMPTE DES AUTRES et en fait, toute action par soi-même est souvent la découverte des limites de notre liberté, mais le corridor de cette liberté, ses frontières ne se découvrent que si l’on daigne agir par soi-même. ET LE CORRIDOR DE CETTE LIBERTÉ ET DES POSSIBILITÉS NE S’ÉLARGIT QUE SI ON AGIT EN CE SENS. Si l’on agit jamais, on ne peut donc pas développer des initiatives et des habitudes d’action et on enracine alors la certitude que l’on ne peut agir, cette inaction nous marque au plan culturel et génère un cycle auto-entretenu de notre incapacité. À son tour, ce complexe brime notre aptitude de penser, de vouloir, de décider et de déclencher de nouvelles actions. La paralysie empêche d'agir, de profiter des opportunités, de développer de nouvelles expertises et de la confiance; l’appauvrissement culturel de la perception de soi se mue alors en un véritable appauvrissement matériel. Cet appauvrissement, à son tour, est une perte de capacité, de moyens, laquelle perte réduit les options et donc les possibilités d’agir, et voilà que l’on peut prendre, pressé par la vie, DE TRÈS MAUVAISES DÉCISIONS. À l’inaction spirituelle s’additionne l’incapacité matérielle (PAR EXEMPLE L’ENDETTEMENT OU LE CHÔMAGE). Cela diminue considérablement les options à réfléchir.Voilà comment la vie rétrécit puisque la perte de l’agir confine à la petitesse, à la médiocrité. Ce sont là des exemples d’interactions négatives.
Et l’enrichissement n’a pas à être compris au pied de la lettre, un individu qui rejette le capitalisme, par exemple, peut profiter de la crise économique pour réfléchir et s’instruire à l’égard de nouveaux modèles et de nouvelles façons de faire. La diminution de sa richesse (si par exemple son salaire est coupé) peut le conduire à s’inscrire à un jardin communautaire, à démarrer une coop d’achats regroupés à créer un programme de recyclage d’huile végétale pour alimenter des voitures diesel ou plus simplement à suivre des cours de perfectionnement. Voilà ce que veut dire l’idée selon laquelle agir par soi-même est une valeur en soi, mais dans tous ces exemples, l’économique, le politique et le culturel sont en interrelation dynamique. Diminuer l’apport de l’un a des impacts sur les autres; augmenter l’un augmente les autres. Il ne s’agit évidemment pas d’un schéma linéaire quantifiable, plutôt d’une logique systémique. L’idée, c’est de comprendre que la psychologie du « chambreur » a moins de chance de produire des individus capables d’agir par eux-mêmes que la psychologie du « colocataire entreprenant ». Agir par soi-même dans le présent permet de développer des habitudes et l’expérience pour agir par soi-même dans le futur. La psychologie du « colocataire entreprenant » (le culturel) est plus susceptible de produire un propriétaire (l’économique et le politique) que la « psychologie du chambreur ».
Un dernier mot sur le culturel, le « colocataire entreprenant » est d’ailleurs plus susceptible d’inviter ses pairs pour une fête ou des soupers que le chambreur, voilà un exemple où l’autonomie interne a un impact vers l’autonomie externe. Hôte d’une fête ou d’un souper, en plus de s’épanouir sur le plan culturel (les loisirs, la vie sociale), notre « colocataire entreprenant » s’enrichit par cette nouveauté, par les défis qu’il doit relever (le bruit, les voisins), par les découvertes qu’il fera (aller à la SAQ, choisir du vin, faire de la sangria), par ses interrelations (demander un BBQ) ou l’usage de la cour arrière, par ses réflexions et ses décisions. Cette petite fête de rien du tout lui permettra de rencontrer des gens (les conjoints et les amis de ses amis) qui l’aideront peut-être dans sa carrière. Toutefois, il y a un monde entre donner une fête et aller à une fête. Aller à une fête implique une expérience culturelle. En donner une, c’est agir par soi-même et profiter du culturel pour s’épanouir économiquement et politiquement.
Ces considérations permettent de faire une première synthèse et d’introduire le concept d’oppression. (Le passage suivant est tiré directement des « normes » de Séguin).
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Qu’est-ce que l’oppression
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1)  Pour une collectivité, comme pour les individus, vivre, c'est agir, c'est agir par soi-même.  Pour une collectivité, comme pour un individu, vivre c'est agir par soi, en collaboration avec les autres, mais dans l'autonomie (l'autonomie interne et l'autonomie externe).
 
Pourquoi ?  Parce que, affronter ses problèmes internes, les résoudre soi-même (l'autonomie interne), affronter ses problèmes externes, les résoudre soi-même (l'autonomie externe) est source d'expérience, d'initiative, d'habitudes d'agir et de penser, et de liberté.
Pourquoi ?  Pourquoi l'indépendance est-elle souhaitable ?  Parce que, pour notre collectivité, comme pour les individus, agir par soi-même, l'action et la réaction par soi ou la présence et l'autonomie (l'autonomie interne et l'autonomie externe) développe, enrichit, épanouit.
 
Agir par soi, c'est la richesse d'être, c'est la richesse.  C'est « un bien en soi » que d'agir ainsi, par soi-même.
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2) Sans cette autonomie (interne et externe), c'est le remplacement par une autre collectivité dans son propre agir collectif, une « oppression essentielle ».
Pourquoi ?
 
Parce que pour un individu : quand quelqu’un agit à la place d’un autre (inaction imposée), quand il se substitue physiquement ou intellectuellement à un autre (inaction imposée), il s'ensuit, pour celui qu’on remplace, la perte de la possibilité d'acquérir de l'expérience, de l'initiative et de développer des habitudes d'agir et de penser.
 
Il s'agit de l’OPPRESSION ESSENTIELLE, distincte des oppressions accidentelles.  Interrogeons-nous. Qu’est-ce qu’un accident dans le cas de l’oppression ou des oppressions accidentelles.
«Accident, PHILOS., attribut non nécessaire, qualité relative et contingente ; qui s'oppose à l'essence, à la substance, l'essence, (la substance est absolue et nécessaire, l'accident est relatif et contingent) ; 
oppressions accidentelles : persécution, abandon, indifférence ou négligence... incompréhension ou incompétence, etc.»
L’oppression essentielle
Exemple d’oppression essentielle pour un individu : exemple : l’enfant surprotégé, dominé au point qu'il n'arrivera pas à apprendre à agir et penser par lui-même. 
 
Autre exemple d’oppression essentielle : la femme mariée en communauté de biens, avant 1964 :
 
elle devenait, par la loi, une mineure sous la tutelle de son mari pour quantité de choses : pour aller se faire soigner à l'hôpital, il lui fallait obtenir la signature de son mari ;
1) s’il signait, il n’y avait pas de problème, me direz-vous, où est alors l’oppression ? 
L’oppression essentielle, c’est dans le fait qu'elle ne décide pas, qu’elle doit demander la permission.
  2)  Si le mari refusait de signer, alors elle souffrait à la maison, elle subissait, en plus, une oppression accidentelle, incompréhension, négligence, etc. 
 
Sans cette autonomie (interne et externe) donc, pour une collectivité, comme pour un individu, c'est le remplacement dans son propre agir collectif, donc une « oppression essentielle », distincte des oppressions accidentelles (persécution, abandon, incompréhension, incompétence, etc.). 
Trois exemples, pour une collectivité, d'oppressions accidentelles :

 
1) la non-reconnaissance de la société distincte ou de la nation québécoise dans la Constitution canadienne avec des conséquences constitutionnelles tangibles, culturelles, politiques et économiques : incompréhension (oppression accidentelle);
 2) le refus de reconnaître et de remédier au déséquilibre fiscal : incompréhension mauvaise administration (oppression accidentelle);
3) le refus de reconnaître et de remédier aux dédoublements administratifs (en faveur du Québec) : incompréhension, mauvaise administration (oppression accidentelle).
 
En revanche, il y a oppression dès qu'une collectivité  remplace, par son agir collectif l’agir par soi d’une autre société.
Oppression essentielle : dès qu'une collectivité (le Canada-Anglais) remplace, par son agir collectif, (le fédéral, le Central, à Ottawa), l'agir collectif d'une autre société (québécoise).  Cette substitution ou ce remplacement (total ou partiel) (cette inaction imposée) est, automatiquement, ipso facto, diminution ou privation d'être, perte de possibilité d'acquérir de l'expérience, de l'initiative, et perte de possibilité de développer et d'accumuler des habitudes d'agir et de penser pour la collectivité remplacée.
Cette « oppression essentielle » (le remplacement, l'inaction imposée), née du partage fédéral en lui-même, peut donc s'accompagner  -  et s'accompagne  -  de négligence..., d'incompréhension..., d'incompétence..., de mauvaise administration (par incompréhension, incompétence ou intérêts divergents)..., c'est-à-dire des multiples formes d'oppressions accidentelles.
(fin de la citation)
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_ La libération politique, par l’indépendance, fait (ou fera) que les décisions ne dépendent plus (ne dépendront plus) par le remplacement, du Canada anglais, mais de nous, le Québec.
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Pourquoi l’indépendance est si importante? Parce qu’en regard de ce que l’on a expliqué, si l’on conjugue la notion de remplacement (inaction imposée) à celle de l’interaction des facteurs, on ne peut faire autrement que conclure que l’appartenance au Canada est pour le Québec une source de médiocrité. Cela ne veut pas dire que le Canada, en soi, soit médiocre, mais pour les Québécois, puisque le Canada les remplace d’une manière essentielle dans le domaine économique, en politique ou dans le domaine culturel, il s’ensuit que le Québec est éternellement dans une dynamique systémique négative par rapport à ses domaines d’agir.
Pire, ce remplacement est devenu une norme sociale et la provincialisation, l’annexion, le remplacement sont désormais intériorisés, communiquant par là aux Québécois une vision diminuée d’eux-mêmes. Voilà d’où Trudeau (et tous les autres fédéralistes depuis) tire sa conception de la petitesse du Québec, mais voilà aussi ce que des indépendantistes convaincus doivent combattre, voilà ce qu’ils doivent exorciser : la petitesse (notre PIB, la péréquation), la médiocrité (la langue, le décrochage) ne sont pas inhérentes à notre nation, mais bien à notre condition minoritaire. La survie d’une nation n’est donc pas seulement une affaire culturelle, mais à cause de l’interaction des facteurs, quelque chose de politique et d’économique. Il n’existe donc pas de nation qui rayonne par la culture si l’économique et le politique ne la supportent pas. Le contraire, l’inaction imposée, est donc une source d’atrophie. Si les investissements, les efforts et le temps consacrés par une nation à l’un des facteurs ne sont pas récupérés par l’un des deux autres (un peu comme la mélasse qui est le sous-produit du raffinage du sucre), ils sont en partie perdus. En guise d'exemple, les politiques américaines qui favorisent l'exportation de la culture (Hollywood) rendent également populaire le « Junk Food » et par là, soutiennent également le secteur agricole américain, elles rentabilisent ainsi les subventions pour cette industrie. Pour cette raison, parce que les Québécois ne contrôlent que partiellement certains secteurs de leur politique intérieure, une masse phénoménale d’énergie est gaspillée en pure perte. Au contraire, les nations intégrales (c’est-à-dire des nations qui agissent par elle-même au plan politique, économique et culturel, à l’interne et à l’externe) peuvent profiter de synergie et de l’interaction positive des facteurs. Une expérience dont les nations minoritaires qui leur sont assujetties sont complètement privées. Comment alors peut-on comparer de telles nations sans conclure que la nation minoritaire est perpétuellement en retard ou dans une phase de dépérissement ou de déclin?
Voilà d’où les Québécois tirent leurs complexes et une grande part de leurs difficultés. Pour le comprendre, on peut utiliser l’exemple de la politique étrangère.
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EXEMPLE DE LA POLITIQUE ÉTRANGÈRE
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Il est étonnant que les Québécois (même les fédéralistes) tiennent à l’autonomie sur le plan de la politique intérieure et dénoncent les empiètements du fédéral dans les champs de compétences provinciales alors qu’ils sont muets à propos du fait qu’Ottawa s’occupe de la politique étrangère pour la nation québécoise. Il est tout aussi étonnant que les fédéralistes soient si prompts à dire qu’il faille travailler ensemble avec le Canada, mais que le monde s’arrête justement à la frontière du Canada. Le Québec n’échange donc véritablement qu’avec un seul peuple, le peuple canadien, et encore, il le fait avec des moyens inégaux puisqu’il est politiquement sous la tutelle de la majorité canadienne. Les arguments fédéralistes sont pour l’union plutôt que la division, la coopération plutôt que la compétition, mais ils ne se rendent pas compte qu’ils excluent le Québec d’une incroyable quantité de relations qu’il pourrait développer avec d’autres États-nations.
Si l’on comprend le principe pour lequel « vivre c’est agir », il est évident qu’agir par soi-même en politique étrangère est un bien en soi, il suffirait donc de dire que le fait que le Québec soit privé de la capacité d'agir en politique étrangère constitue une oppression essentielle. Le Québec perd de l'initiative et de l'expérience. Par ailleurs, cette perte a des conséquences négatives à cause de l'interaction des facteurs. Puisque l'économique renforce le politique et le culturel, puisque le culturel renforce le politique et l'économique, puisque le politique renforce le culturel et l'économique, un domaine d'intervention aussi important que la politique étrangère fait appel à ces trois facteurs et ne pas décider en politique étrangère est forcément une perte catastrophique.
En plus de cette oppression essentielle, le Québec vit une série d'oppressions accidentelles reliées à l'inaction imposée par le Canada. Pour mieux les comprendre, Wikipedia nous donne une définition simple : « La politique étrangère est l'action menée par un État en vue d'établir des relations diverses avec d'autres États, de coopération, commerciales, diplomatiques et militaires…»
Même si la politique étrangère semble tournée vers l’extérieur, elle dépend avant tout des caractéristiques propres de l’État qui la conduit et donc des individus au pouvoir dans l’État en question. Cela veut dire que le Canada aura une politique pour favoriser les intérêts de ceux qui dirigent, lesquels doivent s’assurer que la population adhère à leur projet. Maintenant, les intérêts de la nation québécoise et les intérêts de la nation canadienne sont-ils solubles, compatibles? La réponse honnête, à laquelle consentira le fédéraliste le plus obstiné, c’est qu’ils ne le sont pas toujours. Par exemple, l’intérêt du Canada, surtout depuis que les centres de décisions sont de plus en plus entre Toronto et Calgary, semble être de développer une économie basée sur l’exportation des matières premières avec la Chine et les État-Unis et de profiter de la frénésie économique reliée à cette exploitation et à cette exportation. L’Alberta et la Colombie-Britannique sont les principales bénéficiaires de cette politique économique, laquelle n’est pas mauvaise en soi, mais ce n’est pas une politique économique qui favorise une économie diversifiée comme celle du Québec, laquelle profite plutôt d’un dollar faible, pour ses exportations ou pour son industrie touristique. Le contexte pourrait être totalement différent, mais à l’aune de cet exemple actuel, le Canada peut se servir de tous les leviers de sa politique étrangère pour faciliter l’atteinte des objectifs établis par sa politique économique. Qui décide au Canada? Sont-ce les 75 députés (24%) que le Québec envoie siéger à Ottawa où s’agit-il plutôt des 233 (76%) députés que le Canada anglais envoie à son tour? Même si le Québec envoie tous ses députés pour le même parti fédéral et que ce dernier obtient le pouvoir, même par une courte majorité, ce sont quand même les 80 autres députés du Canada anglais qui détiendront la majorité au caucus, il est donc mathématiquement impossible pour le Québec de décider pour lui-même ou pour le Canada d’une telle manière que le Canada soit forcé à adopter une politique étrangère plus favorable à la nation québécoise qu’à la nation canadienne, voilà la base de l'oppression essentielle, laquelle va produire des oppressions accidentelles en séries.
Un bel exemple commence par la défaite de Stéphane Dion, lequel avait un « plan vert » susceptible d’aider le Québec, au détriment de l’Alberta et de la Colombie britannique. Le plan comme le politicien ont été ridiculisés lors de l’élection de 2008. Cette vision politique, potentiellement bénéfique pour le Canada, avec une solubilité des intérêts canadiens et québécois allait pourtant nuire à l’Alberta et à ses sables bitumineux. Il faut savoir que l’Ouest entretient encore des griefs pour les politiques énergétiques de Pierre Elliott Trudeau, en effet, ce dernier a cherché à protéger l’intérêt économique général du Canada, mais dans la foulée, faisait la promotion d’une intervention soutenue de l’État, laquelle se doublait d’une politique étrangère « de colombe », dans laquelle il ne craignait pas d’indisposer les États-Unis. Le Québec est donc prisonnier de la disparité régionale et géographique de ce grand pays, sans pouvoir décisionnel sur les orientations internes ni sur les actions externes qui les soutiennent. Il est perpétuellement pris entre l'écorce et l'arbre et même en cherchant seulement à s'administrer au mieux, le Québec peut subir les conséquences de politiques pour lesquelles il n'est pas responsable. Aujourd’hui, la politique énergétique du Canada s’est renversée, le gouvernement encourage le laisser-faire et ainsi l’exportation de pétrole au mépris de la sécurité énergétique et environnementale. Ce rapprochement avec les États-Unis se double d’une politique « de faucon » et le Canada a à coeur la souveraineté de l’Arctique. Il investit donc des milliards dans les équipements militaires et augmente le budget des forces armées pendant qu’il coupe dans les autres ministères. Les budgets fédéraux étant des vases communicants, on peut aisément conclure que l’augmentation des budgets militaires correspond à une stagnation ou à une diminution des transferts fédéraux envers les provinces. Le Québec est donc directement affecté par la politique étrangère du Canada et les conséquences de cette politique ont des effets directs sur sa propre politique intérieure, puisque la structure fédérale le rend dépendant desdits transferts. De plus, ce choix canadien de favoriser une région en particulier (l’Ouest) permet à l’Alberta et à la Colombie-Britannique d’avoir une fiscalité plus attrayante, dopant d’autant plus l’activité économique. L’exode des Canadiens de l’Est vers l’Ouest augmente son poids démographique et économique, ce qui accroit d’autant plus son influence et permet une diffusion de sa culture (idéologie libertarienne, laisser-faire, conservatisme, valeurs morales traditionnelles plutôt que modernes, méfiance envers l’écologie) sur le reste du pays. Affecté par toutes ces transformations, le Québec ne peut non seulement rien décider, mais il perd graduellement son pouvoir d'influence.
Observer les échanges entre l’économique, le politique et le culturel permet de montrer que l’interaction dépasse le cadre de la politique intérieure et qu’elle se prolonge à l’extérieur. Ensuite, ce qui se passe à l’extérieur a des répercussions à « l’intérieur ». Dans la perspective du « gouvernement faucon », le Canada s’est engagé à développer le « Joint Strike Fighter » (les fameux F-35) et à en acheter 65. Un nombre impressionnant de technologies sont à créer et à développer pour ce projet et le Canada est partenaire avec les États-Unis, l’Angleterre, l’Australie, pour ne nommer que ceux-là. Encore une fois, le Québec n’a pris aucune part dans cette décision, mais il devra pourtant en assumer au moins 20% du prix, mais quels seront les bénéfices? Possèdera-t-il 20% des avions? Les industries en sol québécois oeuvrant avec l'armée et collaborant à travers le pays seront-elles assujetties à la loi 101? L'expert sur la furtivité des matériaux proviendra-t-il d'une université Canadienne ou Québécoise? Quel intérêt pour les étudiants québécois de poursuivre leurs études en français, pour ceux qui désirent devenir pilotes de F-35, advenant que le Gouvernement fédéral décide que l'école de pilotage soit en Ontario? Par ailleurs, la dépense du Canada dans cette affaire est énorme et pourrait compromettre l'atteinte de l'équilibre budgétaire. Le gouvernement fédéral pourrait se voir obligé de couper dans ses autres dépenses et peut-être est-ce aussi ce que la majorité du Canada anglais recherche. Peut-être que cette décision aura des répercussions sur le financement de la recherche et de l'éducation supérieure (le culturel) et donc sur l'économie québécoise (puisque la richesse dépend du savoir). Cette dépense pourrait aussi forcer la Banque du Canada à intervenir, encore une institution où le Québec ne décide rien...
L'assujettissement du Québec à la politique étrangère du Canada est donc une source d'incertitude constante. Parce que le Canada agit par lui-même à l’extérieur et à l’intérieur, ses politiques appuient l’économie, laquelle sert son culturel. La culture à son tour contribue à renforcer des habitudes d’agir par soi-même. Au Québec, non seulement nous n’avons pas de politique étrangère, mais nous sommes victimes de la politique étrangère canadienne, laquelle nuit à nos efforts culturels, économiques et politiques. Pire, lorsque nous décidons, malgré tout, d’investir dans une politique étrangère (de province) qui nous serait propre, nous le faisons à même nos deniers provinciaux, pendant que les autres provinces, elles, comptent sur le gouvernement fédéral. Si nous ne faisons pas nos propres efforts, nous n'existons pas aux yeux du monde, mais si nous les faisons, c'est au détriment de certaines autres priorités. Voilà le Québec prisonnier d'une double contrainte, laquelle ne l'empêche pas d'entrer malgré tout en conflit avec le fédéral et compromettant certaines de ses bonnes dispositions. Voilà que l'expression la politique étrangère, la source la plus évidente de la souveraineté pour une nation est pour nous un signe de notre vulnérabilité et de notre relation de dépendance. La politique étrangère canadienne est donc une source de stress pour la nation québécoise, un stress qu'elle est condamnée à subir par l'inaction. Il ne saurait donc être question de « complexe d'infériorité », le Québec EST inférieur.
Au contraire, une politique étrangère québécoise (dans le cadre de l'indépendance) forcerait la nation à se demander quel genre d’armée elle veut, cela stimulerait la pensée québécoise et il faudrait commencer à entrevoir les synergies. Peut-être que les soldats devraient passer par le secteur technique, mais avec une passerelle au secondaire? Peut-être que les officiers seraient formés à l’université et devraient détenir un baccalauréat? Combien de formations professionnelles excitantes pour les métiers mécaniques, voilà de puissants incitatifs pour terminer un secondaire! Et l'impact pour notre langue! Toutes les instructions, les manuels, les termes qu’il faudrait inventer et traduire. Il faudrait nous aussi avoir des services secrets et des ambassades; combien de postes pour ceux qui étudient en études allemandes, études espagnoles, études russes ou chinoises? Et c’est toute l’expérience des voyageurs québécois qu’il faudrait rassembler. Ensuite, entre les arts et les représentations politiques, de véritables mariages pourraient être faits. Nos subventions pour que nos artistes se produisent à l’étranger pourraient s’accompagner d’un travail avec nos ambassades. Nos écoles de cirque, de l’humour, de jeu pourraient collaborer avec l’armée lors des missions pour la paix et pour la reconstruction, ce qui accroitrait le prestige de la nation québécoise et la ferait connaitre, quelle source de fierté... Aurions nous, nous aussi l’équivalent des «Missions françaises» dans les pays pour lesquels nous avons déjà des affinités, pourrions-nous envisager des partenariats? Nous pourrions enfin penser à un plan intégré de transport et de développement de nos industries lourdes et de pointe, lequel serait lié au développement de certains de nos équipements militaires... Pensons seulement au rayonnement de la chanson et de la littérature à l'international si nous avions une politique culturelle nationale...
Enfin, le fait de penser enfin à coopérer, à échanger avec d’autres pays, sans nation qui s’interpose, nous permettrait d’agir à l’extérieur pour accroitre notre potentiel intérieur. Nos actions politiques intérieures seraient jaugées à l’aune de leur capacité à accroitre notre d’agir par nous-mêmes, en regard avec la situation extérieure, tandis que notre appartenance actuelle au Canada nous prive de ce précieux regard et de cette expérience. Noyés dans la complexité improductive d’actions canadiennes qui accroissent l’agir canadien au détriment de l’agir québécois, il est impossible aux Québécois d’évaluer correctement des décisions de politique intérieure et d'organiser leurs ressources avec efficience. L’appartenance au Canada nous prive de comparaisons et de collaborations avec des pays plus petits et plus à notre image. Et les autres comparaisons, toujours inégales, avec la nation canadienne nous minent, car contrairement à la nation québécoise, la nation canadienne jouit de l’administration provinciale de 9 autres provinces et d’un gouvernement central qui travaille justement en fonction de l'augmentation de l'agir collectif canadien. La nation québécoise ne bénéficie que d’une administration provinciale pendant qu’elle se prive de surcroit de la moitié de ses ressources fiscales. Et quand un fédéraliste vous répondra que le Québec n’est pas privé, puisqu’il reçoit du fédéral, demandez toujours : « MAIS QUI DÉCIDE, QUI AGIT? » Il est normal, dans un contexte aussi inégal que la nation québécoise se sente diminuée, complexée. Mais comme le disait Sartre : « L’existence précède l’essence. » C’est-à-dire que la différence entre la nation québécoise et la nation canadienne ne dépend pas d’une essence comme si le Québec était prédéterminé à être déficitaire, à recevoir de la péréquation ou à avoir un haut taux de décrochage. Ce sont les conditions d’existence, à savoir que la nation canadienne agit par elle-même, qui lui donnent ses qualités, lesquelles ne sont rien d’autre que les leçons, l’expérience et les habitudes qu’elle tire de l’interaction des facteurs économiques, politiques et culturels. S’il agit par lui-même, le Québec ne peut faire autrement que se développer et s’épanouir, à l'intérieur comme à l'extérieur.
Au début, sa politique étrangère sera sans doute dictée par la puissance de ses voisins, mais c’est justement en confrontant ce fait qu’il pourra tenter d’agir, comme chaque pays, pour accroitre sa souveraineté. Ce n’est qu’en participant à l’ONU et à l’UNESCO qu’il pourra par exemple remporter un vote historique sur la protection des patrimoines culturels et rétablir un rapport plus sain avec le poids de la culture américaine. En invitant Normand Laprise ou Martin Picard à cuisiner aux ambassades de Paris ou de Washington, la gastronomie québécoise pourra soutenir la diplomatie et cette dernière, à son tour, renforcera le culturel. Montréal héberge peut-être un futur Talleyrand qui saura jouer aussi habilement de la politique et de la gastronomie, influençant par là les investissements au Québec. La reine du Danemark parle plusieurs langues et a illustré le Seigneur des anneaux, notre première présidente sera peut-être une artiste capable de la toucher esthétiquement et d’utiliser les arts pour rapprocher les Danois des Québécois d’une manière qui nous semble actuellement insoupçonnée. Peut-être cela permettra-t-il un partenariat économique dans l’exploitation de l’Arctique, voire une coopération militaire?
Des centaines de nations sont intéressées aux arts et les Québécois ont une fibre artistique évidente. Notre participation actuelle à la vie artistique internationale pourrait prendre une dimension exponentielle si elle était véritablement soutenue par la nation québécoise indépendante, si celle-ci intégrait nos artistes à une politique étrangère digne de ce nom. Une politique linguistique claire et des examens dans des instituts culturels québécois à l’étranger garantirait une immigration de grande qualité, là où Ottawa nuit non seulement par sa propre sélection, mais où le Canada sabote les efforts du Québec de protéger le français, par une immigration interne où le Québec est de plus en plus noyé par de jeunes anglophones canadiens qui ne parlent pas français et qui ne voient pas l’intérêt de l'apprendre. Jeunes anglophones que le Québec doit parfois entretenir voire diplômer et qui fuient parfois ailleurs au Canada, sans même repayer la société québécoise par leurs impôts. La fatigue culturelle, c’est aussi cela et elle dégénère d’une telle façon que les gains passés que l’on croyait inébranlables s’effritent, au point que les structures de notre résistance politique tombent à leur tour, à l’image de certaines infrastructures...
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SYNTHÈSE
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La fatigue culturelle est plus facile à expliquer à partir du moment où le mouvement indépendantiste dispose de « normes » pour analyser les rapports entre la nation minoritaire et la nation majoritaire, entre la vie provinciale diminuée et la vie d’une collectivité qui profite des avantages d’être une nation intégrale titulaire d’un état.
Trudeau et ses émules invoquent le caractère universel et grandiose du Canada et réclament au nom de valeurs humanistes l’adhésion de la nation québécoise à la nation canadienne. Or, c’est justement le caractère implacable et universel de la pensée humaniste qui permet de voir le Canada pour ce qu’il est. : un pays qui sait agir pour favoriser sa nation majoritaire, mais qui force sa nation minoritaire à croupir péniblement dans une grande fatigue culturelle, et dans l’impuissance économique et politique qui lui est corollaire. Quand une minorité est impuissante, que peut-elle faire d’autre que se plaindre?
La condition de la nation québécoise est médiocre, il ne sert à rien de le nier. Mais comment ne serait-elle pas médiocre, elle qui partage son pouvoir avec la nation majoritaire? Elle y perd une part phénoménale de ressources, sans rien décider, et voit une part capitale de pouvoir lui échapper entièrement. Pourtant, l’analyse souverainiste ordinaire se contente de critiquer ce cadre en taxant de dramatique (ou en déchirant ses chemises, c’est selon) le caractère accidentel de cette oppression, de l’incompétence, de l’incompréhension ou de la mauvaise administration; l’analyse souverainiste peine à expliquer ce qui est pourtant vraiment dramatique : l’oppression essentielle qui est la perte d’agir par soi-même de la nation québécoise et l’inaction imposée de la tutelle canadienne.
Cette passivité de la nation québécoise cause une perte d’expérience, de connaissance, d'intelligence, d’habitudes d’agir, d’audace et de dynamisme , et cela devient un trait permanent. Cette paralysie, cette inaction devient une « norme », une inertie qui conduit l’agir québécois à s'atrophier et plonge la nation québécoise dans une vision diminuée d’elle-même. Cette perception d'infériorité, ce marasme s’inscrit durablement et profondément dans la psyché collective, contaminant le culturel.
À son tour, le culturel entretient et consolide une norme par laquelle le Québécois vit dans une réalité tronquée et ne conçoit qu'une vie provincialisée, alors qu’il aurait tout à fait les moyens d’envisager une expérience autre, mais il est prisonnier d’un carcan. On peut alors lui imposer l’anglicisation de sa métropole, le bilinguisme à la place de la loi 101, le complexer avec la péréquation, le culpabiliser pour ses réflexes d’autodéfense, le Québécois va accepter cette mécanique parce qu’il ne connait pas autre chose, comment le pourrait-il? Il est minoritaire depuis 1840.
C’est donc avant tout dans la tête qu’il faut soigner la nation québécoise (ce que Camille Laurin avait compris) et c’est neurone par neurone qu’il faut procéder, il n’y a pas d’autre cure. Car c'est au culturel, dans le savoir et dans la perception que le Québécois souffre. Un mouvement précipité organisé minoritaire ne sera pas de taille face à nos vieux réflexes et à nos complexes autodestructeurs. Cette vision négative doit être éradiquée, purgée, drainée. Il faut expliquer aux Québécois que VIVRE C’EST AGIR et que celui qui n’agit pas ne fait pas que végéter, il périclite.
Car autrement, comment cette culture atrophiée pourra-t-elle produire de l’audace et développer des initiatives dans le domaine économique? Comment produire de la richesse et la distribuer avec une singularité (toute québécoise) susceptible de créer une dynamique qui lui soit avantageuse, si d’une part, cette société ne peut presque rien décider, et si d’autre part, ce qu’elle décide, elle le fait à partir d’une psyché complexée?
Comme un chambreur, le Québec peut s’inviter dans les relations internationales qu’il voudra, il ne sera qu’un spectateur passif et devra se contenter d’une vie médiocre, culturellement, économiquement et politiquement, peut-être pourra-t-agir à l'occasion, mais ce sera toujours en subordonné. Quand Normandeau attend l’arbitrage d’Ottawa dans un différent avec Terre-Neuve à propos d’une ressource hydrocarbure maritime, c’est le triste spectacle de leur propre impuissance qui s’offre aux Québécois, comment cette dernière pourrait-elle être source de richesse?
Les Québécois doivent prendre conscience de cette vérité toute simple : VIVRE C’EST AGIR!
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La théorie véhiculée dans ce texte est celle de l’historien québécois Maurice Séguin (1918-1984), professeur au département d’histoire à l’Université de Montréal et est un des fondateurs de l’École néo-nationaliste, appelée aussi École de Montréal.
DIONNE-TOUSIGNANT, Madeleine & TOUSIGNANT, Pierre. Les Normes de Maurice Séguin; le théoricien du néo-nationalisme, Montréal, Guérin, 1999, 273p.
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L'annexe du Professeur Tournesol (ami de l'engagé)
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Chaque fois que le fédéral agit, même avec les meilleures intentions du monde, c'est le Québec qui n'agit pas, individuellement, collectivement et majoritairement, par lui-même. Voici une petite liste :
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1. défense nationale, milice,
_ 2. postes,
_ 3. échange et commerce international, transport international,
_ 4. navigation,
_ 5. sécurité des eaux,
_ 6. énergie nucléaire,
_ 7. aéronautique,
_ 8. communications internationales,
_ 9. propriété intellectuelle (brevets, droit d'auteur),
_ 10. recensement,
_ 11. statistiques,
_ 12. droit criminel, procédure en droit criminel,
_ 13. pénitenciers,
_ 14. citoyenneté (naturalisation et aubains),
_ 16. réfugiés,
_ 17. indiens, réserves indiennes,
_ 18. mariage, divorce, etc., etc.,
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18 exemples où
_  le fédéral pense pour nous, où
_ le fédéral agit pour nous,
_  le fédéral pense à notre place,
LE FÉDÉRAL AGIT À NOTRE PLACE...
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Autres exemples : 
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1. l’Aléna (l’Accord de libre-échange nord–américain),
_ 2. la BID (la Banque interaméricaine de développement, siège à Washington), ),
_ 3. la ZLÉA (le projet de Zone de libre-échange des Amériques),
_ 4. l’OÉA (l’Organisation des États américains, siège à Washington),
_ 5. La Conférence de l’ONU sur les changements climatiques (15e en 2009)
_ 6. la Cour internationale de justice de l’ONU (siège à La Haye),
_ 7. le HCR (le Haut-Commissariat pour les réfugiés, siège à Genève),
_ 8. le PAM (le Programme alimentaire mondial, siège à Rome),
_ 9. la Banque Mondiale, (siège à Washington),
_ 10. la FAO (pour l’alimentation et l’agriculture, siège à Rome),
_ 11. le FMI (le Fonds monétaire internationale, siège à Washington),
_ 12. l’OACI (l’organisation de l’aviation civile internationale, siège à Montréal),
_ 13. l’OIT (l’organisation internationale du travail, siège à Genève),
_ 14. l’OMI (l’Organisation maritime internationale, siège à Londres),
_ 15. l’OMM (l’Organisation météorologique mondiale, siège à Genève),
_ 16. l’OMPI (l’Organisation mondiale de la protection intellectuelle, siège à Genève),
_ 17. l’OMS (l’Organisation mondiale de la santé, siège à Genève),
_ 18. l’OMT (l’Organisation mondiale du tourisme, siège à Madrid),
_ 19. l’UNESCO (l’Organisation des Nations-Unies pour l’éducation, la science et la culture, siège à Paris ; (où nous avons à demander la permission pour pouvoir agir)),
_ 20. l’UIT (l’Union internationale des télécommunications, siège à Genève),
_ 21. l’UPU (l’Union postale universelle, siège à Berne), etc., etc.,
_ 22. le Commonwealth,
_ 23. l’Organisation internationale de la francophonie,
_ 24. l’OCDE (l’Organisation de coopération et de développement économique, siège à Paris), 25. l’Otan (l’Organisation du traité de l’Atlantique nord, siège à Bruxelles), etc., etc.,
_ 26. l’UNICEF (siège à New York, aide les gouvernements à mettre au  point des « services de base » dans les domaines de la santé, de la nutrition, de l’hygiène, de l’enseignement, du contrôle des naissances, etc.), etc., etc.,
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18 + 26 = 44 exemples où
_ le fédéral pense pour nous, où
_ le fédéral agit pour nous, 
_ le fédéral pense à notre place,
LE FÉDÉRAL AGIT À NOTRE PLACE.
 
Ce remplacement (ou inaction imposée), en lui-même, cette substitution, en elle-même, indépendamment de ses modalités, constitue une oppression inévitable, essentielle, qui tient à la nature même de la vie, laquelle consiste à agir par soi.
Tous ces exemples ont pourtant des retombées politiques, économiques et culturelles évidentes pour la nation canadienne, retombée dont la nation québécoise est privée. Le contraire de l'indépendance ou d'agir par soi-même, c'est le remplacement, l’inaction imposée.  Le remplacement, l’inaction imposée, c’est une oppression essentielle, parce que cet état nous prive de l’essentiel, puisqu’il nous prive de l’agir par soi (agir nécessaire, pour vivre, totalement et pleinement sa vie).
L'inaction, l'absence, le remplacement (l’inaction imposée), et la subordination, paralysent (paralysie de l'agir), appauvrissent.  Le remplacement est, en réalité, « un mal en soi ». Au contraire, l'indépendance est, en réalité, « un bien en soi ».  L'action et la réaction par soi, la présence et l'autonomie (interne et externe), agir par soi développe, enrichit, épanouit.
 
Ce sont là des notions, pour tâcher d’y comprendre quelque chose.
 
Cette idée, l’indépendance, elle mérite qu'on en fasse la promotion, pour elle-même, si l’on en arrive à la considérer, à la concevoir, comme un bien en soi, souhaitable et désirable comme une chose normale. Curieusement, pendant toutes ces années, l’indépendance-un-bien-en-soi est demeurée une idée, un argument bien caché.
Par ailleurs, l'augmentation sensible de la « température » de l’adhésion à l’indépendance, « un bien en soi », est susceptible de créer des ouragans plus violents que l’indépendance prévue par l'école optimiste de la souveraineté tranquille.
À travers les mois et les années d'augmentation, à mesure que celle-ci s'approcherait, s'approchera de 50 % , simplement en mesurant la température de l'âme québécoise indépendantiste « anormalement » élevée, les experts et les adversaires, prédiront des saisons d'ouragans particulièrement musclés.
L'augmentation de cette température à un peu plus de 50 % augmente (augmentera) aussi le niveau de réaction du Canada-Anglais,  – et des NON  –  et des États-Unis, qui se sentiront (se sentent) menacés par l’apparition potentielle de ce petit pays de 7-8 millions d'habitants au Nord de l'Amérique du Nord.
 
Le CANADA-ANGLAIS, parce qu'il y perdrait (perdra ou perd) 23-24 % des ses contribuables, consommateurs, 23-24 % de sa force économique, politique et tout ce qui fait son originalité culturelle, à l'intérieur et à l'extérieur. Les ÉTATS-UNIS, parce qu'ils se verraient, (se voient), dans l’obligation de tenir compte d'une entité de plus, – imprévisibilité, etc. –  et désirant par-dessus tout conserver le statu quo d'un allié, le Canada, (Canada-Anglais), avec lequel il est habitué d’agir, comme voisin et sur la scène internationale. Les NON DU QUÉBEC, Canadiens-Anglais et francophones confondus, parce qu'ils sont toujours attachés au Canada, au Canada-Anglais, pour mille et une raisons économiques, politiques et culturelles.
Cette menace, issue des indépendantistes du Québec, qui deviendraient (deviendront ou deviennent), par leur travail, lentement mais sûrement une majorité «  majoritaire », augmentera (augmenterait, augmente) l’impact des tempêtes et ouragans, tout simplement parce que l'indépendance « révolutionne » l'ordre établi, depuis 1760 et 1840 (soit respectivement depuis 8 et 12 générations), à l'intérieur et à l'extérieur. On menacera, tempêtera, criera à la trahison, on menacera de boycott, fomentera des troubles, des partitionnistes s'activeront ; on ira même jusqu’à faire laisser sous-entendre la possibilité d’une intervention militaire, etc.
 
Des offres, qu'on n'a jamais vues, apparaîtront ; des offres, comme on ne nous en a jamais fait, sortiront de la bouche des serviteurs d’Ottawa. Si, et seulement si, nos objectifs sont clairs, auront été clairs, au sujet de l’indépendance du Québec, si, et seulement si, l’indépendance que nous semons, que nous aurons semée, est et aura été bien comprise, bien enracinée, pouvons-nous, pourrons-nous, passer au travers des obstacles qui se présentent, se présenteront sur notre chemin.
On ne pourra faire descendre la température que si, et seulement si, on arrive à se libérer de l'attente, du désir, conscient ou inconscient, de la réforme, de la réforme du fédéralisme, du fédéralisme renouvelé, de la décentralisation et à semer l'indépendance, la normalité, un bien en soi souhaitable et désirable comme la normalité ; on ne pourra pas faire descendre, alors, la température de l’indépendance au Québec, simplement parce qu'on en a décidé ainsi, qu'on en aura décidé ainsi.
 
Mais les « preuves » que l’on peut « extraire » des faits de 1995 et 1980 sont suffisamment nombreuses, pour indiquer que cette approche ne peut raisonnablement donner les résultats escomptés, si l’on désire à la fois la réforme et l’indépendance, la normalité.  Dans ces sens- là, l’ennemi pragmatique, c'est la réforme. En outre, on ne déclare pas une « guerre » quand on n'est pas suffisamment certain de la gagner (« si, au minimum, et seulement si, vous êtes de force égale, vous pouvez engager le combat »).  Ce n'est pas en arrachant une majorité de OUI à la dernière minute que l'on constitue des OUI solides, capables de résister aux tempêtes, ou aux sirènes de la réforme.  Dans ce sens-là, l’ennemi c'est le référendum selon la manière et la méthode de 1980 et de 1995 et le Parti qui nous condamne à ces exercices très périlleux.
 
De plus, les « preuves » sont suffisamment nombreuses, les effets de nos échecs, passés, (et à venir si nous ne tirons pas les bonnes leçons de nos échecs et ne changeons pas nos orientations et nos approches) assez clairement catastrophiques – dans l'optique de rendre l'indépendance possible – pour qu'on développe et qu’on accélère, la mise en œuvre de l’éducation et de la formation politique indépendantiste.
 
Ceci dans l’optique d’un travail à long terme, indépendant des partis politiques, indépendant des gouvernements ou des contextes, avec un objectif clair, un but clair, une pédagogie claire et opérante : l'indépendance. Ce qu’on économise comme effort, en laissant miroiter l’impossible réforme comme raison de l'indépendance, ce qu'on économise comme effort en passant sous silence l'oppression essentielle – le remplacement (l’inaction imposée) –  l’histoire, en ne travaillant pas à long terme, en ne prenant pas de mesures pour dans 5 ans, dans 8 ans, dans10 ans, dans 12 ans, dans 15 ans, nous le paierons 100 fois sinon 1000 fois en vies humaines malheureuses – consciemment ou inconsciemment – désespérées, condamnées au supplice, individuel et collectif, de la provincialisation, de la médiocrité.
 
Si on ne commence pas ici et maintenant à respecter ce que c’est l’indépendance, ce que ça exige comme travail pour réduire les effets de l’idée de fédéralisme et de la réforme, par nos modestes engagements individuels, dans notre milieu de vie, individuellement et collectivement , qui va le faire ?  Quand ?  Après les élections ?  Quand le parti sera au pouvoir ?  Quelle excuse aurons-nous dans 5, 8, 10, 12, 15 ans pour n’avoir pas agi ainsi ?
 
Aucune.


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11 commentaires

  • Archives de Vigile Répondre

    17 août 2011

    Bien voilà! Monsieur l'engagé,
    Je dois admettre que votre initiative m'impressionne plus que celles de CERTAINS - pas tous - dissidents du Parti Québécois qui semblent plutôt réagir pour un changement au sein du PQ. Ce qui me fait plus penser à une passation des pouvoirs et même planifiée pour paraître spectaculaire.
    Et sans vouloir vexer ni vous ni Monsieur Cloutier - pour qui j'ai moi aussi du respect - je pense que vous faites tous deux un travail d'égale importance et, quelque part, qui se rejoint en ce qui concerne la pédagogie et le mouvement indépendantiste pro-actif.
    Je suis convaincu que vous êtes tous deux sur la bonne voie.
    Dès que je me serai libéré d'obligations légales, je me joins aussitôt au mouvement, même avec mes maigres moyens.
    Et souhaitons nous une réussite vers une indépendance du Québec plus proche et que je veux connaître, comme Monsieur Cloutier je crois, avant mon décès.
    Merci à vous! Merci à Monsieur Cloutier!
    ______________________________
    Réjean Pelletier, indépendantiste

  • L'engagé Répondre

    17 août 2011


    @ Monsieur Marquis,
    Merci pour toute vos précisions et vos bons mots. Vous confirmez mes appréhensions. Le Canada fait pour lui-même ce qui est absolument normal, malheureusement ce qu'il fait génère une condition anormale pour le Québec. C'est pourquoi j'insiste tant sur «le culturel» et encore, c'est difficile à comprendre. Les gens ne pensent souvent qu'à l'équivalent de la «Place des festivals» alors que la culture, c'est justement ce médium qui permet l'interopérabilité dont vous parlez, on est tellement dans celle de «l'autre» que l'on oublie d'imaginer de quoi la nôtre serait faite.
    Faire par exemple des exercices avec la France, comme des ÉGAUX, serait très grisant, il pourrait s'agir d'opération d'exercice de sauvetage dans Atlantique le fait de montrer que nous avons cette aptitude serait une source de fierté. Le fait que nous ne soyons pas capables d'envisager cela comme normal est la preuve que nous nous sentons diminués, mais avec tous vos exemples, ce n'est pas surprenant.
    Je ne manquerai pas de me servir de vos exemples.

  • Florent Marquis Répondre

    16 août 2011

    Cher Engagé,
    merci de m'avoir mis, à travers vos textes, sur la piste des travaux et des enseignements de Maurice Séguin.
    J'aimerais apporter une petite précision à propos des F35 et de l'aviation militaire du Canada (redevenue "Royal" depuis hier). La formation des pilotes, des techniciens d'entretien et des ingénieurs est donnée dans les provinces anglaises. Je m'explique.
    Les pilotes sont des officiers. Depuis une dizaine d'années, les officiers doivent détenir un diplôme universitaire. Ils sont formés au Collège Militaire Royal de Kingston en Ontario. S'ils sont déjà diplômés universitaires, ils font leur cours d'officier en formation intensive à la base de St-Jean-sur-Richelieu. Au sortir de cette formation, s'ils ne sont pas déjà bilingues ils seront formés en langue seconde à l'école des langues à St-Jean-sur-Richelieu.
    La formation de base en pilotage est donnée à Portage-La Prairie dans le sud du Manitoba. Une formation plus avancée est donnée à Moose-Jaw en Saskatchewan. Les pilotes de chasse (F18, F35) sont formés à Cold Lake en Alberta. Les pilotes de transport et de recherche et sauvetage sont formés à Trenton en Ontario. Les pilotes de patrouille maritime sont formés à Greenwood en Nouvelle-Écosse ou à Comox en Colombie-Britannique. Les pilotes d'hélicoptères sont formés à Gagetown au Nouveau-Brunswick.
    Les ingénieurs aérospatiaux sont formés à Borden en Ontario après leur cours d'ingénieur à l'université civile ou au Collège militaire de Kingston en Ontario. Les techniciens d'entretien d'aéronefs sont formés à Borden, à Trenton et à Cold Lake, tout dépendant de l'avion sur lequel ils travaillent.
    Il n'y a qu'une base de l'aviation au Québec: Bagotville au Saguenay. Et un escadron d'hélicoptères tactiques à Valcartier près de Québec. Et une poignée d'hélicoptères utilisés par une unité de réserve à St-Hubert sur la rive-sud de Montréal, à moins que cette unité ait fait les frais des coupures de budget. Certaines autres bases, comme Trenton, maintiennent un certain nombre d'unités bilingues ou francophones.
    Tout ce beau monde s'entraîne régulièrement avec les américains et les britanniques, utilisent à peu près les mêmes équipements et les mêmes procédures, s'habituent à travailler ensemble, etc. C'est ce que les militaires appellent l'interopérabilité, qui est un facteur clé dans le succès des opérations coalisées.
    Pour avoir fréquenté le milieu de l'aviation militaire canadienne pendant plusieurs années, je peux vous affirmer que conserver sa culture propre et son identité propre dans cet environnement est un défi de taille. Les militaires, qu'ils soient de l'aviation, de la marine ou de l'armée de terre, sont tellement imbriqués dans la machine de guerre anglo-américaine qu'il leur est difficile, à mon avis, de concevoir une autre réalité. Ils vivent dans la norme du provincialisme minoritaire qui se valorise en accédant à un métier et un statut prestigieux grâce à l'institution de l'Autre. Je pense qu'ils sont rares ceux qui, comme M. JRM Sauvé, ont réussi à se sortir des ornières du provincialisme minoritaire dans cet environnement.
    Au plaisir de vous lire.
    Forent Marquis
    Québec

  • L'engagé Répondre

    16 août 2011


    Merci GV!
    Et vous faites pour moi un retour sur le propos de JCP que je salue au passage. Comment en effet convaincre la population, nos voisins, nos amis et nos familles si nous ne disposons pas d'une pensée puissante ou si nos raisons semblent faibles ou dépassées?
    En dehors de l'argument de l'impossibilité d'une réforme du fédéralisme, l'indépendance doit avoir de la valeur en elle-même, de manière à ce qu'il n'y ait pas d'option à lui opposer. C'est le piège du «souverainisme».
    En expliquant à d'autres «intellectuels» l'interaction des facteurs et l'agir par soi, ces sont des arguments simples et puissants qui peuvent ensuite être relayés à la population. La caisse de résonance sera bien plus vaste quand des politiciens reprendront alors le même argumentaire.
    On prétend que je ne maitrise peut-être pas l'ABC de la communication, pourtant, je m'applique justement à former des «leaders d'opinion». Je prétends que le jour où l'on commencera à analyser l'actualité à travers le prisme de la pensée indépendantiste en utilisant Séguin, alors une partie de la population pourra relayer le message et l'expliquer encore et encore.
    Cette communication sera profonde authentique et c'est seulement ce profond enracinement qui permettra au vent de tourner et à provoquer ce rapport de force qui nous fait défaut.

  • Archives de Vigile Répondre

    16 août 2011

    Bravo à l'Engagé d'imposer la voie exigeante de l'effort plutôt que la voie plus facile (mais combien décevante) de l'activisme politique. Votre texte n'est pas trop long. Avant de conquérir les masses, il faudra une nette cohésion de pensée et nous ne l'avons pas. Là-dessus, je rejoins J-C Pomerleau. Un observatoire de la géopolitique, certes, doublée d'une académie de l'indépendance. Donc, une élite intellectuelle et politique indépendantiste, un corps constitué capable de livrer du contenu indépendantiste (politique et stratégique) tant au quotidien que sur le moyen et le long terme. Exigeant, oui ! ...encore jamais fait au Québec. Selon moi, Vigile constitue un des éléments de cette institution nationale à mettre en place.
    GV

  • L'engagé Répondre

    15 août 2011

    @ Pierre Cloutier,
    Je vous contredis pour votre P1 : Lévesque s'est servi du culturel, (l'éducation la télévision et de la langue) pour expliquer comment AGIR par soi-même en économie allait nous rendre plus riche. Il a expliqué qu'il avait pour cela besoin que l'on agisse par soi-même en politique pour le rendre possible, il a utiliser l'interaction des facteurs. L'effort pédagogue est essentiel et pour cela, il faut avoir quelque chose à transmettre. La pensée de Séguin était populaire dans ces années-là et elle a imprégnée le mouvement «Maitre chez nous». C'est Séguin qui a été le professeur d'histoire de bien des acteurs de la Révolution tranquille. Je ne dis pas qu'il faut brandir ses livres, on peut oublier son nom, mais donnons vie à une pensée indépendantiste.
    Cela m'amène à votre P7, une élection avec un projet clair. Que vont dire nos aspirants députés, votre mouvement, les militants? Quand le citoyen va vous demander : «l'indépendance, quossa donne?» et bien vous pourrez lui expliquer l'indépendance. Si vous n'êtes pas capable de le faire, votre organisation, votre mouvement sera une perte de temps. Pour l'instant, personne n'explique l'interaction des facteurs. Curzi parle de culture, Aussant d'économie, qui fera le pont?
    Je ne critique pas vos positions et vous savez d'ailleurs que je défends une partie de votre démarche, vous prêchez pour l'organisation et l'action politique, je m'occupe de la pédagogie, mais ce n'est pas de la perte de temps; le Québec n'est pas peuplé que de gens comme vous, bien des jeunes ignorent les principes élémentaires de la politique, de l'histoire et de notre culture.
    Pour l'instant ma démarche est intellectuelle, à mesure qu'elle gagnera en maturité, elle sera de plus en plus «populaire» et vous verrez que la pédagogie sera le pilier de la politique. Et dans le pire des cas, la pensée de Séguin aide les individus à agir par eux-mêmes et à comprendre l'interaction des facteurs dans leur vie.
    Je vous propose de relire «L'annexe du Professeur Tournesol» à propos du temps perdu. Il le dit mieux que moi.

  • Pierre Cloutier Répondre

    15 août 2011

    [1] Quand le PLQ de Jean Lesage a voulu nationaliser notre électricité, il n'a pas eu besoin de lire l'ouvrage de Maurice Séguin.
    [2] Il a eu le courage élémentaire de mettre le projet sur la table au cours d'une élection qui était loin d'être gagnée à l'avance à cause des pressions des riches propriétaires des compagnies privées d'électricité.
    [3] Aujourd'hui 49 ans plus tard, il s'agit de "nationaliser" nos institutions politiques en passant d'un statut de province à un statut d'État souverain et de mettre l'État dans la Nation.
    [4] J'entends clamer d'ici tous les péquistes frileux qui vont dire que ce n'est pas la même chose etc.etc. Je connais le refrain.
    [5] Oui c'est la même chose. Oui c'est le même principe. Celui d'avoir le courage élémentaire d'expliquer en long et en large le projet devant le peuple et de l'inviter à se prononcer.
    [6] Ce n'est pas le PQMarois qui aura ce courage. Nous le savons tous maintenant.
    [7] Le reste, c'est juste du bavardage inutile qui nous fait perdre notre temps.
    Pierre Cloutier

  • Jean-Claude Pomerleau Répondre

    15 août 2011

    Ce texte porte sur une nécessaire et indispensable pédagogie de l'indépendance. La pédagogie ayant ses limites, en fait ce qui manque le plus au mouvement et qui est beaucoup plus large comme thème c'est simplement une doctrine politique claire (doctrine: unité de pensée, Sun Tzu). Laquelle permettrait d'apprécier correctement le contexte et la situation et de dégager une stratégie conséquente.
    Maurice Séguin a fait la contribution la plus fondamentale à l'élaboration d'une pensée indépendantiste. Il Fut à la fois historien et géographe, deux disciplines qui le rapproche de la géopolitique. Il avait compris la généalogie des rapports de force (nation annexée)produisaient des symptômes (colonisé: culturel, économique, politique etc).Et que l'annexion menait à l'assimilation (le but final). Encore un peu et il avait la clé pour décoder la condition pour nous en sortir: mettre la nation dans son État. Le concept d'État ne retrouve pas comme déterminant politique clairement dans ses travaux, "agir par soi": Seul l'État agit avec envergure (M Sauvé); (quoique je suis pas un spécialiste de Séguin).
    La géopolitique fait de l'État son principal objet d'étude. C'est donc à partir de cette discipline que nous pouvons poursuivre et enrichir la contribution de Maurice Séguin.La féconder.
    En fait de quoi s'agit il ? De changer le statut d'un État de province à État souverain. Quelles sont les conditions pour y parvenir. En fait la majorité des convaincus sincère qui pourrait se poser en pédagogues n'en ont aucune idée.
    Et c'est là que nous en sommes. À quand la création d'un observatoire géopolitique du Québec ?
    JCPomerleau

  • L'engagé Répondre

    15 août 2011

    @ Pierre Cloutier
    Vous avez raison, sauf que cette formule permet également à d'autres publics de venir lire et plusieurs font de la lecture rapide en déroulant l'écran, l'étape de téléchargement est aussi un handicap. On peut aussi plus facilement faire du «copier-coller» si le texte est en ligne directement.
    Vigile n'est pas non plus la tribune habituelle de mes amis et j'ai décidé de ne pas transmettre le texte par courriel. Ils devront donc passer par ici et peut-être vous découvriront-ils?
    Nous donnerons donc vie au texte une seconde fois avec un résumé, mais mon intention est de fournir des outils pour le long terme. Si quelques indépendantistes vaillants peuvent consolider leur pensée et leur argumentaire avec les concepts de Séguin, l'objectif sera atteint.
    Salutations


  • Archives de Vigile Répondre

    15 août 2011

    Vs soulignez, à juste titre, le code criminel qui est du juridiction fédérale.
    C'est quoi LE sujet de l'été au Québec? Ce dont tout le monde parle? Le procès du Doc Turcotte. Aux States, tout le monde l'aurait vu à la télé. On aurait interviewé les jurés après le jugement pour qu'ils nous expliquent leur étonnante décision. Mais pas à Justice Canada. Tout ce fait en semi-huis-clos.
    Les Québécois adorent les procès. Les Palais de Justice sont pleins lorsqu’il y en a un procès important. La diffusion du procès Turcotte, du procès Lacroix, du procès Cloutier, du procès de Mom Boucher aurait battu des cotes d’écoute.
    Si on avait une station souverainiste, l’animateur pourrait rentrer dans Ottawa, souligner toute la mentalité conservatrice qu’il y a Ottawa. Il ouvrirait ses lignes et demanderait à ses auditeurs: aimeriez-vous ça, vous autres, avoir le procès Turcotte sur votre câble?
    Mais on a rien pour faire le procès...du Fédéral! En 50 ans de mouvement, on a juste oublié de se donner une courroi de transmission! Je me tue à le dire: c'est la pire gaffe du mouvement.

  • Pierre Cloutier Répondre

    15 août 2011

    [1] Intéressant, mais trop long. Vous risquez de ne pas être lu.
    [2] Il aurait mieux fallu que vous fassiez un petit résumé de quelques paragraphes en incluant un lien pour le texte entier.
    [3] Un forum comme celui de Vigile se prête mal à une thèse de doctorat. C'est l'ABC de la communication.
    Pierre Cloutier